Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre XXII - Révolution   Jean-Baptiste   

On pourra remarquer que de nombreux personnages engagés dans la Révolution se prénomment Jean-Baptiste : Auguis, Bernadotte, Bouchotte, Coutisson-Dumas, le scientifique Delambre, Dossonville, Lindet, Louvet, le peintre Regnault, Treilhard et Willermoz. On peut ajouter à la liste Carrier qui se distingua à Nantes, et hors nonagones Drouet qui reconnut Louis XVI en fuite et le fit arrêter, Kléber et Cloots. Curiosité qui est peut-être le signe de la naissance d’un monde nouveau, comme le prophète du désert annonçant la venue du Christ et une nouvelle ère, ou celui d’un mouvement contre la religion catholique, Jean-Baptiste ayant été révéré par la franc-maçonnerie et l’Ordre du Temple.

Il existe encore en Irak et en Iran, une communauté religieuse accordant la prééminence à Jean le Baptiste et considérant Jésus comme un faux prophète. Il s’agit des mandéens plaçant le baptême au centre de leurs cérémonies. En dialecte mandéen, manda, dont est tiré leur nom, signifie gnose. Leur religion est un syncrétisme d’éléments gnostiques, apparemment chrétiens et dualistes. On a, en effet, reconnu des parallèles entre l’Evangile de Jean et le Livre de Jean mandéen et certains pensent que les écrits mandéens ont influencé l’auteur de cet Evangile. D’autre part, Mani, le fondateur du manichéisme, et son père appartenaient à la secte baptismale des mughtasilah qui a été identifiée aux mandéens.

L’être suprême des mandéens est appelé roi de lumière. Il a créé cinq êtres de lumière et cinq êtres de ténèbres opposés. L’humanité a été créée par Hiwel Ziwa ou Ptahil en les personnes de Adam Paghia et Hawa Paghia ainsi que leur contrepartie occulte Adam Kasya et Hawa Kasya. Les mandéens sont issus selon le mythe d’Adam Paghia et Hawa Kasya. L’entité régissant le monde des ténèbres est la déesse noire Ruha qui est identifiée aussi au Saint-Esprit.

Les mandéens racontent que les pères de leur communauté venaient d’Egypte et qu’elle vint en Palestine où elle fut persécutée. Dite nazoréenne, elle existait bien avant la naissance de Jean baptiste qui fut un de ses chefs.

Les mandéens possèdent plusieurs livres sacrés : Le Ginza (Trésor) ou Livre d’Adam ; le Livre de Jean ou Sidra Yahya et le Haran Gawaita, récit historique. Le Livre de Jean décrit la vie de Jean Baptiste, sa naissance, annoncée par un rêve, d’Enishbai au-dessus laquelle s’arrête une étoile, et de Zakhria tous deux fort âgés. L’enfant sera emmené sur une montagne par Anosh pour le soustraire à la vindicte des Juifs, et reviendra à l’âge de 22 ans devenant le leader de la communauté mandéenne et un grand guérisseur. Il est surnommé dans ce récit le pêcheur d’âmes et le bon pasteur.

Les Arabes appellent les mandéens subba et le Coran sabéens. Or il existait une secte sabéenne en Mésopotamie, à Harran en particulier qui fut un important centre d’études hermétistes jusqu’au Xème siècle. « Harran, lieu de rencontre des influences venues de l’Inde, de Babylone, de Grèce, d’Iran et de Chine, et centre alchimique important, a pu jouer un rôle essentiel dans la transmission des secrets de l’Art. [1]». L’alchimiste Djâbir était dit-on originaire de Harran, et était sabéen.

Les mandéens reconnaissaient Jésus comme un faux prophète. Le Livre de Jean raconte que dans un  premier temps, Jean refuse de baptiser Jésus au Jourdain, et lorsque finalement il le fait, la déesse noire Ruha apparaît sous la forme d’une colombe et dessine une croix lumineuse au-dessus du fleuve. Le Hawan Gawaita dit de Jésus : « Il a perverti les paroles de la lumière et les a transformées en ténèbres ; il a converti les miens et perverti tous les cultes ». Le Ginza ajoute : « Ne le croyez pas parce qu’il pratique la sorcellerie et la duperie ».

Cette hostilité rejoint celle des révolutionnaires de 1789 contre l’église catholique, même si certains considéraient Jésus comme le premier sans-culotte.

Rennes-le-Château, les communes avoisinantes Couiza et Arques, Coutras, Clermont-Dessous, possédaient ou possèdent une église Saint-Jean-Baptiste. Edern a la chapelle Saint-Jean Botlan. Les cathédrales de Bazas, de Lyon et de Besançon, où une peinture du Dominiquin représente le prophète, lui sont dédiées. Le saint figure en statue aux portails de Vézelay, de Chartres et à la porte Saint-Jean de Sens. A Nantes, c’est une peinture du Guide qui le célèbre.

Laon a l’ancienne abbaye Saint-Jean occupé par l’hôtel du département, l’église Saint-Jean-Baptiste de Vaux -, et celle de Saint-Martin est ornée au tympan du portail de droite de l’histoire du précurseur.

La cathédrale d’Amiens fut entreprise par l’évêque Evrard de Fouilloy pour abriter la relique constituée par le chef présumé de saint Jean-Baptiste, offert en 1206 par Wallon de Sarton, chanoine de Picquigny, de retour de croisade.

 


[1] Paulette Duval, « La pensée alchimique et le conte du graal », Champion, p. 106