Partie XIII - La Croix d’Huriel   Les sommets de La Croix d’Huriel   Justification par le Sefer ha-yeri’ah ha-gedolah (Grand Parchemin)   
CROIX HURIEL JUSTIFICATION SEFER HA YERI AH HA GEDOLAH

Justification des associations de la Croix d'Huriel par le Sefer ha-yeri'ah ha-gedolah

D'une écriture rapide et sans doute un autographe de Flavius Mithridate, est la traduction, dépourvue de titre et commençant sans solution de continuité à la suite d'un commentaire du rituel, d'un Sefer ha-yeri'ah ha-gedolah ("Grand Parchemin") anonyme du XIVe s. conservé dans six mss hébreux et ayant fait l'objet d'un commentaire hébreu de Ruben Sarfati figurant dans deux d'entre eux avec le texte et dans six autres, sans lui. C'est un ouvrage difficile, que le traducteur avoue comme tel, et qui n'a pas attiré l'attention des érudits du XXe siècle. Les sefirot, non nommées, mises en scène dans dix-sept récits, y sont identifiables pour qui est familier de la kabbale. Le texte latin, qui paraît avoir eu un modèle hébreu dont descend (il comporte en effet des fautes propres) le manuscrit de Parme, Biblioteca Palatina 2486 (Richler 1553), est édité, avec une légère annotation critique, aux p. 49-93, et suivi d'une «note historique» p. 95-101 qui relève dans le cours de la traduction quelques allusions malveillantes ou aux moins malicieuses aux papes Sixte IV et Innocent VIII ainsi qu'à une idylle de Pic avec une femme mariée. Mercurius et le volumen volans renvoient sans doute aux charlataneries de Giovanni Mercurio da Correggio, qui fit impression à Rome à Pâques 1484, et que Pic et Mithridate ont dû renconter avant son arrestation en juillet 1486 (Notes bibliographiques, Revue des études juives, Volume 163, 2004 - books.google.fr).

Cette traduction a été faite pour Pic de la Mirandole qui demanda à être enseigné en hébreu à partir de l'été 1486, pour pouvoir réaliser ses 900 thèses en septembre 1486.

"As already explained in the Introduction, the author of the Great Parchment conceived his work as a unity of text and graphic illustrations. It is impossible to ascertain whether the original parchment was ever copied in its entirety. In any case, there is no surviving evidence of such a large and elaborated scroll. The text alone was transmitted in different ways. In a few instances, the tales were copied continuously, according to different arrangements, which reflected either the visual structure of the parchment or an implicit kabbalistic interpretation of the sequence. Independently from this copying activity, the mystic Re'uven Xarfatti wrote a commentary on the Great Parchment that included most of the original text, intermingled with his personal observations. In most cases, Xarfatti quoted complete sentences from the original but sometimes limited himself to mentioning just the beginning [...]

Xarfatti's commentary was later copied many times, thus also representing an important element of the transmission of the Great Parchment itself. However, the textual evidence offered by the manuscripts of Xarfatti's commentary is quite incomplete as far as the Great Parchment is concerned. A third method of transmission should also be mentioned. Some copyists put together both the continuous form of the work and Xarfatti's commentaries, thus creating complex manuscripts, where the original work is mirrored by Xarfatti's quotations, sometimes written all around the margins. Therefore the manuscripts of the Great Parchment can be divided into three groups. In group “a”, the work has been written alone; in group “b” the text of the Great Parchment is intermingled with the interpretation of Re'uven Xarfatti; in group “c” the continuous text of the Yeri'ah is arranged before, beside or after Xarfatti's commentary. [...] (Flavius Guillelmus Ramundus Mithridates, The Great Parchment : Flavius Mithridates, Latin Translation, the Hebrew Text, and an English Version, Volume 1 de Kabbalistic library of Giovanni Pico della Mirandola, annoté et traduit par Giulio Busi, Simonetta M. Bondoni, 2004 - books.google.fr).

Dr Menachem Kallus has discovered in the Bodleian Library the two most elaborate known graphic scrolls of pre-Lurianic Kabbalah. One of these is the only known copy of the medieval 'Great Parchment' composed by Reuven Sarfatti around 1325 (Ms. Oxford-Neubauer no.2429, which was translated in the 1480s for Pico della Mirandola and regarded in 2004 as lost) (Graphic Representation in Kabbalah, 1325-1800, Dr Menachem Kallus, Summaries of David Patterson Seminars 2009-10 - www.ochjs.ac.uk).

On y lit avec contentement :

Occidentem et orientem septentrionem et meridiem, mille milia ministrabunt ei, quatuor milia a latere seu spiritu orientis cantico novo corone regni voce silencii subtilissimi et forma hominis gabriel. Quatuor milia a latere seu spiritu occidentis hymno et gloria coronula et superbia leticia et exultatione sapiencie et intelligencie forma tauri michael. Divinitate habitatrice in occidente et multitudine frugum in virtute tauri. A latere vero seu spiritu aquilonis pleni erunt gracia et helemosina et fortitudine magnitudo et potencia et eternitas et forma aquile huriel. Et in meridie aphricano pleni erunt decor et venustas fundamentum glorie et corone superbie et triumphi et forma leonis Raphael. (Flavius Guillelmus Ramundus Mithridates, The Great Parchment : Flavius Mithridates, Latin Translation, the Hebrew Text, and an English Version, Volume 1 de Kabbalistic library of Giovanni Pico della Mirandola, annoté et traduit par Giulio Busi, Simonetta M. Bondoni, 2004 - books.google.fr).

Flavius Mithridate portait le nom de Guillermo Raimondi di Moncada après sa conversion au catholicisme. D'après l'article de la Jewish Encyclopedia de 1901-06 qui lui est consacré, son nom juif n'est pas connu, mais beaucoup de travaux modernes lui attribuent celui de Samuel ben Nissim Abulfaraj. Revenu en Italie en 1486 à l'invitation de Jean Pic de la Mirandole, il séjourna auprès de lui à Pérouse et à Fratta Todina et lui enseigna l'hébreu, l'araméen et les doctrines de la kabbale (fr.wikipedia.org - Flavius Mithridate).

Léonard de Vinci (1452-1519) était contemporain de Pic de la Mirandole (1463-1494) et de Flavius Mithridate. Avait-il accès aux mêmes sources d'informations ? La milanaise Vierge aux rochers, plan de la Croix d'Huriel, fut peinte en fait entre 1483, date de la rédaction du contrat commandant la toile, et 1486. Cette version du Louvre ne fut jamais livrée.

Au lieu de ranimer et protéger les lettres, comme on le répète tous les jours, Laurent de Médicis n'a fait, comme font d'ordinaire les grands, que protéger la médiocrité. Les membres de son académie platonique étaient des érudits qu’il payait et qui le vantaient dans leurs écrits : mais en même temps les Toscans les plus illustres étaient forcés de s'expatrier. Landino, Marsile Ficin, Pic de la Mirandole, étaient, il est vrai, accueillis noblement par lui; mais il ne faut pas oublier qu'en même temps Léonard de Vinci, Paciolo, et Alberti quittaient la Toscane (Guillaume Libri, Histoire des sciences mathématiques en Italie, depuis la renaissance des lettres jusqu'a la fin du dix-septieme siecle, Tome 2, 1838 - books.google.fr).

Le nom Vinci ne figure jamais à côté de ceux de Ficino, Landino, Politien, ou Pic de la Mirandole, qui tous fréquentaient le cercle néoplatonicien de Laurent le Magnifique. Maintes et maintes fois dans ses écrits, Vinci exprime son mépris pour les littéraires : « Parce que je ne suis pas lettré (« uomo senza lettere »), certains présomptueux prétendent avoir lieu de me blâmer, en alléguant que je ne suis pas un humaniste. Stupide engeance! » (Codex Atlanticus, 119 v.).

Ficin, Pic de la Mirandole, Machiavel, Savonarole ou Léonard de Vinci sont hommes de leur temps mais s'opposent sur presque tout. Comment comparer l'uomo senza lettere qu'est Léonard avec l'intellectuel immensément cultivé qu'est Ficin ? (Christiane Menasseyre, André Tosel, Figures italiennes de la rationalité, 1997 - books.google.fr).

Réuben Sarfati, auteur d'un commentaire sur le Ma'arekhet ha-Elohut, représente la seconde branche de l'héritage espagnol, celle de la kabbale dite extatique et prophétique d'Abraham Aboulafia. Avant même l'expulsion de 1492, la rencontre des kabbales espagnole et italienne est donc effective. De nombreux kabbalistes en route pour la Terre sainte passent par l'Italie, tel Isaac Mar Hayyim qui y écrit, en 1491, deux longues lettres concernant la question de l'émanation. Cette rencontre se confirme encore davantage avec l'arrivée des expulsés en Italie du Nord, à la fin du XVème siècle. Ainsi, après avoir quitté l'Espagne et avoir brièvement séjourné au Maroc, Judah Hayyat s'installe à Mantoue où il rédige, dans les années 1495-1498, un autre commentaire du Ma'arekhet ha-Elohut intitulé Minh'at Yehudah. Il y cite abondamment les textes zohariques, le Sefer ha-Bahir, les écrits d'Azriel de Gérone, d'Isaac l'Aveugle et de Joseph Gikatila, poursuivant ainsi la diffusion de la kabbale classique en Italie (Joëlle Hansel, Moïse Hayyim Luzzatto, 1707-1746: Kabbale et philosophie, 2004 - books.google.fr, Maria Teresa Ortega Manasterio et Javier Del Barco Del Barco, La ciencia griega en los manuscritos hebreos de la Communidad de Madrid, 2009 - digital.csic.es).

Ainsi par les associations animalières faites avec les quatre anges Uriel, Michel, Raphaël et Gabriel, on parvient à celles avec les évangélistes par le Tétramorphe.

Associations

Plus immédiatement on devrait avoir :

Médecine / Raphael / Luc / Salerne

Mais Luc a son tombeau à Padoue, et Padoue est une université de Droit. Luc seul à citer Gabriel dans les Evangiles.

Droit / Michel / Matthieu / Padoue

Le Sermon sur la Montagne est un des textes évangéliques majeurs pour la morale chrétienne. [...] Les Pères de l'Eglise et les grands scolastiques ont bien compris l'importance du Sermon sur la Montagne. Saint Augustin spécialement y a vu le modèle parfait de la vie chrétienne. Au XIIIe siècle, la théologie franciscaine ainsi que saint Thomas considéreront le Sermon sur la Montagne comme le texte spécifique de la Loi nouvelle, face au Décalogue et à la Loi ancienne. Le Sermon était pour eux, comme pour les Pères grecs, un des textes les plus caractéristiques de la doctrine morale chrétienne (Servais Pinckaers, Les sources de la morale chrétienne: sa méthode, son contenu, son histoire, 2007 - books.google.fr).

Matthieu l'évangéliste était publicain, son métier était en rapport avec le droit et les droits (de perception).

Chaque publicain avait le droit de percevoir l'impôt ou d'autres redevances, en entier, et d'actionner un contribuable défaillant, pour toute la somme due, et de procéder à son exécution (Emile Szlechter, Le contrat de société en Babylonie, en Grèce et à Rome: étude de droit comparé de l'antiquité, 1947 - books.google.fr).

Et s'il est vrai que les publicains pouvaient en fait obtenir des modifications aux clauses de la loi, en droit elle est l'oeuvre exclusive du magistrat. Comme ses modèles hellénistiques, la lex censoria est en sa qualité de lex dicta un règlement autoritaire auquel obéit le publicain adjudicataire (André Magdelain, La loi à Rome: histoire d'un concept, 2009 - books.google.fr).

Mais Matthieu a son tombbeau à Salerne et Salerne est une université de Médecine.

Le sermon sur la montagne rapporté par Matthieu a son équivalent chez Luc, sous la forme d'un bref discours dans la plaine (Mt 5-7; Lc 6, 20-49). Les exégètes admettent que les béatitudes et les sentences rapportées par Matthieu et Luc n'ont pas été proclamées d'un seul tenant par Jésus. Elles sont chacune « comme le résumé d'une prédication de Jésus, ou bien la quintescence d'un enseignement doctrinal qui, sous la forme de questions et de réponses, a pu durer une journée entière, ou bien encore, la conclusion d'une polémique avec ses adversaires. Matthieu et Luc ont l'un et l'autre rassemblé ces éléments importants pour construire leurs textes respectifs (François Vaillant, La non-violence dans l'Evangile, 1991 - books.google.fr).

De même, seuls Matthieu et Luc racontent la conception et l'accouchement de Marie. L'annonciation de ces événements se fait à Joseph par un "ange du seigneur" pour Matthieu et à Marie par l'ange Gabriel pour Luc.

Les Évangiles de Matthieu et Luc vont de pair. Ils ont été écrits entre 80 et 90, le premier par un Juif christianisé de Syrie, le second par un païen converti de langue grecque, vivant à Antioche. Les deux évangélistes se sont certainement inspirés de Marc (Luc reconnaît l'apport de prédécesseurs qui ont fondé leurs récits sur « des événements qui se sont accomplis parmi nous »), mais sans en reprendre l'ordre chronologique exact et en y rajoutant, outre deux chapitres sur l'enfance, un ensemble commun de deux cent trente paroles inédites de Jésus. Ces paroles (ou logia), identifiées dans la deuxième moitié du XIX e siècle par des exégètes allemands, sont connues sous le nom de Q (de l'allemand Quelle, ou source) (Frédéric Lenoir, Le Christ philosophe, 2007 - books.google.fr).

Mentionnons quelques exemples de la richesse de la source des logia en partant de la version de Luc, probablement ancienne: le discours dans les champs, Luc 6:20 ss qui a été amplifié grâce à d'autres logia pour devenir le Sermon sur la Montagne dans Mat. 5-7 (Günther Bornkamm , Nouveau Testament: problèmes d'introduction, traduit par Etienne de Peyer, 1973 - books.google.fr).

On a un donc un effet miroir entre Luc et Matthieu, au moins sur la Nativité et les Béatitudes. Ce qui explique une apparente interversion des lieux de sépultures, Luc à Padoue, université de Droit "spécialité" de Matthieu, et Matthieu à Salerne, université de Médecine spécialité de Luc.

On aurait bien ainsi Luc à l'opposé de Matthieu sur la Croix d'Huriel.

Dans le Tétramorphe, à Matthieu est associé l'homme, ets selon certains, Gabriel signifie "homme de dieu" (Pedro de Ribadeneyra, Les fleurs des vies des Saints, Volume 1, complété par André Du Val, et traduit par M. Rault, 1668 - books.google.fr).

Dans le Nouveau Testament, Marie était vierge lorsqu'elle a conçu Jésus et selon Matthieu 1,25, elle l'est restée jusqu'à l'accouchement (Enrico Norelli, Marie des apocryphes: enquête sur la mère de Jésus dans le christianisme antique, 2009 - books.google.fr).

L'Evangile du pseudo-Matthieu, l'accouchement de Marie est raconté longuement, dans une grotte illuminée, et dominée par une étoile. Y apparaît l'histoire de Salomé qui, voulant vérifier la virginité de Marie, subit un dessèchement de la main droite qu'elle recouvre saine après s'être repentie (Jean-Paul Kurtz, Au Nom de Jésus Fils de l'Homme et de Christ Fils des Dieux -Tome 2, 2015 - books.google.fr).

Si saint Cyprien suppose que c'est l'ange Gabriel qui annonce à Joseph la maternité de Marie dans l'Evangile de Matthieu, le nom de l'ange n'y est pas formellement : c'est un "ange du Seigneur" (1,20) (Jean Martianay, Remarques sur la version italique de l'evangile de S. Matthieu, qu'on a découvert dans de fort anciens Manuscrits, 1695 - books.google.fr).

D'après Luc (11, 59), les parents de Jésus avaient leur résidence à Nazareth, et ce n'est que par une circonstance fortuite que Marie alla accoucher à Bethléem [recensement de Quirinus]. D'après Matthieu, au contraire, les parents de Jésus demeuraient, lors de sa naissance, à Bethléem, et ce n'est que par crainte d'Archelaüs, que, de retour d'Egypte, ils allèrent demeurer à Nazareth, et cela afin que cette prédiction des prophètes fût accomplie : Il sera appelé Nazaréen (Matth., II, 23). Cette prophétie ne se trouve dans aucun endroit de l'Ancien Testament, de sorte qu'il est impossible de la vérifier. Ou l'évangéliste a fait une fausse citation, ou le livre contenant le texte auquel il se référait est perdu (André Saturnin Morin, Jésus réduit a sa juste valeur, 1864 - books.google.fr).

Longtemps représentée comme une scène d'accouchement, l'enfantement de la Vierge est devenu, à partir du XIVe siècle, une scène d'adoration. Les Evangiles donnent sur le lieu de naissance du Christ des informations contradictoires : Matthieu et Luc le font naître à Bethléem, Marc et Jean à Nazareth. Mais, depuis le IIe siècle, la tradition est répandue en Palestine que Jésus a vu le jour dans une des grottes des alentours de Bethléem (Daniel Catarivas, Histoire de Jérusalem, d'Abraham à nos jours, 1965 - books.google.fr).

Mais c'est dans Luc qu'il faut lier l'ange Gabriel aux accouchements de Marie et d'Elisabeth sa cousine.

En effet, reportons-nous au texte de Saint Luc, racontant ce que fit la Vierge après avoir entendu l'ange Gabriel lui annoncer qu'elle mettrait au monde le fils de Dieu : « Marie se leva et s'en alla en diligence au pays des montagnes, dans une ville de la tribu de Juda. — Et étant entrée dans la maison de Zacharie, elle salua Elisabeth. — Et aussitôt qu'Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, son petit enfant tressaillit dans son sein. » Et précédemment, l'ange avait annoncé à Marie que sa cousine Elisabeth était enceinte de six mois. La Vierge, au contraire, n'était qu'au début de sa grossesse miraculeuse ; celle-ci devait donc n'être pas encore visible, tandis qu'Elisabeth avait déjà un abdomen proéminent (Gustave Joseph Witkowski, Les accouchements dans les beaux-arts, dans la littérature et au théatre, 1894 - archive.org).

Reste :

Théologie / Gabriel / Jean / Ephèse et Philosophie / Uriel / Marc / Alexandrie

Uriel enseigne la cosmologie à Enoch, ce qui le ferait pencher du côté des Arts libéraux et donc de la philosophie.

La question des anges, de leur existence, nature, hiérarchie et fonctions appartient en propre à la théologie et ce n'est point là mon domaine. Mais il est vrai que l'histoire des pratiques dévotionnelles, qui est celle qui m'intéresse, n'est pas entièrement indépendante d'une histoire beaucoup plus lente encore, presque immobile, qui se confond avec la façon dont le monothéisme de nos civilisations prend conscience de lui-même dans l'œuvre de ses théologiens. L'angélologie plonge ses racines dans l'Ancien Testament et, diversement interprétés, ce sont toujours les mêmes textes qui servent de référence. Si donc la réflexion théologique est en elle-même anhistorique — tout théologien est contemporain de Saint Paul et des Pères de l'Eglise comme tout philosophe est contemporain des présocratiques et de Platon — , il n'en reste pas moins que la théologie, tout comme la philosophie, a une histoire (Pedro Cordoba, La place de l'ange dans l'émergence la famille, Les Parentés fictives en Espagne, XVIe-XVIIe siècles: colloque international, Sorbonne, 15, 16 et 17 mai 1986, 1988 - books.google.fr).

Uriel est un problème théologique catholique. Reconnu par un saint catholique comme Ambroise, il est révoqué de la liste des anges par le pape Zacharie en 745.

Adalbertos, alias Adlabertus, Aldebertus, Adalbert était gaulois d'origine. Le jugement du concile de Soissons contre ce fanatique a été confirmé par le pape Zacharie, au IIème concile de Rome, de l'an 745. On lit dans les actes de ce dernier concile la prière d'Abalbert qui se terminait ainsi : « Precor vos, et conjuro vos, et supplice me ad vos, Angele Uriel, Angele Raguel, Angele Tubuel, Angele Michael, Angele Inias, Angele Tubuas, Angele Sabaot, Angele Simiel. » Le pape et les évêques condamnèrent cette oraison sacrilège (Thomas Gousset, Les actes de la province ecclésiastique de Reims, 1842 - books.google.fr).

Saint Boniface de Mayence légat en Gaule et au-delà du Rhin, qui lui rendait exactement compte de toutes ses actions, Zacharie eut d’excellentes relations avec les Francs, gouvernés par les fils de Charles Martel, qui veillaient à la réforme ecclésiastique. Boniface était archevêque de Mayence où étrangement l'ange Uriel est si vénéré qu'un autre archevêpque de la ville se prénomme Uriel (fr.wikipedia.org - Zacharie (pape), Jules Corblet, Histoire dogmatique, liturgique et archéologique du sacrement de baptême, Volume 2, 1882 - books.google.fr).

Uriel von Gemmingen (1486-1514) a été archevêque de Mayence à partir de 1508 et à ce titre, prince électeur et chancelier de l'empereur Maximilien Ier en 1509. Il est principalement connu pour son implication dans l'affaire Johannes Pfefferkorn, un juif converti au catholicisme qui publia en 1505 plusieurs pamphlets antisémites et exigeait de l'empereur Maximilien Ier un mandat pour la saisie et l'autodafé de tous les écrits des Juifs. Il demanda à Johannes Reuchlin, le célèbre humaniste allemand, d'examiner quelle influence la littérature juive avait eue sur le christianisme. Il emploie Matthias Grünewald comme maître d'œuvre ou architecte en 1510 (fr.wikipedia.org - Uriel von Gemmingen).

Les préoccupation eschatologiques des livres apocalyptiques dans lesquels Uriel apparaît le feraient plutôt pencher du côté théologique dont l'eschatologie fait partie.

Quant à Raphaël ("dieu guérit"), plutôt du côté de la médecine, on se rappelle que la philosophie c'est l'amour de la sophia, de la sagesse, identifiée au logos et au pneuma par Philon d'Alexandrie, qui s'oppose cependant à une conception matérielle. Sarra, l'épouse Tobie, incarne cette sagesse.

La pneuma grecque a encore un sens matériel chez Aristote, les Stoïciens et Plotin ; elle acquiert une plus haute spiritualité avec Philon qui identifie logos, sophia et pneuma (Roland Maspétiol, Esprit objectif et sociologie hégélienne, 1983 - books.google.fr).

On peut dire qu'aux trois premiers siècles, et encore au quatrième, la tendance général est d'identifier la Sagesse biblique personnifiée avec le Logos, le Verbe divin dont Jésus est l'incarnation.

Notons "la peine qu'ont eue les théologiens de l'ancienne Eglise à situer le Logos, la Sophia et le Pneuma par rapport à Dieu le Père. Théophile d'Antioche, le premier à user du vocable Trias, ne semble pas désigner par là le Père, le Fils et le Saint-Esprit, mais Dieu, le Logos et la Sophia, celle-ci ne s'identifiant pas à l'Esprit. Une tradition apocalyptique ancienne et fort répandue imagine deux êtres surnaturels ou angéliques auprès de Dieu, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche. Cette imagerie de deux associés célestes de Dieu est en relation avec la « théologie du trône » du bas-judaïsme et les représentations qu'on se faisait du tribunal céleste, avec un accusateur et un défenseur. Dans l'Ascension d'Esaïe, Christ et l'Esprit sont des puissances angéliques supérieures, dans le septième ciel. Même un Origène s'est laissé influencer par cette imagerie dans son exégèse d'Esaïe 6 : 1-8, où il fixe à deux le nombre des séraphins, qui sont le Fils et l'Esprit. Il est vrai que Philon, dans son interprétation de plusieurs textes de l'Ancien Testament, par exemple Gen. 18 : 1-3, avait préparé le chemin. L'aboutissement, dans le Nouveau Testament, de tout ce courant, est la théologie johannique de l'Esprit, autre Paraclet, à côté du Christ avocat (Bibliographie, sur Georg Kretschmar, Studien zurfrühchristlichen Trinitätstheologie (1956), Revue de théologie et de philosophie, 1959 - books.google.fr).

S'il est bien vrai que le destin le plus personnel se mesure pour chacun de nous au champ de vision qui lui fut ouvert, il me faudrait laisser dire par les hautes montagnes de l'Iran comment elles conservent la présence latente des théophanies dispensées à Zarathoustra - la vision des Archanges de lumière qui domine la philosophie iranienne d'Avicenne et Sohrawardî â leurs continuateurs ; la trace invisible des pas de Raphaël l'Archange missionné par le jeune Tobie jusqu'à cette Raghès dont le rocher profile sa ligne de crête dans le ciel subtil. Comme si, à travers les récurrences de ses visions, de Zarathoustra à Sohrawardî son résurrecteur, de Mânî aux gnostiques de l'Islam shîite, l'âme iranienne avait toujours été à la trace de celle que son antique cosmogonie nomme la Fravarti - celle que les Fidèles d'amour nommaient Madonna Intelligenza ou Sophia... (Henry Corbin, De l'Iran à Eranos, Henry Corbin : cahier, Numéro 39 de Cahier de l'Herne, 1981 - books.google.fr).

Dans la suite, sans disparaître aucunement de l'univers spirituel de Claudel, qui s'en souvient quand en 1947, réécrivant sa farce mythologique de potache, L'Endormie (1883-4), il rédige La Lune à la recherche d'elle-même et confie au Chœur une de ses plus belles évocations mythiques de « l'immense Lune» (Th, II, 1322), le mythe spécifique de Platon passe au second plan et cède la première place au mythe biblique de la création androgynique et du sommeil procréateur d'Adam. Celui-ci structure évidemment la « moralité » scénique de L'Histoire de Tobie et de Sara : le voyage « matrimonial » de Tobie y est une quête de la Sophia éternelle, et l'Archange Raphaël-Azarias, avant et afin de rendre possible l'union conjugale terrestre (André Espiau de La Maëstre, Le Mythe de l'androgyne dans l'œuvre et la pensée de Paul Claudel, Mythes claudéliens, Volume 14 de Revue des lettres modernes, 1985 - books.google.fr).

Ainsi l'Uriel des Apocalypses juives trouverait sa place auprès de Jean, auteur présumé de l'Apocalypse, surnommé le théologien et enterré à Ephèse. Raphaël, par l'amour de la sagesse, se fait philosophe.