Partie IX - Synthèse   Chapitre LIX - Toute une histoire   Forme, anagrammes et saints   

Forme

L'ancile était un bouclier bilobé, à deux échancrures ; et sa forme particulière est sans doute à l'origine même de son nom. Comme les anciens l'avaient déjà vu, le mot semble dériver de *am(b) - et d'un adjectif dérivé de caedo (en composition - cîdo) et signifie exactement échancré des deux côtés2. La fin du mot s'expliquerait par le suffixe - *sli. Toutefois, notent MM. Ernout et Meillet, comme la forme est sans doute empruntée à un monde de civilisation différente, le mot peut avoir été emprunté lui aussi et l'étymologie proposée n'est donc pas certaine. Quoi qu'il en soit l'ancile a cette forme exceptionnelle qui caractérise à Rome, seuls entre tous, des boucliers qui sont miraculeusement le gage de la faveur divine. L'on a, depuis longtemps, discerné que cette forme était sans doute empruntée à un armement lointain, d'origine mycénienne. L'étrangeté dans le monde italique de l'ancile a sans doute été à l'origine de son choix comme bouclier magique, divin, prenant pour ne plus la perdre une place de choix parmi les sacra exceptionnels de Rome, parmi les gages de la sécurité et de la vie même de l'Urbs. Le caractère sacré du bouclier en forme de huit " se communiquait à tous les objets qui en imitent la forme, ou qui en reçoivent l'image (R. Bloch, Une tombe villanovienne près de Bolsena et la danse guerrière dans l'Italie primitive).

Cette forme bilobée se trouve dans le domaine de la physique. L'attracteur de Lorenz est un attracteur étrange vedette de la dynamique non linéaire par son aspect en double lobe sur lequel se produit le mouvement chaotique, laissant penser à un ordre dans le chaos. L'attracteur de Lorenz date de 1963 lorsque le météorologiste Edward Lorenz produit l'analyse d'un système simple de trois équations différentielles couplées extraites d'un modèle de convection atmosphérique. Il fit ressortir des aspects surprenants des solutions de ce système d'équations. En particulier elles sont sensibles aux conditions initiales, ce qui signifie qu'une toute petite différence dans celles-ci s'amplifie exponentiellement avec le temps. Ce type d'imprédictibilité est caractéristique du chaos. Mais parallèlement apparait une figure manifestation d'ordre : les solutions numériques des équations sont des courbes qui s'enroulent et se réenroulent autour d'une curieuse figure à deux lobes, nommée par la suite attracteur de Lorenz. L'instabilité des trajectoires de phase sur l'attracteur de Lorenz s'accompagnait d'une structure géométrique particulière, celle d'un fractal. Pendant près de quarante ans il fut impossible de prouver que les solutions exactes des équations de Lorenz ressembleraient à ces solutions engendrées à l'aide d'approximations numériques tant par leur aspect géométrique que par leur caractère chaotique. L'attracteur de Lorenz demeurait un objet étrange et médiatique produit d'une analyse numérique, dont les résultats peuvent souvent être trompeurs. Ce n'est qu'en 1999 que Warwick Tucker réussit à prouver rigoureusement l'existence de l'attracteur de Lorenz. Résultat phare dans le domaine des systèmes dissipatifs où les résultats rigoureux manquent cruellement (http://www.peiresc.org).

Anagrammmes

Anciles en latin se note "ancilia" (pluriel de ancile, is) et possède quelques anagrammes :

Lanicia : lainage, toison

Lacinia : pan de vêtement et surnom de Junon

Niliaca : du Nil

Lanicia

L'apex était une baguette d'olivier garnie de laine, qui surmontait le bonnet des saliens, prêtres chargés des anciles, et des flamines faits de la peau d'une victime immolée à l'autel conservant sa fourrure. Par extension on donna le nom d'apex au bonnet tout entier qu'on attachait avec des rubans (offendices) sous le menton. Les Saliens se servaient de cette coiffure appelée galerus.

La toison a donné son nom à l'ordre bourguignon bien connu de la Toison d'Or. Avant même son institution, par le duc de Bourgogne Philippe le Bon, en 1430, l'histoire de Jason et des Argonautes est à la mode dans les milieux de cour. Leur voyage vers l'Orient est assimilé à une croisade, et les imagiers se plaisent à mettre en scène les différents animaux (dragon monstrueux, taureaux vomissant des flammes) que Jason doit vaincre pour s'emparer de la fameuse toison d'or (http://www.moyenageenlumiere.com).

L'ordre de la Toison d'or est un ordre de chevalerie fondé à Bruges le 10 janvier 1430 par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, à l'occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal. Il est inspiré du mythe grec de la Toison d'or et des Argonautes. Le personnage de Jason, héros païen n'incarne pas au mieux l'idéal du chevalier chrétien. C'est pour cette raison que la référence à Gédéon vient très rapidement, dès la fin de 1431 sur l'initiative de Jean Germain, le premier chancelier de l'ordre, s'ajouter à celle de Jason. Car l'histoire biblique de Gédéon, racontée dans l'Ancien Testament, au Livre des Juges fait fort à propos intervenir la toison d'un mouton. Serviteur de Dieu, chef de guerre victorieux, Gédéon symbolise la force spirituelle qui manque à Jason, et dès lors, l'ordre de la Toison d'or sera placé sous les auspices des deux personnages (http://gilles.maillet.free.fr).

Gédéon dit à Dieu: Si tu veux délivrer Israël par ma main, comme tu l'as dit, voici, je vais mettre une toison de laine dans l'aire; si la toison seule se couvre de rosée et que tout le terrain reste sec, je connaîtrai que tu délivreras Israël par ma main, comme tu l'as dit. Et il arriva ainsi. Le jour suivant, il se leva de bon matin, pressa la toison, et en fit sortir la rosée, qui donna de l'eau plein une coupe.

L'insigne est constitué d'une dépouille de bélier en or, rappelant la légende de la Toison d'or, suspendue à un collier. Celui-ci comprend une alternance de briquets (instrument d'acier en forme de B pour frotter les pierres à feu et emblème de Philippe le Bon) et de pierres à feu d'où émergent des flammes. Ces symboles illustrent la devise de l'ordre : Ante Ferit Quam Flamma Micet (Il frappe avant que la flamme ne brille). Certains pensent aussi que le briquet est stylisé en deux B entrelacés rappelant la souveraineté des ducs sur "les deux Bourgognes" (le duché de Bourgogne et la Franche-Comté). Les chevaliers de l'Ordre peuvent aussi porter l'insigne à un cordon rouge en sautoir au col (http://fr.wikipedia.org).

http://www.illuminati-news.com

M. Boyancé a justement souligné a le caractère apotropaïque, cathartique des danses armées qui, dans les Argonautiques d'Apollonius de Rhodes, sont instituées sur les conseils d'Orphée, après que les Argonautes eurent involontairement commis le meurtre du roi de Cyzique et de son peuple, leurs hôtes de la veille : " en même temps, d'après les conseils d'Orphée, les jeunes gens bondissaient en mesure, dansant la danse armée ; ils heurtaient leurs boucliers de leurs épées afin d'égarer dans l'air les lamentations de mauvais augure que les peuples poussaient encore pour les funérailles du roi ". Aussitôt après, une source se mit à, couler d'un sommet jusqu'alors aride. " (Raymond Bloch, Sur les danses armées des Saliens).

La Toison d'Or était placée sous le patronage de saint André que l'on peut associer au mois de mars, au cours duquel le dieu de la guerre était fêté et les anciles sorties. Jean de Rhodes, dans sa Passio Artemii, aurait, seul, gardé le récit authentique de la translation des reliques de saint André, avec celles de saint Luc, à Constantinople : en octobre 359, Constance ordonne à Artemius de les transférer dans sa capitale. La cérémonie n'a eu lieu que le 3 mars 360 (D. Woods, The Date of the Translation of the Relics of SS. Luke and Andrew to Constantinople). Il est, à Rome, mentionné une fête de la translation le 9 mai, mais celle qui eut lieu de Constantinople à Amalfi date du 8 mai 1208, après la quatrième croisade.

Au cours du XVème siècle, le patronage de saint André prit de l'importance : sous Jean sans Peur, la croix de saint André protégeait les Bourguignons et leurs partisans, mais l'apôtre ne faisait pas encore l'objet d'un culte officiel. C'est Philippe le Bon qui fit définitivement de saint André un saint dynastique, en plaçant notamment l'ordre de la Toison d'or sous sa protection. Charles le Téméraire, conscient de la valeur politique des symboles religieux, reprit le flambeau. Il voua une vénération spéciale à saint André et prit un et prit un certain nombre de mesures destinées à officialiser son culte. Ils élevèrent ainsi l'apôtre au rang de saint dynastique et en firent définitivement un saint bourguignon.

Sous le duc de Bourgogne Jean sans Peur, la croix de saint André a été placée au cœur d'enjeux identitaires, et le culte de saint André a revêtu une dimension purement politique et idéologique, loin de toute préoccupation religieuse. L'adoption de cette croix à la suite de la victoire d'Othée en a fait le signe de ralliement des partisans bourguignons, ainsi qu'un symbole au camp de Louis d'Orléans qui s'efforçait de prendre la personne royale et le gouvernement sous son contrôle.

Le parti bourguignon installa une confrérie Saint-André dans l'église Saint-Eustache en 1418, à la suite de la prise de Paris par Jean sans Peur.

De nombreux insignes du parti bourguignon ont été découverts dans la Seine. En plomb ou en étain, ils adoptent la forme d'un petit bouclier. Les uns sont chargés d'une croix en X portant en cœur un petit écusson à la fleur de lys ; entre les branches de la croix sont inscrits les mots " VIVE LE ROY ". Les autres contiennent la figure de saint André, debout, nimbé et s'appuyant sur sa croix en X. A gauche figurent les emblèmes personnels de Jean sans Peur, le rabot et le niveau de maçon, surmonté ici d'une fleur de lys (Charlotte Denoël, Saint André : culte et iconographie en France, Ve-XVe siècles).

Lacinia

Lacinia : surnom que l'on donnait à Junon, tiré d'un promontoire d'Italie, dans le golfe de Tarente, où elle avait un temple respectable par sa sainteté ,dit Tite-Live, et célèbre par les riches présents dont il était orné. Il était couvert de tuiles de marbre, dont une partie fut enlevée par le censeur Quintius Fulvius Flaccus, pour servir de couverture à un temple de la Fortune qu'il faisait bâtir à Rome, mais comme il périt ensuite misérablement, on attribua sa mort à une vengeance de la déesse, et par ordre du sénat l'on rapporta les tuiles au même lieu d'où on les avait ôtées. A ce premier prodige on en ajoutait un autre plus singulier ; c'est que si quelqu'un gravait son nom sur ces tuiles, la gravure s'effaçait dès que cet homme mourait. Cicéron rapporte un autre miracle de Junon Lacinienne. Annibal voulait prendre une colonne d'or dans ce temple, et ne sachant si elle était d'or massif ou si elle n'était que couverte de feuilles d'or, l'avait fait sonder, de sorte qu'ayant reconnu qu'elle était toute d'or, il avait résolu de l'emporter; mais que, la nuit suivante, Junon lui étant apparue, et l'ayant averti de n'en rien faire, s'il ne voulait perdre le bon œil qui lui restait, Annibal déféra à son songe ; et de l'or qu'il avait tiré de la colonne en la sondant, il en fit fondre une petite génisse, qu'il fît poser sur le chapiteau de la colonne. La Vache d'Or était Hathor en Egypte, l'aimée d'Horus qui fut borgne aussi comme Annibal. Hathor était comme Junon déesse du ciel, des femmes et de l'accouchement. Le lieu où fut bâti le temple s'appelait Lacinium du nom d'un brigand redoutable qui ravageait les côtes de la Grande Grèce, et voulut dérober les bœufs d'Hercule. Ce héros le tua, et, en mémoire de sa victoire, bâtit un temple sous le nom de Lacinia consacré à Héra (François-Joseph-Michel Noël, Dictionnaire de la fable).

L'une des plus importantes divinités de l'ancien Latium, la Juno Sospita de Lanuvium, honorée avec ferveur dans son bois sacré, son lucus, où, depuis le traité de 338 avant J.-C. entre Latins et Rome, les consuls romains eux-mêmes allaient, une fois l'an, offrir un sacrifice. Cette divinité guerrière qui, de la main droite, brandissait une lance, tenait au bras gauche un bouclier ovale à, double échancrure, un ancile. La danse armée à l'ancile se retrouve dans de nombreuses cités de l'Italie centrale : Albe, Lavinium, Tusculum, Tibur, Agnani possédaient toutes leur corps de Saliens. D'assez nombreuses inscriptions attestent, pour l'époque historique, la présence en ces différentes villes, de collèges de prêtres danseurs analogues à ceux de Rome elle-même : fait très important, car la recherche ne cesse aujourd'hui de démontrer les liens complexes et profonds qui ont uni, dès la plus haute époque, Rome aux cités voisines du Latium, comme aux cités les plus proches de l'Italie étrusque et de l'Italie grecque. Rien, en effet, ne permet de penser que des cités comme Lavinium ou Tusculum, entre autres, aient en aucune façon reçu de Rome, à une époque tardive, et les rites qui nous occupent, et les prêtres qui en étaient chargés. Servius au contraire, dans son commentaire à l'Enéide (VII, 285), affirme que les gens de Tibur et ceux de Tusculum eurent leurs Saliens avant Rome. Il n'en va pas autrement des attributs propres aux Saliens. Songeons, par exemple, à la description virgilienne (Enéide, VII, 285) du palais de Latinus, où est reçue l'ambassade des Troyens, dans l'antique et vénérable ville des Laurentes [Lavinium]. Dans ce palais apparaissent les statues des ancêtres du roi Latinus et, parmi elles, figure celle de son grand-père Picus, représenté tenant le bâton augurai, vêtu d'une courte trabée et l'ancile dans la main gauche (Raymond Bloch, Sur les danses armées des Saliens).

Niliaca

Après l'inondation périodique du Nil, la terre produisait de si bons pâturages que l'on pouvait faire deux tontes dans l'année ; mais la laine, semblable à des poils, était de mauvaise qualité et ne pouvait être tissée; elle servait à réparer les habits usés et leur rendait une grande solidité.

Saints

Un tableau de l'église de Montgiscard (31) représente Sainte Germaine de Pibrac filant la laine devant une croix de chemin. Germaine Cousin, bergère à Pibrac, près de Toulouse, qui vécut de 1579 à 1601, fut canonisée seulement en 1867. La sainte connut plusieurs miracles au cours de sa vie, celui des fleurs est le plus répandu. Dans cette œuvre, il est fait référence à ce miracle par les couronnes de fleurs qui ornent la croix de chemin. Le fuseau, avec lequel elle file la laine (lanicia), rappelle un autre miracle de sainte Germaine. Elle doit laisser ses moutons sans surveillance, pour se rendre à l'église, alors que les loups rôdent près des bêtes. Elle plante alors sa quenouille et les moutons viennent se ranger autour pour ne plus s'en éloigner tant que dure son absence, les loups étant miraculeusement tenus à distance. Dans ce tableau, le loup est représenté derrière sainte Germaine, couché. Il symbolise le mal et Satan, vaincu ici par la foi de la jeune sainte. La représentation de l'église à l'arrière-plan, est conforme à l'édifice paroissial de la ville de Pibrac. L'artiste est vraisemblablement un peintre actif localement qui connaissait visuellement l'église de Pibrac. De nombreux tableaux représentant Sainte Germaine de Pibrac ont été peints dans la seconde moitié du XIXème siècle car sa reconnaissance par l'Eglise en tant que sainte, a permis d'affirmer un culte qui se développait déjà depuis le XVIIème siècle. Pibrac étant le principal lieu de diffusion du culte de sainte Germaine, son iconographie se retrouve surtout dans les églises du sud-ouest, en particulier autour de Toulouse (http://www.culture.gouv.fr).

Saint Antoine l'Ermite naquit au IIIème siècle à Côme (aujourd'hui Quams ou Qeman) en Haute- Egypte près d' Héracléopolis dans une famille chrétienne fortunée. A vingt ans à l'appel de l'Evangile selon saint Matthieu, il vendit tous ses biens et mena une vie d'anachorète dans les grottes du désert à 95 km à l 'ouest d'Alexandrie. Il fut assailli de terribles tentations terrestres et charnelles. C'est pourquoi il est souvent représenté avec des porcs, symboles de ces tentations. Il les vainquit en se réfugiant dans la solitude près de la Mer Rouge, mais vécut une période d'obscurité spirituelle à l'issue de laquelle il eut des visions du Christ lui offrant son secours. Il se rendit en 311 à Alexandrie pour conforter ses frères dans la foi pendant la persécution de l'empereur Maximien Daïa. Il s'installa vers l'âge de 35 ans dans une ancienne forteresse romaine près de Pispir, aujourd'hui Der El Memoum en 313, puis près de la colline de Qolzum dans le désert de Thébaïde à 155 km au sud-est du Caire où il cultiva un potager et instruisit une foule de disciples qui fondèrent des monastères dans les grottes environnantes près du Nil (niliaca).

Saint Roch est pratiquement toujours représenté avec sa robe soulevé au-dessus du genou. Dans les descriptions, il s'agit d'un pan (lacinia) de sa robe ou de sa cape.

Sainte Françoise Romaine est de par son nom un lien entre la France et Rome. Francesca renvoie au Francesco qui fut le surnom de Jean, le futur François d'Assise. Francesco voulait dire " le Français " en raison de la passion de son père pour la France. Elle écrivit un Traité de l'Enfer en 9 chapitres, en référence peut-être aux 9 cercles de l'Enfer de Dante.

Nicolas Poussin

Sainte Françoise Romaine annonçant à Rome la fin de la peste

Sainte Françoise est fêtée le 9 mars, tombant lors des célébrations des Saliens qui sortaient les anciles en dansant à travers la ville de Rome (Fêtes romaines).

Peint vers 1657 pour le cardinal Giulio Rospigliosi (futur pape Clément IX, de 1667 à 1669), le tableau célèbre la fin de la peste à Rome. Le fléau personnifié, à droite, est chassé par un ange, tandis que sainte Françoise Romaine (1384 - 1440, canonisée en 1608), tenant des flèches brisées, apparaît à une dame romaine (peut-être Anna Colonna, morte en 1658). Une autre interprétation voit sainte Françoise Romaine dans la femme agenouillée, et la Vierge ou l'Eglise dans celle qui lui apparaît.

C'est déjà la peste qui est à l'origine de la naissance et la mission sacrée des Saliens. La chute à Rome d'un bouclier miraculeux en bronze, l'ancile a lieu au cours d'une épidémie qui dévastait la ville. Il vint tomber entre les mains du roi Numa Pompilius ; le fléau dévastateur cessa peu après.

La Beata Francesca

Francesca dei Ponziani, dont la vie avait été marquée par différentes visions et combats intérieurs, morte en 1440, fut canonisée par le pape Paul V Borghèse en 1608. Par ce geste, ce dernier donnait raison au suffrage unanime des Romains, qui avaient, dès la mort de la sainte femme, nommé celle-ci "l'Avocate de Rome". Dans une composition construite autour d'une grande ligne oblique, Poussin représente la sainte apparaissant à la Ville de Rome personnifiée par une femme voilée et agenouillée et annonçant la fin d'une épidémie de peste. Elle aurait intercédé auprès de la Vierge pour mettre un terme à ce fléau. Ce dernier est figuré sous l'apparence monstrueuse d'une femme cadavérique à la chevelure remplie de serpents, qui porte sur son dos une de ses victimes. Un archange vêtu de jaune assiste sainte Françoise pour chasser le mal. Il s'élance vers la Peste d'un mouvement solennel et dynamique. Enfin, une autre victime gît au sol sous les nuées qui supportent la sainte. Le tableau est en relation avec la fin d'une épidémie de peste qui sévit dans différentes villes d'Italie, dont Rome, en 1656. La population terrifiée dut invoquer Françoise Romaine réputée pour ses pouvoirs thaumaturgiques. C'est certainement après 1657, quand l'épidémie donnait des signes de faiblesse, que le cardinal Rospigliosi a dû commander à Poussin cet hommage à la sainte. [Les flèches brisées que tient la sainte sont une figuration déjà antique des atteintes de la peste. Apollon, dans l'Iliade d'Homère de son arc et de ses flèches assimilées aux traits meurtriers de la contagion].

Une sainte romaine et à l'antique !

Cette composition solennelle, conçue comme un ex-voto à Françoise Romaine, met une fois de plus en avant les références classiques - antiques ou modernes - de la peinture de Poussin. La scène se déroule dans une imposante architecture marquée par des pilastres classiques qui encadrent une grande arcade. La figure de la Peste reprend les traits du Gladiateur emportant un enfant mort, une des célèbres statues antiques des collections Farnèse (Naples, musée archéologique). Quant à la femme allongée, elle est une citation de la Sainte Cécile (1600, Rome, église Sainte-Cécile) de Maderno, sculpture fameuse à Rome et souvent prise comme modèle. " (http://www.louvre.fr).

Le bouclier au bras de l'ange est inédit. En effet dans les fresques du monastère des Oblates du Mont-Olivet à Rome fondé par elle-même, son ange n'en porte pas (http://hodiemecum.hautetfort.com).

Nicolas Poussin mit le bouclier dans la main gauche du rêve qui chassa la peste de Rome en brandissant l'épée de sa parole muette de la main droite. Car il est écrit dans la Genèse qui fait parler le Créateur à la première personne " Ne crains pas, Abraham, c'est moi Yahvé, ton bouclier ". Poussin, un bouclier pour qui ? (http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/89/26/26/Fran-oise-Romaine-.pdf).