Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre XXIV - Une traversée du siècle   L'ascension   

Elu député de la Nièvre en 1946, il s’apparente à l’UDSR, l’Union démocratique et socialiste de la Résistance, dont il deviendra président en évinçant René Pleven en 1952. Il sera 11 fois ministres de la IVème République, en particulier à l’Intérieur pendant les « événements d’Algérie » lorsqu’ils éclatent le 1er novembre 1954. Le gouvernement Mendès France, s’il se montre favorable à l’autonomie interne de la Tunisie, ne veut rien lâcher sur l’Algérie. Mitterrand déclare alors à l’Assemblée « L’Algérie, c’est la France ». Cette position qui conduit à l’impasse et au désastre, causera la perte de la République et l’avènement de la Vème. René Coty (Le Havre 1882 – id. 1962) fut le dernier président de la IVème. Mitterrand est battu aux législatives de 1958, mais deviendra sénateur de la Nièvre et maire de Château-Chinon en 1959. C’est alors qu’a lieu l’attentat de l’Observatoire dont il est la victime et qui fut organisé par Robert Pesquet. Celui-ci dira que l’attentat était un coup monté par Mitterrand lui-même pour accroître sa popularité, mais, des années plus tard en 1965 et en 1974, accusera l’extrême-droite puis des gaullistes comme Debré d’en avoir été à l’origine. Les démêlés juridiques se poursuivront jusqu’en 1967 où un arrêt confirmera l’ordonnance de non-lieu rendu par le juge Sablayrolle.

Mitterrand crée la Ligue pour le combat républicain en 1963. Après la fusion de différents clubs de gauche, a lieu la création de la FGDS réunissant la SFIO, le Parti radical et la Convention des institutions républicaines (CIR), qui appuie la candidature de Mitterrand à l’élection présidentielle de 1965. Il sera l’unique candidat de la gauche avec le soutien du Parti communiste, n’ayant aucun espoir de rallier les centristes du MRP. Il met en ballottage de Gaulle qui ne sera élu qu’avec 55,2 % des voix. En 1966, à la IVème session de la Convention au Palais des Congrès de Lyon, il demande la fusion des composants de la FGDS en un « grand rassemblement travailliste ». Son échec, à la suite des événements de 1968 à incarner une alternative crédible au gaullisme, le mène à la démission de la présidence de la FGDS. 5 ans après l’appel de Lyon, en 1971, le Parti socialiste est créé au congrès d’Epinay. Mitterrand en prend la tête, et incarnera la gauche jusqu’à la fin. Il faut lui reconnaître, malgré la fin et l’échec de la IVème République, l’affaire de l’Observatoire et 1968, « sa force de caractère, la volonté qu’il met à refaire surface quand il est au fond du trou. Mitterrand, en politique, a été déclaré ou cru « mort », « fini », « dévalué », « liquidé », à plusieurs reprises. Toujours, il renaît de ses cendres. […] Mitterrand phénix plutôt que sphinx [1]». En 1972, PS et PC signent le Programme commun qui ne sera pas reconduit en 1977 devant le désaccord sur l’ampleur des nationalisations. Entre temps, Mitterrand est battu de justesse par Giscard en 1974 à l’élection présidentielle.

A l'issue de cette défaite, François Mitterrand est convaincu que son heure viendra lors de la prochaine présidentielle, en 1981. Mais il va devoir affronter une double crise à gauche qu'il n'avait pas prévu : le Parti Communiste, sur le déclin, fait éclater l'Union de la gauche en mettant un terme au programme commun. Et au Parti Socialiste, l'échec des législatives de 1978 et l'âge de Mitterrand (62 ans) expliquent qu'une partie des socialistes souhaitent que le leader de la gauche se retire. Dans ce contexte, le duel Rocard/Mitterrand pour le contrôle du PS, puis la candidature à la présidentielle, a constitué un obstacle sérieux dans la marche de François Mitterrand vers le pouvoir.

Du 6 au 8 avril 1979, le Parti socialiste se réunissait à Metz pour ce qui fut l'un de ses congrès les plus marquants, articulé autour de la rivalité entre François Mitterrand et Michel Rocard, et qui préfigura les enjeux politiques de l'élection présidentielle de 1981. L'enjeu de ce congrès est double : au delà du choix de la ligne politique se profile le choix à venir du candidat à la prochaine élection présidentielle. Parmi les points de débats : la conception de l'alliance avec les communistes après la rupture de 1977 : Pierre Mauroy et Michel Rocard souhaitent une démarche plus autonome pour le Parti socialiste, François Mitterrand estime que l'autonomie du PS, c'est de "tenir bon" et d'être "unitaire pour deux" même si le PC semble refuser l'union. Autres points de débat, l'évaluation du rôle du marché et des mécanismes de régulation économique, le degré de rupture avec l'ordre économique. A l'entrée du Congrès, sept motions sont en lice. François Mitterrand qui n'est plus majoritaire obtient d'emblée le ralliement sur sa droite avec l'apport des mandats de Gaston Deferre, atteignant presque la majorité absolue ; le CERES rejoint la synthèse après le congrès grâce à un discours de Mitterrand axé sur " la rupture avec le capitalisme ", " le front de classe " et la remise en cause du droit de propriété, pour former la majorité du parti. Les courants Rocard et Mauroy constituent désormais les minorités du parti.

Lors du vote final au congrès, la motion Mitterrand obtient 46,99 %, la motion Rocard 21,26 %, la motion Mauroy, 16,01 %, le CERES 14,4 % (histoire.parti-socialiste.fr - Les congrès des années 70, www.ps-metz.org/congres.htm - Metz, www.politique.net - Le duel Rocard Mitterrand des années 1970, www.jean-jaures.org - Le Congrès de Metz).

Sous la présidence de Giscard, est accueilli en France l’ayatollah Khomeyni qui, après son expulsion d’Irak, séjournera à Neauphle-le-Château du 10 octobre 1978 à sa rentrée en Iran en 1979. Cet événement fait connaître à la France le problème épineux d’un retour en force des religions sur le plan politique.


[1] Paul Yonnet, « François Mitterrand, le Phénix », De Fallois, p. 34-42