Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre X - Jeanne d’Arc   Jeanne, Charles et Sigismond   

Ne peut-on voir l'affaire Jeanne d'Arc comme un montage franco-allemand, l'empereur Sigismond ne tenant pas à ce qu'un puissant empire franco-anglais ne s'établisse à ses frontières ? Le personnage de Guillaume Saignet pourrait faire le lien entre ses deux souverains (Kabalisation du Tarot : l'empereur). Faisait-elle partie de l'Ordre du Dragon, fondé par l'empereur ? Les dragons des légendes de saint Michel et de sainte Marguerite d'Antioche, ses voix, sont un indice, certes ténu. Est ce que Catherine d'Alexandrie, son autre voix, s'identifia à Catherine de Sienne, qui chassa le démon du corps d'une jeune fille en l'appelant « dragon », pas encore sainte lors de l'épopée de Jeanne, mais dont la réputation n'était plus à faire, et que Sigismond pressait le pape de canoniser ? Le père de sainte Catherine de Sienne , avait d'abord été enterré dans l'ancien cimetière , sous les voûtes de Saint-Dominique , où l'on voit encore la pierre sépulcrale, sur laquelle est gravé un dragon.

Nos connaissances sur Guillaume Saignet ont beaucoup progressé ces dernières années et on peut désormais parler de lui comme d'un grand commis des princes. Hélène Millet, notamment, a mis en lumière son rôle aux côtés de Sigismond dans la résolution du Grand Schisme lors de la mise à l'écart des trois prétendants à la tiare pontificale, qui ouvrit la voie à l'élection de Martin V.

Guillaume Saignet était originaire du diocèse d'Uzès, et plus précisément du village de Beaulieu dans l'actuel département de l'Ardèche [à côté de la commanderie de Jalès]. Il devait venir d'un milieu modeste, car il est peu probable que les habitants d'un village éloigné de tout centre urbain dans une région montagneuse aient été très fortunés. Cependant, quelques éléments de sa biographie et quelques personnes de son entourage permettent d'envisager que sa famille était formée de paysans aisés. Il n'était pas sans relations, car il avait presque certainement un oncle en place à la curie avignonnaise : un certain Guillermus Sanheti, scriptor pontifical. Le 20 juillet 1364, ce dernier se vit accorder le privilège de conserver son bénéfice, l'église paroissiale de Grospierres, au diocèse de Viviers, sans obligation de résidence (sauf pendant le Carême) car il était situé à plus d'une journée d'Avignon et à moins d'une lieue de la maison paternelle. Or Grospierres se trouve à 6 km au nord-est de Beaulieu, village natal de notre héros. On a donc deux Guillaume Saignet nés à une trentaine d'années de distance dans le même secteur montagneux : cela permet de leur attribuer un étroit lien de parenté. Saignet « l'ancien » fit une assez belle carrière : le 11 mai 1364, il obtint prébende et canonicat à Aix-en-Provence ; le 15 mai 1365, en tant que chanoine d'Aix et officiai à Uzès, il était chargé d'une exécution de grâces au diocèse d'Uzès. Il suivit le pape à Rome en 1368 (il fut alors dispensé pendant un an de se rendre à Grospierres pendant le Carême). Enfin, le 12 juillet 1371, il obtint un canonicat à Narbonne et renonça en contre-partie à son bénéfice de l'église paroissiale de Grospierres. D'autre part, quand on rencontre pour la première fois dans les sources Saignet « le jeune », celui qui fait l'objet de notre étude, c'est en octobre 1394 sur un rotulus de l'université d'Avignon. Il est alors bachelier en lois, dans la dixième année de sa scolarité, et il est titulaire de deux bénéfices mineurs, la chapelle Saint-Paul de Montpellier, au diocèse de Maguelonne, et le prieuré de Saint-Giniès-de-Claysse, au diocèse d'Uzès. Or on a l'impression que ces deux bénéfices sont en quelque sorte « affaire de famille ». En effet, quelques années plus tard, au tout début de 1403, c'est son frère Alexandre qui est recteur de la chapelle Saint-Paul, et en 1422 on retrouve ce dernier comme prieur de Chambonas en Ardèche, après l'avoir été de Saint-Giniès-de-Claysse : ce prieuré est situé à 10 km au sud de Beaulieu. Il y a là assurément plus qu'une simple coïncidence. C'est sans doute peu après, avant février 1403 en tout cas, que Guillaume épousa Galharde Benezech, fille de Pierre, changeur à Montpellier. À cette époque, il était donc presque certainement entré dans la vie active. On sait en tout cas qu'il fut tout d'abord avocat à Nîmes avant d'être, au plus tard en 1408, juge royal dans cette même ville. C'est à partir de cette année 1408 que les renseignements disponibles permettent de suivre approximativement sa carrière.

Dès les premières années de celle-ci, son rôle politique apparaît comme non négligeable, car il agit de concert avec de hautes personnalités pour effectuer une délicate mission auprès de Benoît XIII. Après avoir rencontré en août 1408 les cardinaux Amédée de Saluées, Guy de Malesset, Pierre de Thury, il se rend à Perpignan auprès de Benoît XIII pour lui signifier l'invitation de ses cardinaux rebelles à se rendre au concile de Pise ; il est reçu par le pape le 6 novembre et le 13 novembre ce dernier lui remet sa réponse, dont un vidimus, où Saignet est qualifié de « venerabilis et providus vir... in legibus licenciatus... judex, ut asseruit, regius Nemausi », est dressé à Nîmes le 29 novembre. Cette mission s'était déroulée sous les auspices du roi de France, qui avait écrit le 12 octobre à Martin d'Aragon pour lui recommander son conseiller.

Par la suite, la carrière de Saignet se fera principalement au service de la maison d'Anjou, et par là tout naturellement au service de Charles VII, bien avant que ce dernier n'hérite de la couronne. Saignet cependant restera toujours en contact avec les milieux ecclésiastiques, et c'est sans doute par ce biais qu'il sera amené à établir des liens assez étroits avec l'empereur Sigismond. C'est à la fin de cette même année 1413 que commence la longue affaire de la sénéchaussée de Beaucaire qui devait occuper Saignet pendant plus de deux ans et se terminer sur un coup d'éclat de Sigismond, de passage à Paris. Le 29 décembre, à la mort de l'Hermite de la Faye, sénéchal de Beaucaire, Saignet se fait donner la charge par le duc de Berry ; cependant, lorsqu'il veut faire entériner ses lettres de don en parlement, quelques jours plus tard (le 4 janvier), il se trouve face à l'opposition de Raoul de Gaucourt, qui avait reçu d'autres lettres de la part du roi et du duc de Guyenne. Gaucourt, chambellan du roi, avait rempli des charges diplomatiques (il était en mission en Aragon en 1399, en Gueldre en 1408-1409) et des charges militaires (il participa à la défense de Gênes avec le maréchal Boucicaut). Il s'agissait donc d'un personnage important qui disposait sur Saignet d'au moins trois avantages : il était chevalier, il était étranger au pays et on ne l'accusait pas comme son rival d'avoir acheté sa charge. Moyennant quoi, le 15 février suivant, Gaucourt se désiste, on ne sait pour quel motif. Voilà donc Saignet sénéchal de Beaucaire, mais pas pour très longtemps. Seize mois plus tard en effet, le 28 mai 1415, il est privé de son office sous l'accusation de non-résidence ; le 30, le duc de Berry nomme à sa place Guy de Pestel et Saignet à son tour fait opposition le 10 juin suivant lorsque Pestel vient faire entériner ses lettres. Saignet est débouté et le 8 juillet Pestel est reçu sénéchal. Quelques mois plus tard, le 25 octobre, ce dernier est fait prisonnier à Azincourt et Saignet, peu scrupuleux, en profite pour obtenir de nouvelles lettres de don du duc de Berry, lettres qu'il s'apprête à faire entériner le 12 mars 1416 lorsque Pestel, libéré, fait opposition à son tour. Le 16, l'affaire revient devant le parlement, où Pestel objecte que Saignet n'est qu'un juriste, non un chevalier, qu'il n'a donc pas d'expérience militaire. C'est alors qu'intervient le roi des Romains Sigismond, de passage à Paris et présent ce jour-là au parlement : il arme Saignet chevalier sur-le-champ. Les raisons de cette intervention, bien inhabituelle et atteignant le roi dans l'exercice de sa plenitudo potestatis, sont restées longtemps mystérieuses, mais, grâce aux découvertes récentes d'Hélène Millet, on peut désormais deviner les motifs qui ont poussé Sigismond à agir de la sorte : pendant ces années de contestation de la sénéchaussée, et plus précisément en 1415, les contacts entre le roi des Romains et Guillaume Saignet ont été particulièrement étroits.

Cette année-là, le concile de Constance, sous l'impulsion du roi des Romains, s'est attaqué résolument au problème soulevé par l'existence de trois papes. Le premier, Grégoire XII, a fini par démissionner tandis que, en juillet, Jean XXIII est arrêté et emprisonné. Reste en place l'irréductible Benoît XIII, réfugié à Perpignan et que Sigismond décide de rencontrer pour l'amener à composition. Il se rend dans le Midi de la France, passant par Avignon, Nîmes, Narbonne ; du 19 septembre au 7 novembre, il séjourne à Perpignan, puis retourne à Narbonne où il attend les derniers résultats des pourparlers avec le pape. Celui-ci se montrant inflexible, un accord, conclu sous l'égide du roi des Romains et connu sous le nom de « capitulation de Narbonne », intervient le 13 décembre 1415 entre les délégués du concile et les princes encore fidèles à Benoît XIII (c'est-à-dire les rois d'Aragon, Castille, Navarre et le comte de Foix), qui lui retirent leur obédience. Or Saignet est étroitement mêlé à cette mission mi-conciliaire, mi-impériale. Lors de la réception offerte au roi des Romains à Nîmes par Louis II d'Anjou, le sénéchal est très vraisemblablement aux côtés de ce dernier. Il est en tout cas présent le 20 août à Narbonne, lorsque Sigismond y effectue son entrée solennelle. Le 18 septembre, il reçoit un sauf-conduit émanant de la chancellerie aragonaise (il a donc accompagné Sigismond). Il est très probable qu'il est présent à Narbonne au cours de la « capitulation » ; il l'est, avec certitude cette fois, le 29 décembre à Avignon en tant que « mitsager » de Louis II lors d'une entrevue en Avignon entre le roi des Romains et Felipe de Malla, ambassadeur de Ferdinand d'Aragon. Le 3 janvier suivant, il est cité comme premier témoin dans l'instrument établi en Avignon par le notaire du concile à propos d'un prêt de 1000 francs consenti à l'empereur. Des relations serrées ont donc été établies entre les deux hommes et, dans ces conditions, l'intervention de Sigismond pour faire obtenir la sénéchaussée de Beaucaire à son fidèle « serviteur » n'a plus rien de surprenant ; il est possible d'ailleurs que Saignet ait accompagné l'empereur en Allemagne pour préparer le voyage de ce dernier à Paris au mois de mars 1416. On ne sait pas à quelle date exactement Saignet quittera sa charge. Lorque, en novembre 1417, tous les officiers sont destitués par le nouveau pouvoir bourguignon, Lancelot de Lairieu s'installe comme sénéchal de Beaucaire à Nîmes ; Guillaume, de son côté, se retire à Beaucaire, ville restée fidèle au dauphin, gardant autorité sur le Velay et le Vivarais. Mais jusqu'à quand s'exerce cette autorité ? L'étude d'Alain Demurger nous apprend que, le 24 juillet 1418, Charles VI institue André de Vallins sénéchal de Beaucaire, mais ce dernier ne dut pas prendre possession de son office car, le 4 août suivant, c'est Guillaume de Meuillon qui est nommé et qui prend possession le 14 novembre. Ce dernier exerce-t-il son autorité sur le Vivarais ? Il faudrait pour répondre suivre au jour le jour la guerre civile en Languedoc. Quoi qu'il en soit, en février 1420, Saignet est toujours qualifié de sénéchal de Beaucaire dans la quittance d'une somme de 100 livres tournois reçue en don de la part du dauphin.

On vient d'évoquer la personne de Charles VII, et il est certain que, dans les années suivantes, Saignet apparaît dans les documents en étant plutôt au service de ce dernier qu'à celui du duc d'Anjou — même si cette distinction n'a guère de signification politique étant donné l'étroite imbrication à l'époque de ces deux cercles de pouvoir.

En avril 1417, Saignet fait partie de l'ambassade dirigée par l'archevêque de Reims Regnault de Chartres, et dont le secrétaire est l'humaniste Gontier Col. Cette ambassade, chargée de prolonger la trêve négociée à Beauvais avec les Anglais en juillet 1416 par l'intermédiaire de Sigismond, n'obtint aucun résultat puisque Henri V était en train de préparer son débarquement. Par contre, en février 1419, Saignet a plus de succès en participant à une autre ambassade adressée par le dauphin à Henri V pour négocier des trêves ; celles-ci, conclues à Rouen le 12 février, étaient valables jusqu'à Quasimodo (23 avril) et lecture en fut faite en parlement le 22 février ; Guillaume était alors en la compagnie de Jean de Norry « esleu » de Sens, Louis de Chalon comte de Tonnerre, Jean de Vailly président du parlement de Poitiers, Jean Tudert doyen de Paris et Jean de Villebresme secrétaire du dauphin. Entre-temps, le 24 mai 1417, Saignet a pris part à une importante séance en parlement présidée par le chancelier Henri de Marie et tenue sur ordre du connétable Bernard d'Armagnac pour trouver les moyens susceptibles de renflouer le trésor royal. Participent à cette séance, outre des techniciens des finances, de hautes personnalités du parti armagnac : Tanguy Du Chastel prévôt de Paris, Guillaume Cousinot chancelier du duc d'Orléans, Robert Le Maçon chancelier du dauphin, Gérard de Montaigu évêque de Paris, Martin Gouge évêque de Clermont, Philippe de Boisguillier évêque de Chartres. Au début de 1420, Saignet se trouve en Auvergne avec le dauphin, et c'est quelques années plus tard qu'on le rencontre une dernière fois au service direct de celui-ci. Au début de 1425, il fait partie d'une mission envoyée par Charles VII en Hongrie auprès de Sigismond ; cette mission, à laquelle participe également Thomas de Narduccio, est menée par Artaud de Granval, abbé de Saint-Antoine-du-Viennois, et par le célèbre Alain Chartier ; après son séjour en Hongrie, l'ambassade se rend à Rome auprès de Martin V : le 22 mai celui-ci s'adresse à Philippe le Bon et au duc de Bedford pour les exhorter à entamer des négociations en faveur de la paix.

Thomas de Narduccio est un Italien attaché au service de la Curie, il accomplit de nombreuses missions entre les cours impériale, française et romaine. Il était lié avec Saignet : c'est ainsi qu'il lui apporte en 1441 une lettre que lui a adressée le confesseur de Charles VII, Gérard Machet. En 1437 Saignet lui remet une quittance de dette de 100 florins (Nicole Pons, Guillaume Saignet, Bibliotheque de L'Ecole des Chartes, 2005).

Le pape Martin V et le duc de Savoie, qui avaient tenté une médiation nouvelle en faveur du nouveau roi Charles VII, durent y renoncer une première fois en face de la triple alliance d'Amiens conclue entre les ducs de Bourgogne, de Bretagne et de Bedford; plus heureux ensuite (1424) dans leurs négociations, ils réussirent aux conférences de Chambéry et de Montluel - où l'empereur Sigismond érigea la Savoie en duché, l'an 1416 - à prolonger les trêves, à éviter des conflits et à déterminer une évolution marquée chez le duc de Bretagne. Mais si Charles VII envoie Alain Chartier en ambassade en Ecosse, pour stipuler le mariage de Marguerite d'Ecosse avec son fils et tenter une diversion, si Charles VII suscite en Allemagne des adversaires au duc de Bourgogne et correspond avec le duc de Savoie dont les efforts pour amener la paix sont stériles, d'autre part la conférence d'Auxerre n'aboutit pas, et le traité d'Innsbruck ne modifie en rien l'orientation de la politique étrangère (www.cosmovisions.com - Charles VII).

Saignet est donc une personnalité politique qui entend allier à son action une réflexion sur la société et les événements de son temps. Et ce n'est pas son activité politique qui l'a amené à réfléchir sur les modalités et la finalité de ses entreprises : avant même d'entrer dans la vie active on le voit prendre des « notes de travail ». Alors qu'il n'est que licencié en lois et bachelier en décret, donc dans les années 1395-1403, il abrège et traduit en latin une chronique universelle qu'il fait suivre d'une série de notes tirées du De regimine princi- pum de Gilles de Rome. Bien évidemment, il n'est pas le seul à agir ainsi : on songe par exemple au recueil que s'était constitué le futur prieur de Saint-Victor de Marseille, Pierre Flamenc, mais ce dernier était un ecclésiastique. Avec le manuel autographe de Saignet nous tenons un témoignage venu d'un laïc très engagé dans les affaires séculières.

Le manuel de Saignet constitue la matière du manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, latin 5042, que l'on peut considérer comme un volume de poche ou, si l'on préfère, un livre de travail, car il comporte seulement 120 feuillets de très petit format (105 x 145 mm). La plus grande partie de ce recueil est occupé par la copie, sous la forme d'un abrégé, d'une chronique universelle qui va des origines du monde au pontificat de Jean XXII et qui est connue sous le nom de « Manuel d'histoire de Philippe de Valois ». Comme le montrent son incipit et son explicit, il ne peut y avoir aucun doute sur le caractère personnel du travail de Saignet et sur le caractère autographe du manuscrit. Le travail de Saignet se distingue d'emblée par une particularité assez remarquable : l'auteur ne s'est pas contenté d'abréger la chronique ; il l'a également traduite en latin. À quoi attribuer ce transfert, fort peu courant, du français vers le latin ? S'il avait voulu prendre note de la chronique uniquement dans un désir d'accroître ses connaissances, nul besoin, semble-t-il, de la traduire. Une seule explication paraît plausible : il comptait s'en servir par la suite dans ses activités professionnelles, où il lui était indispensable de s'exprimer en latin. Notons en outre que, pour faciliter une telle utilisation, il s'est servi d'un feuillet resté blanc dans le dernier cahier de la chronique pour y relever des notes géographiques ; il y énumère les différentes provinces constituant les trois parties du monde où s'installèrent les trois fils de Noë après le Déluge. Saignet a copié ces notes «pro intellectu omnium predictorum » comme il le dit dans sa rubrique.

Son manuscrit n'a rien d'un brouillon hâtivement copié ou d'un recueil constitué de manière aléatoire. Un certain soin apporté à la présentation est manifeste : les feuillets sont numérotés en chiffres romains, le récit de chaque âge du monde commence sur une belle initiale. Si l'écriture, dans la seconde partie de la chronique est beaucoup plus cursive, les rubriques et pieds-de-mouche sont présents tout du long. L'encre rouge est utilisée non seulement pour ces derniers, mais aussi dans la plupart des manchettes qui permettent de retrouver facilement dates ou événements jugés importants. On peut citer en exemple, au fol. 30v : « Incipit monarchia Romanorum per Julium Cesarem » et « Julius Cesar quesivit Franciam et Angliam » ; au fol. 94v : « Comitatus Venessini recuperatus per comitem Tholose ab Ecclesia » ; ou encore à deux reprises au fol. 102v : « Incipit discordia inter regnum Francie et Anglie » no. Les marginalia n'ont pas seulement un caractère utilitaire : Saignet les a enjolivés par de nombreux dessins à la plume ; relevons, par exemple, un bœuf à propos de Milon de Crotone (fol. 17v), un tonneau à propos de Diogène (fol. 23), une ampoule d'où sort une fleur de lis à propos du baptême de Clovis (fol. 52v), une très belle tête d'âne avec un corps d'ours, surmontée d'une tête de pape, au moment d'un schisme dans l'Église en 1034 (fol. 73v). Autres exemples : un soleil (fol. 7, 15v), le serpent de Regulus (27v), du feu sortant d'une grande urne rectangulaire (32), la mouche d'airain de Virgile (32v), une colombe (44v), le Christ (47v), une tête de chien (48), une chemise (56v), deux dragons (70v, 71v), un corbeau (74), une femme à deux têtes (75 v), un livre (78v), un pourceau avec tête humaine (80v), un templier (81 v), etc.

II existe un court traité polémique, composé entre 1422 et 1429, qui se présente de manière anonyme dans les manuscrits et qui, sous l'incipit « Fluxo biennali spacio », fait suite à un Dialogus inter Francum et Anglum transmis, comme la Lamentacio, dans des recueils d'œuvres de Gerson. Ces deux traités se présentent sous la forme d'un entretien entre deux chevaliers, l'un français, l'autre anglais, se rencontrant à Vaucluse. Le premier reproche au second — qui vient cependant de déposer les armes et qui s'apprête à partir en pèlerinage — d'oublier ses devoirs de chevalier chrétien (combattre les infidèles, protéger la veuve et l'orphelin, s'abstraire de tout désir de domination, de toute rapine, de toute injustice) et de se comporter en serviteur de l'Antéchrist : le combattant a le devoir de désobéir à son roi plutôt que mettre son âme en état de péché mortel. Le contenu de cette œuvre est donc essentiellement religieux ; quant à son style, il présente, surtout au début, des accents imités de Pétrarque et sa clarté le rend tout à fait compréhensible. Dans la seconde partie, les deux chevaliers se retrouvent deux ans plus tard, une fois l'Anglais revenu de son pèlerinage. Le contenu est très différent de la première partie. Pour dénoncer le caractère injuste de la guerre menée par les Anglais contre le royaume de France, le chevalier français utilise trois types d'arguments : le premier est juridique (le roi de France dont la souveraineté est inaliénable ne peut que s'opposer à un vassal rebelle) ; le second est historique (le récit des origines du conflit démontre toute l'iniquité du roi Edouard et de ses alliés flamands) ; le troisième est plus religieux (les Anglais agissent sous l'impulsion du diable qui entend ruiner la chrétienté et qui a empêché le départ en croisade de Philippe VI). Tant par ce contenu que l'on vient de résumer que par son style (du français latinisé formant comme un brouillon qui n'a jamais été mis au net), la seconde partie diffère à ce point de la précédente que, même si elle a manifestement été écrite dans le but de prolonger l'entretien exposé dans la première partie, il est quasiment impossible d'attribuer le tout au même auteur. Par ailleurs, cette deuxième partie seule participe d'une « littérature de persuasion » qui entend démontrer que dans la guerre tous les torts sont du côté anglais. Dialogus et Fluxo sont transmis par trois manuscrits du xve siècle : Paris, Bibliothèque nationale de France, latin 14905, un des manuscrits les plus importants de la tradition gersonienne, transmettant des traités réunis en 1446 à l'abbaye Saint-Victor ; Bruxelles, Bibliothèque royale 2231-2245 ; Paris, Bibliothèque nationale de France, français 5038. Ce dernier transmet seulement le Fluxo, alors que, dans les deux autres, Dialogus et Fluxo forment un tout. Ils apparaissent également dans les nombreux imprimés de l'œuvre de Gerson ainsi que dans deux autres manuscrits copiés sur des incunables. Ils sont anonymes, sauf dans le manuscrit bruxellois, où le Dialogus est attribué à Gerson. Plusieurs caractéristiques amènent à se poser le problème d'une attribution éventuelle à Guillaume Saignet de tout ou partie de l'œuvre. Que la scène se déroule à Vaucluse pourrait n'être qu'un hasard. Mais plus troublante est la rubrique que l'on trouve dans le ms latin 14905, important jalon de la tradition gersonienne : « Dyalogus cujus allocutores sunt milites duo, quorum unus Francus, alter Anglus, sibi a casu invicem obviantes juxtafomtem sonorum et fontium regem Valliscluse in comitatu Venecini, de querelis Francie et Anglie contendentes ». Il est assez invraisemblable qu'un copiste ait inventé cette rubrique ; on doit donc l'attribuer à l'auteur de l'œuvre. Or la suscription de la lettre d'envoi de la Lamentacio se présente ainsi : « Scriptum in Castro vestro supra Fontem admirandum Vallis Cluse prope vestram Avinionensem civita- tem » ; d'autre part, l'allégorie commence par le récit d'une promenade s'effectuant «per terram ejusdem Ecclesie et Venecini comitatum circa fontem et torrentem admirandi nitoris ». Comme on le voit, les termes utilisés dans les deux opuscules sont très proches l'un de l'autre. Le Fluxo est l'œuvre d'un juriste qui témoigne d'une grande culture livresque tant sur le plan historique que juridique, ce qui nous met dans le même cas que la Lamentacio. Par ailleurs, on se rappelle que « Nature » était accompagnée de « Foi » et « Noblesse chrétienne » ; cette dernière allégorie — que je n'ai pas rencontrée ailleurs — rappelle les dernières lignes du Fluxo, où Fauteur conclut son exposé historico-juridique par une reprise des conseils évangéliques qui étaient à la base du Dialogus mais qui, dans cette fin de deuxième partie, constituent une rupture de ton par rapport à ce qui précède : « Cogitent [il s'agit des mauvais prélats et prêtres anglais] (...) quanta et qualis esset militia et nobilitas christiana ? Et si pro fiole Christi augenda exposita (...) quantus fructus ubi luctus ? » ". Par ailleurs, l'auteur du Fluxo déclare avoir vu récemment Henri V à Rouen ; or l'on sait que Saignet a été dépêché en février 1419 dans cette ville par le Dauphin pour conclure une trêve avec les Anglais. Dernier élément troublant, l'auteur du Fluxo est en relation avec Gerson, exactement comme pour la Lamentacio et le De nobilitate, car l'édition faite à l'abbaye Saint- Victor de Paris l'a été d'après des originaux du chancelier ; le Fluxo se trouvait donc dans les papiers de ce dernier. Tous ces indices, cependant, ne fournissent pas une preuve. Il faut donc en rester au stade de l'hypothèse, mais il est tout à fait possible d'envisager le scénario suivant : un auteur inconnu aurait composé un dialogue traitant des devoirs du combattant chrétien, traité dont Saignet aurait écrit une continuation ; le tout serait alors parvenu à Gerson. Il est quasiment impossible que le Dialogus soit l'œuvre de Saignet, dont aucun autre écrit ne laisse supposer un tel esprit mystique et un style aussi fluide ; il est presque impossible aussi d'attribuer à un auteur unique deux textes aussi différents que le dialogue initial et la continuation. La rubrique du ms latin 14905 s'applique au dialogue, mais elle a pu être ajoutée au moment où l'ensemble était constitué. Saignet pourrait avoir pris connaissance du Dialogus, situé à Vaucluse, et sa lecture l'aurait incité à participer au débat en se situant sur les deux plans où il avait des compétences : les plans juridique et historique ; puis il aurait remis le tout à Gerson en l'accompagnant d'une rubrique de son invention (Nicole Pons, Guillaume Saignet, Bibliotheque de L'Ecole des Chartes, 2005).

Martin V et la cour de Charles VII

Martin V avait été élu pape au concile de Constance le 11 novembre 1417 et couronné le 21 du même mois. Le 26 février 1418, un premier conseil d'État fut tenu au parlement à Paris, le roi étant malade, sous la présidence de Charles, Dauphin. Il s'agissait de savoir si le gouvernement devait reconnaître le nouveau pape, alors que Benoît XIII vivait encore. Il s'agissait aussi de régler l'ordre qui allait présider à la collation des bénéfices, au paiement des annates, aux réserves et expectatives. La question du rôle des bénéfices importait tout spécialement à l'université de Paris, qui jouait alors dans le forum politique un rôle actif jusqu'à la turbulence. Le conseil du premier né de la couronne comptait parmi ses membres de sages jurisconsultes, comme Robert le Maçon et Guillaume Cousinot. Ceux-ci envisageaient la situation de plus haut et dans son ensemble. Cette divergence de vues entre le conseil et l'université détermina un conflit dont les faits épisodiques ont été racontés par Du Boulay et les autres historiens analytiques. L'université avait hâte de voir le nouveau pontife consacrer, à l'instar de ses prédécesseurs, ce rôle des bénéfices que les papes distribuaient aux suppôts de l'école parisienne. Elle pressait, dans ce dessein, la reconnaissance publique et solennelle de Martin V. Mais ce dernier personnage était suspect au gouvernement du prince Charles. Le parti Armagnac considérait Martin V, élu sous l'influence immédiate et personnelle de Sigismond, comme une créature de cet empereur. Or Sigismond, après avoir, en 1416, éprouvé à Paris, avec l'hospitalité de Charles VI, les bonnes grâces du gouvernement Armagnac, avait tourné depuis vers la cause anglo-bourguignonne. Par ces motifs, les conseillers du jeune prince tendaient, au contraire, à différer de reconnaître le nouveau chef de la catholicité. Le Dauphiné touchait à l’empire, et le roi des Romains revendiquait féodalement sur ces régions de prétendus droits de suzeraineté. Sigismond voulut transporter, de son autorité impériale, le fief du Dauphiné à l’un des frères du roi d’Angleterre. Dans ces circonstances, le dauphin, par lettres patentes datées de Tours le 2 juin 1417, ordonna au gouverneur de mettre le pays en état de défense. Vers le même temps, le maréchal du Dauphiné, Guillaume de Roussillon, seigneur du Bouchage, fut institué capitaine par le dauphin, pour le servir ; avec soixante hommes d’armes, contre les Anglais. Une sorte de transaction s'opéra entre le conseil royal et l'université. Deux ordonnances furent promulguées, l'une à la fin de mars, l'autre en date du 2 novembre 1418. La première rendait à l'Église de France et du Dauphine ses antiques libertés. Elle ordonnait la collation des bénéfices français ou royaux, par voie d'élection canonique ou de patronage. Elle enjoignait aux supérieurs de confirmer ces collations sans que les impétrants dussent acquitter aucun droit ou taxe envers le trésor du pape. La seconde portait « défense de transporter hors du royaume de l'or, de l'argent, des joyaux ou autres choses, pour annates ou autres expéditions en cour de Rome. » Le premier de ces actes fut entériné au parlement le 13 avril. Moyennant ces conditions, le gouvernement consentit, le lendemain 14 avril 1418, à ce que les bulles de Martin V fussent reçues, et son obédience acceptée et déclarée. Ce même jour, « fut faite la solennité du pape Martin par les églises de Paris et environ, » mais très- simplement, ajoute le journal organe des sentiments et des intérêts universitaires. L'ordonnance du 2 avril fut enregistrée le 7 mai suivant. Ce même mois néanmoins ne s'était pas entièrement écoulé, lorsque, dans la nuit du 29 au 30, eut lieu la fameuse invasion des Bourguignons au sein de la capitale. Charles, dauphin, obligé de fuir, s'établit comme régent sur les bords de la Loire. L'un des premiers actes du gouvernement bourguignon fut de révoquer l'ordonnance publiée en mars, par un autre édit daté du 9 septembre 1418. Quant au prince Charles et à son gouvernement, il continua de garder vis-à-vis de la cour de Rome une position expectante et défensive. Le gouvernement anglais, succédant à celui de Jean-sans-Peur, se montra de plus en plus facile à l'égard de Martin V, pour ce qui concerne les libertés gallicanes. A ce prix Henri V, tant qu'il vécut, obtint du souverain-pontife diverses grâces ou privilèges apostoliques et une certaine condescendance en faveur de la cause anglaise. Le conseil de Charles, au contraire, quoique réduit de jour en jour à une désastreuse extrémité, maintint avec fermeté les traditions nationales. En 1423, le légat du pape ayant voulu pratiquer dans la province de Lyon des exactions ultramontaines, le roi Charles, de concert avec l'archevêque, réprima cette tentative. L'ordonnance du 8 février de cette année promulgua de nouveau les principes de la doctrine gallicane. Cependant, le pape Martin V s'entremit pour pacifier la chrétienté, avec un zèle digne du père commun des fidèles. La cause de la France, après la mort d'Henri V, se dessina progressivement à ses yeux, sous un jour plus favorable. En 1425, Charles VII dirigea vers Rome une ambassade solennelle, chargée de déclarer authentiquement au saint-père l'obédience du roi de France. Bedford, de son côté, ne négligeait rien pour complaire au souverain-pontife. Il présenta, dans le même temps, à la cour de Rome un traité dans lequel les libertés ou prérogatives gallicanes étaient presque complètement sacrifiées. La politique suivie jusque-là par le gouvernement royal doit être imputée non pas au prince ni aux ministres, mais à l'influence toute puissante de l'université, du parlement et des traditions gallicanes. A cette époque, Charles VII, exclusivement adonné aux plaisirs d'une vie frivole et inerte, abandonnait tout soin des affaires à ses plus indignes favoris. L'un d'eux, nommé Jean Louvet, gouvernait alors le conseil. Ce ministre, pour des intérêts à lui propres, désirait s'acquérir la faveur du saint-père. Le 10 février 1425, il fit signer au jeune prince une ordonnance qui restituait au pape la collation de tous les bénéfices. Cet acte, d'après le témoignage formel d'un secrétaire de la chancellerie, avait été signé en blanc par le roi, scellé de même, puis rempli au gré de Jean Louvet et porté à Rome par un moine de ses créatures. Martin V, en recevant cette pièce, s'empressa d'écrire à Charles VII pour le féliciter et pour le dégager du serment qui obligeait les rois de France à conserver les immunités ecclésiastiques du royaume. Le traité qu'avait proposé Bedford fut sanctionné par Martin V le 1er avril 1425. Sur les représentations du procureur général, le parlement de Paris s'opposa d'abord à l'enregistrement. Cependant Bedford triompha de ces résistances. La cour judiciaire, qui obéissait à la domination anglaise, homologua sous correction cet édit. L'acte subreptice, œuvre de Jean Louvet, fut également présenté au parlement de Poitiers. Mais le procureur général du roi de France, nommé Pierre Cousinot, dans une harangue qui nous a été conservée, protesta énergiquement contre cette pièce dolosive, surprise à la religion du roi et contraire au droit public du royaume. Le parlement, conformément à cette requête, refusa d'enregistrer. Une ambassade spéciale se rendit auprès de Martin V en 1426. A la suite de conférences tenues entre les plénipotentiaires du roi et du pape, l'acte fut rapporté et révoqué par une nouvelle ordonnance du 24 novembre 1426. En 1429, Gilles Munoz, anti-pape sous le nom de Clément VIII, se vit abandonné du roi d'Aragon et de Jean d'Armagnac, ses derniers adhérents. Le comte d'Armagnac, en premier lieu, avait demandé conseil sur ce point à la Pucelle, qui eut le bon sens de décliner une consultation de ce genre. Le comte Jean se détermina ensuite par les avis et surtout par l'exemple du roi de France. Charles VII contribua ainsi puissamment à l'extinction du schisme pontifical (Auguste Vallet de Viriville, Mémoire sur les institutions de Charles VII, Auguste Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, Tome Ier).

Du côté allemand

Un autre homme a peut-être joué un rôle dans l’épopée de Jeanne d’Arc.

En 1412, Eberhard Windecke est enfin entré au service de Sigismond de Luxembourg, l’entreprenant roi de Hongrie qui vient de saisir l'empire. Employé par lui comme, intermédiaire en quelques-uns de ses multiples trafics financiers, il demeure désormais de longues années durant, attaché aux affaires de trésorerie du souverain, étroitement au courant des intérêts et de la politique de la cour impériale, sans résider toutefois de manière permanente auprès du prince. Il passe avec lui, l'an suivant, dans la haute Italie, à Crémone, puis de là, pour son propre compte à ce qu'il semble, gagne la Pologne, ensuite le Brandebourg. En 1415, au fort du Concile, il apparaît à Constance, où son humeur fantaisiste compose un piquant dit rimé des filles de joie, curieux et amusant reflet des mœurs contemporaines. Il est aux côtés de Sigismond, dans le long et difficile parcours que l'empereur entreprend à travers la France du Midi, jusque sur le territoire aragonais, à la poursuite de I'antipape Benoit XIII, pour essayer en vain de clore pacifiquement le schisme en obtenant son abdication volontaire. Il suit Sigismond à Perpignan, en 1415, puis se dirige en sa compagnie, en 1416, vers Paris et le Nord, lors du voyage de médiation politique entre France et Angleterre, que l'empereur, à la suite de la journée d'Azincourt, a greffé sur l'échec de la négociation pontificale. Il revoit Paris pour la troisième fois, excursionne entre temps en Flandre, à Bruges, rejoint à Saint-Denis l'empereur en partance pour Calais, passe avec lui en Anglelerre, repasse sur le continent, et, après divers détours, ayant touché barre à Mayence, le retrouve en 1417 à Constance, à la fin du Concile, où il voit l'élection de Martin V et la cessation du schisme.

C'est à Mayence, sa ville natale, à la fin de 1430, qu'il passe en tout cas l'espace de temps marqué par l'apparition et les hauts faits de Jeanne d'Arc, évènements qu'il note avec une si heureuse initiative, et dont la préservation par ses soins provoque cette étude actuellement poursuivie sur son nom. Les textes relatifs à l'histoire de la Pucelle, qu'Eberhard Windecke a transcrits et conservés, et tels qu'ils apparaissent dans l'édition définitive de M.Altmann, peuvent se diviser en deux reprises distinctes. La première série offre un récit continu, poursuivi en trois chapitres, menant les faits depuis la venue de Jeanne d'Arc auprès de Charles VII à Chinon, jusques et y compris le sacre de Reims, soit de février à juillet 1429. C'est la fraction qui a été reproduite par Quicherat, dans son recueil du Procès, d'après la transposition en allemand moderne due à Guido Görres, et qui figure aussi également transposée en allemand moderne, dans la publication de M. von Hagen. Cette première série était la seule connue, jusqu'à la récente édition de M.Altmann. La seconde série comprend, soudée à la fin de la première, une suite d'informations sans date précise, une succession d'échos et de nouvelles à caractère visiblement thaumaturgique, où semblent rassemblés intentionnellement divers faits miraculeux de l'ordre le plus excessif, propres à frapper au point le plus sensible l'imagination excitable des foules. C'est la fraction que le manuscrit 2913 de la bibliothèque impériale de Vienne est seule à présenter. Cette seconde série est celle que l'édition récente de M.Altmann a été la première à révéler, et qui parait être demeurée inutilisée jusqu'ici. Est-ce le caractère d'addition au récit continu, caractère que ces informations présentent à un degré assez marqué, est-ce leur forme par trop accentuée de légende, qui a fait exclure cette seconde série de la plupart des manuscrits, en ne la conservant que dans le manuscrit 2913 de la bibliothèque impériale de Vienne ? Peut-être ces deux motifs ont-ils concouru l'un comme l'autre à ce bizarre ostracisme (www.stejeannedarc.net - Windecke).