Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre XXIV - Une traversée du siècle   La Cagoule   

Mitterrand démissionne de la Légion des combattants, puis entre en juin au Commissariat au reclassement des prisonniers de guerre. Il favorisera la fourniture de faux papiers pour les évadés des camps de prisonniers. En novembre il publie un article sur son internement, Le pèlerinage de Thuringe dans France, revue de l’Etat nouveau dirigé par l’ancien cagoulard Gabriel Jeantet. En 1943, il est décoré de la Francisque, parrainé par Jeantet et Simon Arbellot de Vacqueur, lui-même ex-cagoulard. Mitterrand déclarera en 1986 que : « Je me suis trouvé titulaire de la Francisque comme bien d’autres membres importants de la Résistance, par exemple mon ami le futur maréchal de Lattre de Tassigny ». La veuve du maréchal protestera, puisque son mari jamais ne reçut cette décoration, bien qu’il fût au service de Vichy jusqu’en 1942.

En 1945, Mitterrand sera rédacteur en chef de la revue Votre Beauté, fondée par l’ancien financier de la Cagoule Eugène Schueller.

La Cagoule, sobriquet dû à Maurice Pujo dans L’Action française, désigne un ensemble d’organisations fascistes. 12 dissidents de l’Action française, dont Eugène Deloncle et Jean Filliol, fondent en 1936 le parti national révolutionnaire en 1936. L’année suivante le général d’aviation Edmond Duseigneur et le duc Pozzo di Borgo créent l’Ucad dont les membres devaient, en cas de danger intérieur, se présenter dans les casernes afin que des officiers affiliés au réseau leur ouvrent les magasins d’armes. L’Ucad entra en contact avec le Csar, fondé par Deloncle au lendemain de l’accession du Front populaire au pouvoir. Le Csar organisa des attentats et des assassinats. Jean Filliol et Fernand Jakubiez tuent les frères Carlo et Nello Rosselli, antifascistes opposés à Mussolini. Ont lieu ensuite les plastiquages de l’aéroport de Toussus-le-noble, de la Confédération générale du patronat français et de l’Union des industries métallurgiques. Deloncle chercha en novembre 1937 à faire croire à des officiers militaires à l’imminence d’un putsch communiste pour entraîner l’armée à décréter l’état de siège. Les mouvements constituant la Cagoule étaient truffés d’indicateurs de la police, si bien qu’un coup de filet permit de mettre fin à leurs agissements. Furent découvertes des caches d’armes et des listes d’adhérents.

Le procès de la Cagoule aura lieu en 1948. Jakubiez sera condamné à perpétuité, Méténier et Corrèze à 20 ans de prison, les contumaces, dont Filliol et Locuty, à la peine de mort.

On retrouve des cagoulards aussi bien à Vichy, dans l’entourage de Pétain, dans le mouvement collaborationniste de Deloncle, qui sera assassiné par la Gestapo, le MSR, que dans la Résistance. Parmi ceux qui devinrent résistants, on peut citer le colonel Heurtaux qui fut titulaire de la Francisque puis Compagnon de la Libération, Dewavrin, Loustaunau-Lacau, Pozzo di Borgo.

Un rapport du préfet Chavin, directeur de la Sûreté nationale de Vichy, prétendait que la Cagoule avait été créée par le « Mouvement synarchique d’Empire », « secte » fondée en 1922, qui, trouvant le terrorisme peu efficace, aurait préféré l’infiltration de l’entourage de Pétain et du gouvernement. Les journaux collaborationnistes s’en prenaient aux membres présumés de la secte, comme Pierre Pucheu ou Paul Marion, technocrates du gouvernement dont le tort était d’avoir eu de solides attaches avec la Banque Worms.