Partie V - Arts et Lettres   Chapitre XL - Section littérature   La science dans la littérature   

Né à Nantes, Jules Verne (1828-1905), rencontre sa femme en 1856 à Amiens, où il était venu pour le mariage d’un ami. Il achètera une maison à Le Crotoy avant que de quitter Paris pour s’installer à Amiens en 1871. Menacé de mort par un de ses neveux en 1886, il se renferme dans son cabinet, mais s’intéressera à sa ville et deviendra conseiller municipal.

Théodore Flournoy (1854-1920), médecin né et mort à Genève, professeur en psychologie et en philosophie des sciences, publie en 1900 Des Indes à la planète Mars, alors que cette même année Freud produit L’interprétation des rêves. Flournoy étudie dans son livre, en une perspective matérialiste, le cas d’Hélène Smith, alias Catherine-Elise Muller, né à Martigny en 1861 et morte à Genève en 1929. Hélène Smith était médium et se disait guidé par la réincarnation de l’esprit de Joseph Balsamo, alias Cagliostro, qu’elle appelait Léopold. Elle connut ce que Flournoy nomme des cycles - oriental, royal et martien – au cours desquels elle revivait ses vies antérieures. Flournoy insiste sur la créativité de l’inconscient qui produit les rêves romanesques d’Hélène. « Ce phénomène du rêve est le prototype des messages spirites et renferme la clef de toute explication des phénomènes médiumniques […] En jaillissant de notre fond caché, en mettant en lumière la nature intrinsèque de nos émotions subconscientes, en dévoilant nos arrière-pensées et la pensée instinctive de nos associations d’idées, le rêve est souvent un instructif coup de sonde dans les couches inconnues qui supporte notre personnalité ordinaire ». « On peut simplement retenir ce que Freud doit à Flournoy, et donc au spiritisme, à cette idée que la psychologie ne peut se constituer sans tenir compte de la floraison sub-liminale des médiums [1]». Et ce qu’il doit à Jean-Philippe Deleuze, médecin disciple du marquis magnétiseur Puységur, dont il théorisa les pertinentes observations sur le refoulement et le transfert chez les spirites. « La psychanalyse s’affirme comme une fille du spiritisme, câline avec Flournoy, ingrate avec Freud [2]».

C’est au centre psychiatrique des armées de Saint-Dizier où il est affecté en 1916 qu’André Breton, qui passa une partie de son enfance à Ploufragan auprès de son grand-père maternel et qui s’initia auprès de Jean Vaché en qui l’on voit un précurseur du surréalisme, à Nantes, découvre les théories de Freud dans l’ouvrage des Docteurs Régis et Hesnard, La Psychoanalyse. Alors que Freud ne voit aucune esthétique dans les manifestations des malades mentaux, Breton et avec lui les Surréalistes, explorant l’inconscient avec l’écriture automatique, l’étude des rêves et la pratique des associations libres, voit une manière de contester le monde bourgeois et conformiste. Les productions littéraires du surréalisme, issues des méthodes d’investigation de l’inconscient, apparaissent comme des rapprochements arbitraires teintés d’humour et d’absurde et sont en définitive poésie. Certains historiens, refusant de reconnaître le caractère scientifique de ces recherches, reprochent aux surréalistes de fuir la réalité et de frôler souvent l’occultisme et l’ésotérisme. Les surréalistes ont cherché à exalter l’imagination à travers le rêve afin de rendre la réalité désirable. « Cette aventure intérieure déborde le problème de l’expression : exprimer ce qui se dit en nous, être libre de tout dire, permet de mieux se connaître. De trouver un sens à sa vie, de nouvelles raisons d’être ou de changer de comportement social. Découvrir sa réalité profonde est un instrument de libération de l’homme qui retrouve alors sa place dans le monde [3]».


[1] Régis Ladous, « Le spiritisme », Cerf, p. 78

[2] ibid., p. 117

[3] Anne Egger, « Les Surréalistes », Le Cavalier bleu, p. 47