Partie X - 22 v’la l’Tarot   Chapitre II - Kabbalisation du Tarot   II - Papesse . XIII - Mort   

II - La Papesse - Séraphins - Hochmah - Raziel - 4 décembre - Barbe - Beth - Ophanim

XIII - La Mort - Belzébuth - 4 juin - Robert d'Uzès - Mem

Le pape est assis sur un trône dont les deux colonnes soutiennent le vide, le baldaquin absent qui se trouve ailleurs, chez La Papesse et la Reine de Coupe. Ces accessoires sont un rappel des deux colonnes que l'on retrouve notamment dans un texte hérétique d'un ennemi de la papauté, Johannes Rupescissa, un alchimiste du XIIIe siècle à qui l'on doit le concept de quintessence. Il prétendait, tout comme Robert d'Uzès d'ailleurs, que la ville où Pierre avait posé la première pierre était devenue la ville des deux colonnes, le siège de l'Antéchrist. Mais des colonnes jumelles sont également le symbole architectural des apôtres qui prêchent deux par deux (tarotchoco.quebecblogue.com - Le pape et le diable/).

Dans les écrits de sagesse, la Sagesse est parfois identifiée à l'Esprit (Sag 9, 17). Elle est une réalité féminine. Le disciple l'aime et la recherche comme il aime et recherche une femme (Sg, 14, 22) (Frédéric Manns, Le judéo-christianisme, mémoire ou prophétie ? Volume 112 de Théologie historique, 2000).

Mais dans la kabbale, Hochmah est aussi " Père " avec Binah, la " Mère " de la sephira Tipheret.

Le terme Papesse semble unir l'aspect féminin de l'Esprit et la qualification de " Père " (abba) de la sephira Hokhmah. Elle incarne la " virilité " dans la femme, accomplissant toutes les fonctions du Pape.

Barbara, la " papesse " de saint Grégoire le Grand ?

De nombreuses communautés sont rattachées à l'autre grande basilique romaine, Sainte- Marie-Majeure, à commencer par la cata Barbara de Saint-André. C'est l'ancienne basilique Siciniane, monument antique d'une grande simplicité, composé d'un rectangle oblong, sans nefs latérales, et orné à la partie supérieure des murs de croisées spacieuses ; il ne fut converti en église chrétienne que dans la seconde moitié du Vème siècle.

Barbara est sans doute le nom d'une dame patricienne qui avait fondé le couvent, et sous le nom de laquelle il était désigné. L. Duchesne suggère que cette Barbara était la patricienne avec qui Grégoire le Grand correspondait, son amie et protégée, ce qui situe la fondation du couvent de Saint-André-cata-Barbara vers les années 600.

Le saint titulaire du couvent est apparemment celui de l'église Saint-André que le pape Simplicius (468- 483) avait aménagée dans la demeure de Junius Bassus, située tout près de la basilique de Sainte-Marie-Majeure, et qui a dû être intégré dans le couvent de Barbara.

Le site du monastère de Saint-André, si intéressant pour les Anglais, est en ce moment occupé par l'église et le monastère de Saint-Grégoire. En face se trouvent trois chapelles détachées, bâties par saint Grégoire le Grand lui-même, et restaurées par le cardinal Baronius. La première est dédiée à Dieu, sous le patronage de sainte Sylvie, mère du Saint; la seconde est placée sous celui de saint André, apôtre, et la troisième sous celui de saint Barbara. Dans la dernière se trouve une statue de saint Grégoire; l'on y conserve aussi la table à laquelle le Saint invitait tous les jours son sacristain et douze pauvres pèlerins. On lit sur le portique de l'église une inscription constatant que de cette maison " partirent les premiers apôtres des anglo-saxons. " (Frederick Oakeley, Jules Gondon, Histoire de Saint Augustin, apôtre des anglais, 1846).

Robert d'Uzès

Robert d'Uzès naquit dans la ville de ce nom, au sein d'une famille noble, à ce qu'on assure, sans toutefois la désigner, et il n'est rien dit de ses études et de ses progrès, sinon qu'on admira de bonne heure en lui les lumières et le zèle ardent d'un prophète. Pendant qu'on lui enseignait la grammaire, il avait des révélations, des visions surnaturelles, qui tendaient à réformer les mœurs publiques et à ranimer les vertus chrétiennes. Devenu prêtre aussitôt qu'il eut l'âge requis, il prêcha la pénitence avec d'autant plus d'autorité qu'il en donnait l'exemple. Sur la fin de l'année 1292, il se dépouilla sans réserve de tous les biens dont il avait hérité, et qui, selon les anciens chroniqueurs dominicains, étaient situés à Sadon, apparemment Salon, près de la Durance. Pour se, vouer encore plus irrévocablement à la pauvreté, il résolut de s'engager dans l'ordre des frères Prêcheurs, et d'habiter leur couvent à Avignon: l'esprit divin lui en avait inspiré la pensée. Les supérieurs hésitèrent à l'admettre, n'étant pas encore bien sûrs de sa mission prophétique. Mais il comparut devant un chapitre tenu à Carcassonne en 1293 : il y fut interrogé, agréé, recommandé aux prières de tous les frères de la province narbonnaise; on prescrivit de célébrer pour lui des messes. Entré ainsi dans l'état monastique, Robert étendit son apostolat en France, en Italie, en Allemagne. Ses prédications prophétiques avertissaient les moines, les prélats et les princes de leurs devoirs et de leurs périls : il adressait, de la part de Dieu, des conseils au pape Célestin V, des menaces à Boniface VIII. Mais cette mission si active, et qui voulait devenir redoutable, n'eut pas une longue durée, en revenant du chapitre général de Strasbourg, tomba malade à Metz, et y mourut, comme il n'avait pas manqué de le prédire lui-même. Souères fixe cette mort au 4 juin 1296 ; ailleurs, on la place, avec moins de vraisemblance, en 1297. Il fut d'abord enterré dans le cloître du couvent de Metz ; le général, Bernard de Juzique, le fit exhumer, en 1301, et lui assigna un sépulcre honorable chez les Dominicains avignonnais. Le sac du couvent des Dominicains à la Révolution et sa destruction au dix-neuvième siècle nous ont privés des restes de Robert d'Uzès, du monument qui les contenait, de son effigie pieusement vénérée. Sa fête, dans la liturgie locale avignonnaise, était célébrée le 4 juin.

Ses discours et ses écrits ne consistent, pour l'ordinaire, qu'en récits d'apparitions miraculeuses qui n'ont pas frappé d'autres sens que les siens. Il fut, en 1291, transporté en esprit à Rome, au palais de Latran, sur le siège de porphyre où se vérifie le sexe du pape, ubi dicitur probari papa, an sit homo. Ce trait nous montre à quel point la fable de la papesse Jeanne était alors accréditée. Mabillon pense qu'elle venait d'être inventée ou propagée par le Dominicain Martin de Pologne, mort en 1278. Echard soutient qu'elle ne se lit pas dans les meilleurs manuscrits de la chronique de Martin, et que l'imposteur était plus ancien, plus rapproché du IXe siècle, où l'on plaçait la prétendue papesse. Quoi qu'il en soit, Robert d'Uzès était imbu de ce déplorable conte, comme de bien d'autres (Daunou, Robert d'Uzès, Histoire littéraire de la France: XIIIe siècle, Volume 20, 1842).

Prophétisme de Robert d'Uzès

La mission de Robert d'Uzès, aussi brève qu'extraordinaire, comportera une imagerie incomparable. Sa prédication est non seulement inclassable, mais aussi inassimilable. Dans une langue de feu qui s'appuie sur des visions inspirées, Robert s'en prend résolument à l'Église établie, défend le peuple et fustige les richesses et les abus du clergé. A Avignon, pour la Pentecôte 1294 ou 1295, il se présente symboliquement menottes aux poings, et chaînes de fer au cou devant les prélats.

Ce prophétisme n'est pas sans rapport avec les perspectives eschatologiques. Les visions se terminent le plus souvent par des imprécations adressées à ceux qui tenteraient de les falsifier ; le ton ressemble à celui employé dans les apocalypses. Le retour du Christ se prépare et tout s'ordonne à son avènement. Ce sens, nous le trouvons d'une façon encore plus affermie sous la plume de Gertrude de Hackeborn au XIIIème siècle. " Place - lui a dit le Seigneur - place mes richesses à la banque afin qu'à mon retour j'en obtienne les intérêts. " Toutefois, les visionnaires sont prudents, aucune précision rigoureuse n'est donnée sur la date concernant la fin des temps. Paul Alphandéry remarque la faiblesse du contenu doctrinal de la littérature prophétique médiévale, celle sanctionnée par la papauté. Les hétérodoxes seront à la fois plus incisifs et plus originaux. Tous les visionnaires dénoncent la décadence religieuse et formulent des appels en faveur de la pénitence.

On retrouve chez eux des remarques identiques concernant le désordre social, le manque de vie spirituelle de certains prêtres, l'ignorance religieuse de la société laïque. Leurs accents rappellent, à cet égard, les prophètes d'Israël. Les uns et les autres possèdent une personnalité puissante et s'imposent par leur tempérament et leurs visions. Le prophétisme médiéval se présente avant tout comme un moyen " exceptionnel " d'édification. Les voix prophétiques rappellent ainsi la tragédie de l'existence humaine qui ne répond pas à son destin. Leur véhémence inquiète les papes, les rois et les prédicateurs (Marie-Madeleine Davy, Essai sur la symbolique romane, 1964).

Robert d'Uzès est contemporain de Dante et d'Eckhart. Dominicain en 1292, il écrit un Livre des Paroles dans lequel le songe joue le rôle d'une prophétie politique qui lui sert à fustiger les puissants, les riches, Boniface VIII en particulier. Il annonce de grandes calamités, et se situe ainsi dans la perspective des prophéties de Joachim de Flore et des "spirituels". Il exerce, dans des années troublées, une parole de feu. Attentif en priorité au sort des pauvres, il attaque avec une vigueur extrême les faux pasteurs au temps du Carême 1294 ou 1295. Il a le sens des mises en scène et des gestes spectaculaires. Sa prédication à la marge inquiète les détenteurs de l'autorité, mais le constitue en archange du Verbe (cat.inist.fr - Robert d'Uzès).

Le premier testament de Robert d'Uzès fut dressé à Avignon au cours de l'année initiale de sa probation, comme novice, le dimanche de Pentecôte 17 mai 1293, dans le parloir du couvent dominicain, juste avant que ne commencent les Missarum solemnia de la liturgie du jour. (Edith Pasztor, Fin du monde et signes des temps, Volume 27 de Cahiers de Fanjeaux, 1992).

Robert d'Uzès et Jean de Roquetaillade

Tant le dominicain du XIIIème siècle, Robert d'Uzès, que le franciscain du XIVème, Jean de Roquetaillade, appartiennent, tous deux, à cette confrérie aux règles d'errance mystérieuses. Il importe de joindre à leur compagnie Ramon Llull qui, sous les traits de Minerve, vient in fine révéler des secrets corroborés par son Art stupéfiant. Lui, dont les écrits continuent à dormir, par suite de la faiblesse intellectuelle des hommes : quasi inutiles ex imbecillitate intellectus hominum dormiunt libri eius.

Les uns et les autres se reconnaissent à travers le temps, membres de la même famille des souverainement indésirables. À Robert, comme à Jean de Roquetaillade, aussi bien le cachot conventuel, chez les Frères Prêcheurs, que le cachot pontifical de la Tour de Trouillas ont ménagé un lieu de retraite enfiévrée. Ces geôles avignonnaises ont des profondeurs soudaines, bruissantes qu'elles sont de paroles et de visions inquiètes. À notre propos elles peuvent offrir une sorte d'arrière-plan emblématique : là est retenu captif celui qui parle, mais libéré par sa parole.

C'est à six reprises dans le manuscrit Vatican Rossiano n° 753, que Jean de Roquetaillade fait référence dans le Liber Ostensor à Robert d'Uzès. Il range ce dernier parmi les "saints frères de l'Ordre des Prêcheurs qui, ayant mené une sainte vie, spiri-tum prophecie veraciter habuerunt (p. 13 du 1er Traité). Cet esprit de prophétie qui a conduit le dominicain avignonnais à annoncer dans ses Visions (13-18), rédigées au temps de Nicolas IV, le pape franciscain, la venue du Reparator, revêtu du sac des Mineurs, autrement dit le sauveur tant attendu par Jean de Roquetaillade. Aux yeux de ce dernier, le frère prêcheur est un témoin idéal, car ne pouvant être taxé de parti pris (cat.inist.fr - Robert d'Uzès).

Le temps prévu par Robert pour la venue du Reparator tant attendu par Jean de Roquetaillade, est consigné dans le Livre des Paroles, de façon assez vague : cela doit arriver infra illam gênerationem. Ce qui amène Roquetaillade à préciser la durée ainsi désignée. Il s'appuie pour ce faire sur le verset du psaume qui assigne aux jours de l'homme une durée moyenne de soixante-dix ans et in ipsis dies annorum nostrorum septuaginta anni (Ps. 89, 10). Avec Nicolas IV, nous étions en 1291. Maintenant nous sommes en 1356. Il n'y a donc plus que trois ou quatre ans à attendre pour voir la prophétie du dominicain se réaliser et le Reparator faire son entrée sur la scène de l'Histoire, lui dont Roquetaillade, dans son manuscrit, laisse en blanc le nom (p. 36 du Traité VIII).

Du Reparator Jean de Roquetaillade se présente comme le précurseur (p. 34 du Traité VIII). À ce titre, sa fonction est d'être avant tout un denunciator novae destructionis : à savoir la ruine de la cité d'Avignon qui est la Babylone (p. 10 du Traité VI) ou encore (dans le Traité VIII, p. 1-2) la nouvelle Troie. Heureux, sur ce point, de se rencontrer avec Robert d'Uzès, dont il souligne que, de cette vengeance, le dominicain a su parler avec une particulière élégance (p. 11 du Traité VI). Non seulement de la destruction d'Avignon, mais encore des tribulations de l'église avignonnaise (p. 13-14 du Traité VII), ainsi que de la disparition des ordres religieux, à commencer par celui des Frères Prêcheurs, refuge des tenants de l'hérésie mammoniste. Perspective de ruine sur laquelle Roquetaillade revient avec grande complaisance tout au long de son œuvre (p. 36 du Traité IV, p. 11 du Traité VI, p. 3 du Traité VII, p. 39 du Traité VIII, p. 102 du Traité XI).

Il est une prophétie ponctuelle de Robert d'Uzès qui a retenu l'attention de Roquetaillade (p. 1- 2 du Traité VII), c'est celle qui concerne le roi oriental. Le franciscain s'interroge sur ce personnage mystérieux qu'il met en liaison avec un rêve qui fut le sien au temps de son noviciat, en 1332, où lui apparut la ville de Zaiton, lieu de naissance, selon lui, de ce rex orientalis.

Ces quelques emprunts laissent voir que Roquetaillade considère manifestement Robert d'Uzès comme l'un de ses pairs. Tous deux sont des somniatores, "ces meilleurs d'entre nous qui, selon l'axiome d'Artémidore d'Éphèse, ne connaissent qu'en rêve ce que d'autres font tout éveillés". Et, lorsque p. 36 du Traité IV in calce, on voit apparaître, sous le calame du franciscain, le Somniator, on en vient à se demander s'il ne serait pas opportun de procéder à la création idéale d'un Ordo Somniatorum ou des rêveurs définitifs, dont Robert d'Uzès et Jean de Roquetaillade compteraient au nombre des plus beaux fleurons ? (Paul Amargier, Jean de Roquetaillade et Robert d'Uzès, Université catholique de Louvain, Revue d'histoire ecclésiastique, Volume 94, Numéro 1, 1999).

Un 4 juin

En 1496, le 4 juin, toute une caravane de personnalités marquantes vint à Spanheim. Il y avait l'évêque de Worms ; un grand savant en grec et en latin - Ernst Heidel n'indique que son prénom : Jean - ; Jean Reuchlin, le célèbre philologue, originaire du duché de Bade, dont le " Lixicon Hébraïcae " fait encore autorité, alors secrétaire du Duc de Wurtemberg ; François de Bologne, natif de Trieste, secrétaire de l'Impératrice, fort connu comme poète et orateur, très versé dans la littérature grecque et latine ; Henri de Bunaw, ministre du Duché de Saxe qui, bien qu'homme d'armes, passait pour un remarquable érudit ; Jean Virgile, de Bologne, encore jeune mais déjà notoire comme juriste, secrétaire du comte Palatin du Rhin, le mécène des philosophes et des savants, qui devint plus tard, sous le pseudonyme de " Polydoce " un historien très estimé et qui, envoyé par le pape Alexandre VI Borgia, en Angleterre, sût assez plaire à Henri VIII pour être nommé archidiacre de Wells (beaujarret.fiftiz.fr - La rose croix jonnanite).

Tritheim ou Trittenheim (Johann von), généralement appelé Trithème (Trithemius), bibliographe et historien né à Trittenheim, près de Trèves, le 1er février 1462, mort le 13 décembre 1516, et dont le vrai nom de famille était Heidenberg. Il alla étudier à Trèves et à Heidelberg. Il voyageait à pied. S'étant réfugié, pendant une tempête de neige en hiver, au monastère bénédictin de Sponheim ou Spanheim (1482), il y resta, s'y fit moine l'année suivante et en devint abbé peu de temps après (1483). Il devint plus tard abbé du monastère de Saint-Jacques de Wurzbourg (1506), où il mourut. Il réforma le clergé monastique, et sa sévérité le brouilla même avec ses moines. La bibliothèque de Spanheim, qui n'avait que 14 volumes à son arrivée, en compta plus de 2000, moitié manuscrits et moitié imprimés. Trithème fut l'ami de l'empereur Maximilien, du comte palatin du Rhin et de plusieurs autres grands seigneurs. Il savait le grec, qu'il apprit de Conrad Celtes, et l'hébreu. (www.cosmovisions.com - Tritheim).

Pentecôte

Quand Pâques tombe le 16 avril, Pentecôte est le 4 juin.

Belzébuth

Baalzebub est la forme originale de Beelzebub. Baalzebub était le dieu d'Akkron (Ekron, Acaron…), fait " Seigneur des Mouches " par les Hébreux. Une croyance affirmait que certains dieux se métamorphosaient en insectes, cela lié à celle en la transmigation des âmes. "Zebub" peut signifier "résidence". "Baalzebub" peut ainsi dire "maître de la résidence dans un corps qui n'est pas le sien" (George Floyd Taylor, The second coming of Jesus, 1916).

Seigneur des Mouches

Les animaux ne sont pas nos inférieurs; ils évoluent seulement dans d'autres univers de signification, d'autres "mondes mentaux" régis par des stimuli sensoriels spécifiques. Dans son effort pour renouer le lien défait entre l'animal et l'homme, l'éthologie accorde avec ce principe un système cohérent et porteur de sens à chaque être vivant.

La mouche est sans doute le plus petit animal représentable en peinture, le plus petit animal représenté. Cette particularité lui assigne dès l'abord un corpus précis, la peinture imitative, où elle témoigne du perfectionnement de l'effet iconique. Dans Le Détail, D. Arasse voit d'ailleurs en elle "l'emblème de la maîtrise nouvelle des moyens de la représentation mimétique comme si, poursuit-il, la conquête de la vérité en peinture était passée par celle de son détail ressemblant ". L'histoire de la mouche peinte commence vraisemblablement - même si Vasari situe ses prémices à Florence - dans les Écoles du Nord, en Flandres avec notamment Petrus Christus et ce Portrait de chartreux de 1464, en Allemagne ou à Venise, notamment chez C. Crivelli où la mouche visite La Madone et l'enfant de 1473 ou la Sainte Catherine d'Alexandrie, attribuée à l'atelier du peintre. Elle connaît en tout cas le succès entre le milieu du quattrocento et le début du XVIème siècle.

Dans une perspective historique et iconographique, D. Arasse a étudié diverses occurrences de la mouche des XVème, XVIème et XVIIème siècles, toutes érigées en emblème de l'effet iconique, et concède une certaine difficulté à les interpréter pour accorder à l'insecte un contenu immuable ou en suivre les variations au gré du contexte. Ainsi que l'a montré Panofsky, la mouche apparaît souvent dans un contexte religieux, dans les Crucifixions, par exemple. Et lorsqu'elle se pose sur un crâne, tel celui du Guerchin dans son Et in Arcadia ego, Arasse y voit un Memento mori, une prière à l'intention des vivants et des morts. Animal funeste qui se nourrit de cadavres, transmet les maladies et en particulier la peste comme le croyait Pline l'Ancien, la mouche assume donc une valeur morale et accorde nécessairement au tableau un statut de vanité. Instruite de multiples représentations, de mille récits et de peurs ataviques, la figure de la mouche est en tout cas saturée de valeurs dysphoriques qui, loin d'épuiser sa signification, lui donnent seulement son fond le plus sombre.

Médiatrice essentielle du cycle de la vie, elle permet la vie mais amène la mort et la prédation. La mouche nous intègre au cycle de la vie, nous oblige à nous penser comme chair, la chair qui, selon Husserl, se définit dans son rapport à une autre chair pour engendrer ce que P. Ricœur, dans sa relecture d'Husserl, désigne par nature commune (Anne Beyaert, Le monde de la mouche).

Dans une vanité du XVIIème siècle conservée à Dijon, une bougie éteinte évoque le temps qui passe, et la mouche sur le crâne, la putréfaction de la chair. Gravée dans le mur l'invitation à méditer, "Cogita mori", est volontairement recouverte par la citation de l'Ecriture: "Finis coronat opus". La pensée négative de la mort est sublimée par l'annonce que la vie de bien est couronnée par la vie éternelle. De même l'inscription commente le sens de l'épigramme "Cogita Mori"; la chouette domine les emblèmes de la mort et suggère la veille et la sagesse des livres des ténèbres.

Un âge d'or de la mouche dans la peinture se distribue entre 1450 et 1550 et dans tout le XVIIème siècle. Recensées par J.-M. Doby, 60 œuvres en comportent dans le grand siècle (Jean-Paul Haenni, Mouches: histoire naturelle des insectes diptères, et leurs relations avec l'homme, 2004).

Beelzebub, Melchisedeq, Jésus et Pentecôte

Un pesher de Qumran avait annoncé que " l'affranchissement des captifs ", la victoire sur le Diable-et-la-Mort, serait l'œuvre d'un Melchisedeq céleste. Jésus ressuscité " a traversé les cieux ", il est " plus élevé que les cieux ". C'est lui " l'archiprêtre " du Très-Haut, le médiateur de la Nouvelle Alliance, le Melchisedeq " supérieur aux anges ". D'autre part, Fludd et d'autres cabalistes chrétiens font correspondre Hochmah, sephira associée à la Papesse, à Jésus. Et la Papesse est " opposé " à la Mort liée à Beelzebub. Dans Matthieu 12:24, les représentants des Pharisiens attribuent les miracles de Jésus à Satan, disant : "Ce n'est que par Beelzebub, le prince des démons, qu'il chasse les démons ".

L'épisode de la rencontre d'Abraham avec Melkisédeq peut alors être conçu comme une théophanie, analogue à celles des chapitres 18 et 22 de la Genèse. Melkisédeq y joue le rôle de l'Ange de Dieu, rôle que le dieu-Soleil joue souvent dans d'autres religions. Il remet à Abraham la bénédiction du dieu suprême, qu'il représente en tant que chef de son armée, et reçoit d'Abraham la dîme que celui-ci doit à Dieu. Les versets 18-20 de Gen 14 représentent en ce cas un fragment, probablement très ancien, d'un texte rituel cananéen, consacré au dieu-Soleil Melkisédeq. Celui-ci y joue un double rôle de dieu de la fertilité et de guerrier du dieu supreme. Peut-être dans ce texte bénit-il vraiment Abraham (ou un autre personnage) et reçoit-il de celui-ci la part de Dieu. Si Melkisédeq est le dieu-Soleil, bien des énigmes du psaume 110 trouvent leur solution. La naissance sur les montagnes sacrées, du sein de l'aurore, est sûrement le privilège du soleil. Del Medico traduit le mot " tal " par " fer de lance ". En le prenant au sens figuré, on peut vraiment interpréter le verset comme l'expression d'un hieros gamos du Dieu Très Haut et de la déesse Shahar. D'autre part, " ro'sh " du verset 6 est sans doute l'équivalent de " resha ", l'ennemi que le Dieu Très Haut écrase sans merci.

Bien des chercheurs ont trouvé dans le psaume 110 une orientation messianique. Je ne vois pas de justification à une telle interprétation. Elle n'est apparue que plus tard, quand une telle orientation devint dominante.

Le psaume 110 est, sans doute, très ancien. La présence de Melkisédeq peut s'expliquer de la même manière que pour le chapitre 14 de la Genèse. On peut supposer que les deux textes sont étroitement liés, même s'ils ont été introduits dans l'Ancien Testament à des dates différentes. Je n'exclus pas la possibilité que ce soient des fragments d'un texte liturgique destiné au culte du Soleil.

Les buts de ceux qui les ont introduits étaient, sans doute, tout autres que leur destination originaire. Du moment que les noms des dieux Sédeq, Shahar, Shalim furent isolés de leur ambiance religieuse spécifique, leur sens changea : Melkisédeq devint un roi, son titre de " cohen " fut interprété de façon nouvelle (Martin Bodinger, L'énigme de Melkisédeq. In: Revue de l'histoire des religions, tome 211 n°3, 1994).

M. Gourgues developpe l'hypothèse que le Psaume 110 était lu à la Pentecôte lors de la célébration de la Torah et les Actes 2 remplacent cette célébration ("Lecture christologique du Psaume CX et la fête de la Pentecôte, RB, 83, 1979, p. 15, n. 43.) (Robert Lawson Brawley, Text to text pours forth speech: voices of scripture in Luke-Acts, 1995, Bernard Aubert, The shepherd-flock motif in the Miletus discourse (Acts 20:17-38) against its historical background, Volume 124 de Studies in biblical literature, 2009).

Le psaume 110 est cité par Pierre au jour de la Pentecôte (Actes 2:33-35) et par l'auteur des Hébreux pour établir la fonction de prêtre du Christ comme issu de l'ordre de Melchesedeq (Heb. 5:6, 10; 7:1-28) (C. Hassell Bullock, An Introduction to the Old Testament Poetic Books, 2007).

Dans la pièce de théâtre du XIVème siècle 'Le Jour du Jugement ", qui raconte les aventures de l'Antéchrist, celui-ci s'approprie les attributs de Melchisedeq qui font de lui un fils de Dieu. L'Antéchrist ressuscite un mort, et ce n'est que lors de la destruction de l'adversaire que Beelzebub quitte le corps du ressuscité et que la fausseté du miracle apparaît (Richard Kenneth Emmerson, David F. Hult, Keith Glaeske, Antichrist and judgment day: the Middle French Jour du jugement, 1998).