Partie XIV - Le Serpent rouge   Etudes en rouge   Etude en rouge : Avenue Montaigne   
PRIEURE DE SION SERPENT ROUGE ETUDE CONAN DOYLE SHERLOCK HOLMES MONTAIGNE

Une étude en rouge, aussi traduit Un crime étrange ou encore Écrit dans le sang (titre original en anglais : A Study in Scarlet), est un roman policier d'Arthur Conan Doyle paru dans le Beeton's Christmas Annual de Novembre 1887 avant d'être publié en volume en 1888 En mars 1886, Conan Doyle décide de mettre en suspens la rédaction de son roman historique Micah Clarke, et entreprend la rédaction d'Une Étude en rouge (fr.wikipedia.org - Une Etude en rouge, en.wikipedia.org - Beeton's Christmas Annual).

Les citations de l'Etude en rouge sont en gras italique.

Au commencement : Oronte et Criterion

Je m’embarquai sur le transport Oronte et, un mois plus tard, je posai le pied sur la jetée de Portsmouth.

Le jour où j’avais mûri cette grande décision, j’étais allé prendre un verre au Criterion Bar ; quelqu’un me toucha l’épaule.

We know that Holmes was a lonely man (rationalizing loneliness by constant protestations of misanthropy and concentration on his allimportant work), brought up effectively as an only child as his brother Mycroft was seven years his senior (Philip Weller, Christopher Roden, The Life and Times of Sherlock Holmes, 1992 - books.google.fr).

Oronte est un personnage du Misanthrope de Molière.

Lorsque Alceste est invité à donner son avis sur les vers qu'a écrits Oronte, il ne peut s'empêcher de les trouver plats. Oronte attendait un éloge et il n'aura que critique. En réalité, ce que reproche Alceste à Oronte, et qui est éclairant pour comprendre le mécanisme du comique et de la comédie, n'est rien moins que le style figuré, et donc fatalement toute poésie qui en fait usage. « Ce style figuré, dont on fait vanité, sort du bon caractère et de la vérité. » La vérité ne se travestit pas, et pour Alceste, on ne peut que récuser le discours qui n'est pas littéral. Si Alceste est comique, c'est parce qu'il n'accepte pas la comédie. Il est en décalage et ce décalage est ce qui le rend si risible, ou plus exactement, ridicule (Michel Meyer, Le comique et le tragique: Penser le théâtre et son histoire, 2005 - books.google.fr).

L'espoir, il est vrai, nous soulage, / Et nous berce un temps, notre ennui : / Mais, Philis, le triste avantage, / Lorsque rien ne marche après lui !

Vous eûtes de la complaisance, / Mais vous en deviez moins avoir ; / Et ne vous pas mettre en dépense / Pour ne me donner que l'espoir.

S'il faut qu'une attente éternelle / Pousse à bout, l'ardeur de mon zèle, / Le trépas sera mon recours.

Vos soins ne m'en peuvent distraire / Belle Philis, on désespère, / Alors qu'on espère toujours. (Le Misanthrope, I, 2)

Cette misanthropie, d'ailleurs, comme celle d'Alceste, n'est pas la haine des hommes, loin de là, ce n'est que la haine des mensonges, des perfidies, des iniquités et des bassesses, où sont poussés la plupart des hommes par les fausses dispositions de l'état social dans lequel nous vivons. Ces dispositions sont telles que l'intérêt de chacun est presque toujours de mentir, de tromper et de flatter : chacun suit dès lors la loi de son intérêt. Ceux qui font pas et qui, comme Alceste, s'indignent de ces odieuses pratiques, passent pour des originaux et pour des gens intraitables (F. P., Programme d'une revue socialiste, La critique philosophique, Volumes 11 à 12, 1877 - books.google.fr).

Pour Vaugelas, le fait de se soumettre aux «bienséances», en matière de langage comme ailleurs, est une attitude morale, impliquant le respect d'autrui et la volonté de supprimer tensions et conflits. Toutefois, il s'agit d'une morale purement sociale, qui ne fait pas plus appel à des convictions intimes qu'à des exigences rationnelles. Son seul critère est «l'opinion commune», le qu'en dira-t-on élevé au rang de valeur absolue. L'individu n'a pas plus le droit de s'y opposer en vertu de son «opinion particulière» qu'au nom de la logique ou d'une valeur supérieure, telle que l'amour de la vérité. [...] L'attitude consistant à suivre «l'opinion commune» est parfaitement représentée dans Le Misanthrope de Molière par le personnage de Philinte; et Alceste est ridicule, aux yeux du «public» du XVIIe siècle, dans la mesure où il s'y oppose précisément par amour de la vérité (Zygmunt Marzys) (Vaugelas, Introduction à la langue française, présenté par Zygmunt Marzys, 2009 - books.google.fr).

A partir de Dom Juan, Molière cesse d'être « scandaleux ». Et non seulement cesse-t-il d'être scandaleux, mais surtout va-t-il revenir, d'une manière dialectique, sur cette question de la théâtralité et de ses rapports avec l'être subjectif. Dialectique, dis-je, parce que Le Misanthrope, auquel il faut en venir, demande à être déchiffré simultanément dans deux sens différents. Le premier sens, le sens obvie, est celui du ridicule d'Alceste. Alceste est ridicule dans la mesure précise où son désir de sincérité s'inscrit délibérément en faux contre toute théâtralité sociale et où donc il se fait le comédien malgré lui d'un être refusant de jouer la comédie. Le génie de Molière consiste à montrer que ce refus, loin de procéder comme il le prétend d'un désir légitime de fonder les rapports sociaux sur une estime authentique, dérive de ce que nous nommerions un narcissisme aveuglant [...]

Alceste devient ainsi un « comédien malgré lui » dans la mesure même où il nie la théâtralité : son refus de soumettre sa subjectivité à l'épreuve d' autrui le conduira infalliblement à la solitude et à l'exclusion comme le laissait prévoir d'avance le diagnostic de mélancolie, humeur irréductible s'il en est, posé sur lui. Pour autant il ne faut pas céder à la tentation de valoriser Philinte: dans sa maladresse et avec tous les excès qui le discréditent, le « misanthrope » sauvegarde dans une certaine mesure les droits de la subjectivité qui, comme chez les Mémorialistes, apparaît comme une façon de prolonger l'ancienne fronde dans une société désormais entièrement gagnée à l'absolutisme du signe (John E. Jackson, La dialectique du sujet chez Molière, Émergence du sujet: de l'Amant vert au Misanthrope, 2005 - books.google.fr).

Il y a dans le théâtre de Molière une pièce à laquelle Montaigne eût presque pu prendre ce plaisir de l'auteur qui voit son idée réalisée dans un type vivant. Le Misanthrope n'est autre chose que le développement dramatique de cette aversion pour le mensonge qui remplit tant de pages des Essais. Après avoir montré dans ses ouvrages précédents que l'art ne devait pas « quitter la nature d'un pas » et que le sentiment de la vérité était son guide, Molière, en composant le Misanthrope, poursuivait exactement la même entreprise que Montaigne en composant les Essais (Édouard Ruel, Du sentiment artistique dans la morale de Montaigne (1901), 1970 - books.google.fr).

Dans Les Femmes savantes "instance", qui ne peut ici, comme le dit Génin, qu'enchérir sur le mot précédent soin, paraît bien avoir été employé avec ce sens dans un passage de Montaigne rapporté par Littré : « La menterie seule, et, un peu au-dessous, l'opiniâtreté, me semblent être celles desquelles on devrait à toute instance combattre la naissance et le progrès (Essais, livre I, chapitre IX) (Oeuvres de Molière: Les femmes savants. La malade imaginaire. La gloire du Dome du Val-de-Grace. Poesies diverser, Tome 9, 1886 - books.google.fr).

The Criterion Restaurant is an opulent restaurant complex facing Piccadilly Circus in the heart of London. It was built by architect Thomas Verity in Neo-Byzantine style for the partnership Spiers and Pond, which opened it in 1873 (en.wikipedia.org - Criterion Restaurant).

La notion de "critère de vérité" n'apparaît, sur internet, qu'en 1895 concernant Montaigne, mais est présente en anglais, "criterion of truth", en 1850.

Most of the Essays and Miscellanies we have translated, are addressed particularly to that large class of cultivated minds who have some prepossessions in favor of Christianity, but who, from the influence of latent scepticism, do not yield their hearts to its direct and all-controlling influence. This circumstance, as already suggested, stamps upon them a peculiar character. It has rendered them at once profound and practical. But it has given rise to some inconvenience in the use of words, as the author himself acknowledges. For example, the words reason, nature, life, are occasionally used in their strict and philosophical sense, then again in their more loose and general import. At one time, reason is recommended and exalted as the gift of God, and the criterion of truth; at another, it is contemned and rejected as an impostor and a cheat. In the one case, he evidently refers to reason legitimate and true, occupying its own sphere, and performing its proper work; in the other, to reason perverted and false, transcending the limits which God has assigned it, assuming extravagant pretensions, and trampling upon the plainest principles of science and revelation. Indeed, as the author suggests, the word in these instances is used in two different senses. "So far as the words nature and reason designate that foundation of moral and intellectual truth which we carry within us, those universal and immutable principles to which all systems appeal, which are admitted in the most opposite theories, and on the common ground of which opponents the most decided are compelled to re-unite, at least for a moment, nature and reason merit the homage I have rendered them; for if, in my discussions, I had not set out from this given point, whence could I set out? But so far as reason and nature, instead of receiving the light of God, instead of appealing to it, and using its rays to illuminate their pathway, pretend to create that light, or to speak more exactly, so far as it is pretended, in the name of nature and reason, which disavow such an undertaking, to communicate to man an illumination, and a power, which must come from on high, I set myself against that abuse. And if, in conforming to a usage more oratorical than philosophical, I designate that abuse by the name of those powers which give occasion to it, if I call nature and reason those pretensions which are raised in the name of nature and reason, I confide in the attention and good faith of my readers, without concealing what the severity of philosophical language might demand from me." With this explanation, every intelligent reader will make the distinctions, clearly indicated by the spirit and scope of the author's reasoning (Alexandre Rodolphe Vinet, Montaigne: The Endless Study, 1850 - books.google.fr, Robert P. Amico, The Problem of the Criterion, 1995 - books.google.fr).

Pour Montaigne, il y a l'exercice de la pensée et, de l'autre, l'instinct. Tout savoir est rationalisation, ou encore mise en forme discursive de conditions particulières, y compris le scepticisme qu'il pratique, qu'il ne faut pas concevoir comme passage à un niveau de discursivité supérieur échappant à l'illusion, mais comme une certaine façon de se rapporter à la fluctuation de l'âme et à la mobilité de la pensée. C'est dire qu'il redéfinira totalement la vérité, en la déliant de tout fondement d'ordre transcendant, et en la rapportant au mouvement spontané de la vie : «si l'homme estoit sage, il prenderoit le vray pris de chasque chose selon qu'elle seroit la plus utile et propre à sa vie » (II, 12, 487) (Le Scepticisme au XVIe et au XVIIe siècle: Le Retour des philosophies antiques à l'âge classique, Tome 2, 2014 - books.google.fr).

Holborn

Auparavant Stamford n’avait jamais été un réel ami, mais, ce jour-là, je l’accueillis avec chaleur, et lui, parallèlement, parut enchanté de la rencontre. Dans l’exubérance de ma joie, je l’invitai à déjeuner au Holborn ; nous partîmes ensemble en fiacre.

Madame de Sevigné of Montaigne: "Mon Dieu! que ce livre est plein de bon sens!". Point d'ennemis, ma chère enfant; (says she to her daughter) faites vous une maxime de cette pensée, qui est aussi Chrétienne que politique; et je dis non seulement point d'ennemis, mais beaucoup des amis: vous en sentirez la douceur dans votre procès. On peut avoir besoin de tel qu'on ne croit pas qui puisse jamais servir (James Stamford Caldwell, Results of Reading, 1843 - books.google.fr).

L'apostrophe « O mes amis, il n'y a nul amy » dit la mort des amis. Elle la dit. Dans sa « contradiction performative » (on ne devrait pas pouvoir s'adresser à des amis en les appelant des amis pour leur dire qu'il n'y a pas d'amis, etc.), ce dire hésite entre le constat — il en a la forme grammaticale - et l'arrêt de la sentence : qu'il en soit ainsi puisqu'il en est ainsi, et gardez le dit en mémoire, tenez-vous-le pour dit. L'adresse s'adresse à la mémoire mais nous vient aussi de la mémoire - et de mémoire car « le mot qu'Aristote avoit tres-familier », Montaigne le cite, comme d'autres avant lui, il le récite par cœur, là où aucun document littéral n'en atteste l'événement (Jacques Derrida, Politiques de l'amitié, 1994 - books.google.fr).

Holborn est le nom d'un quartier du West End de Londres, situé dans la Cité de Westminster, à la limite de la Cité de Londres et du district de Camden (fr.wikipedia.org - Holborn).

599. ETYMOLOGY OF HOLBORN : "The Fleet" (the river so called from its rapid current) "next directed its course past Bagnigge Wells and the House of Correction towards the valley at the back of Mount Pleasant, Warner Street, and Saffron Hill, and so to the bottom of Holborn. Here it received the water of the Old Bourne (whence the name Holborn) which rose near Middle Row, and the channel of which forms the sewer of Holborn Hill to this day" (Aymer's Introduction to the Chroniques de London, p. XII. Camden Society, 1844) (Henry Thomas Buckle, The Miscellaneous and Posthumous Works, Volume 2, 1872 - books.google.fr).

Henry Thomas Buckle (né le 24 novembre 1821 à Lee (Londres) - mort le 29 mai 1862 à Damas) est un historien britannique (fr.wikipedia.org - Henry Thomas Buckle).

The death of his mother in 1859 combined with the exhausting work on the second volume of the History of Civilization in England and its publication in 1861 invoked a decision by Buckle to go to Egypt to recover from exhaustion. He toured Egypt. Then, feeling better, Buckle traveled to Palestine and Syria. He died of typhoid fever in Damascus, Syria, on 29 May 1862 and was buried there. A sister provided a gravestone with the epitaph “I know that he shall rise again” (fr.wikipedia.org - Henry Thomas Buckle).

Le fleuve Oronte coule du sud vers le nord depuis le Liban jusque dans la Syrie, dont la capitale est Damas.

Montaigne est le "favourite" de Buckle (London Quarterly and Holborn Review, Volume 12, 1859 - books.google.fr).

Les Essais de Montaigne furent publiés en 1588, et font époque, non seulement dans la littérature, mais aussi dans la civilisation de la France. En laissant de côté les particularités personnelles, qui ont moins de poids qu’on ne le suppose généralement, on trouvera que la différence entre Rabelais et Montaigne est la mesure de la différence entre 1545 et 4588, et qu’elle correspond à un certain degré avec le rapport que j'ai indiqué entre Jewel et Hooker, et entre Hooker et Chillingworth. En effet, c’est la loi d’un scepticisme progressif qui gouverne tous ces rapports. Montaigne était à la théologie ce que Rabelais était aux partisans de cette même théologie. Les écrits de Rabelais étaient dirigés seulement contre le clergé, mais les écrits de Montaigne attaquaient le système dont le clergé était le produit. Sous les dehors d’un homme du monde exprimant des pensées naturelles dans le langage ordinaire, Montaigne cachait un esprit d’investigation élevé et hardi. Il lui manquait cette compréhensivité qui est la forme la plus haute du génie, mais il possédait d’autres qualités essentielles d'un grand esprit. Il était très circonspect et cependant très audacieux : circonspect, puisqu'il ne voulait pas croire des choses étranges, pour le seul motif qu'elles lui avaient été laissées en héritage par ses ancêtres, et audacieux, puisqu’il n’était pas intimidé par les reproches que les ignorants, qui aiment à dogmatiser, ne manquent jamais de jeter à la face des hommes assez éclairés pour avoir des tendances vers le doute. Ces particularités auraient fait de Montaigne, à toutes les époques, un homme utile : au seizième siècle, elles firent de lui un homme important (Henry Thomas Buckle, Histoire de la civilisation en Angleterre, Tome 2, traduit par A. Baillot, 1865 - books.google.fr).

Lauriston : le crime de l'avenue Montaigne

Lauriston Gardens est un ensemble de quatre maisons au nom imaginé par Arthur C. Doyle et situé dans Brixton Road, une artère résidentielle de Lambeth, sur la rive droite de la Tamise (Lucien-Jean Bord, Dictionnaire Sherlock Holmes, 2012 - books.google.fr).

Puisque Montaigne a été impliqué dans cette histoire, rendons-nous en France, à Paris.

L'ancien hôtel de M. le comte de Choiseul-Gouffier, élevé presque au coin de la rue de Chaillot, sur le plan du temple grec d'Érechthée, devint en 1844 la propriété de M. Emile de Girardin. La comtesse de Montijo, mère de la duchesse d'Albe, acquit, sous le second Empire, presque tout ce qui subsistait encore de l'ancien jardin Marbeuf, y compris l'hôtel de Lauriston qui devint l'hôtel d'Albe et auquel elle adjoignit, pour agrandir les jardins, l'hôtel de M. Emile de Girardin (Hippolyte Bonnardot, Monographie du VIIIe arrondissement de Paris: étude archéologique et historique, 1880 - books.google.fr, M. W.. Duckett, Dictionnaire de la conversation et de la lecture, (Supplément 2), 1873 - books.google.fr).

L'être le plus curieux que j'ai rencontré avenue Montaigne est cette femme folle dont Giraudoux a tiré La Folle de Chaillot. Ce n'est pas de « la Môme aux Bijoux » de Montmartre comme l'ont annoncé les journaux de l'époque en donnant la photo de cette vieille gonzesse déchue et au passé trouble dont Jean Giraudoux s'est inspiré pour créer ce personnage de la Folle de Chaillot. La femme Leffray était une Anglaise. C'était la veuve d'un cocher de bonne souche « cockney ». Elle habitait rue Lauriston. Je l'ai souvent suivie. Elle descendait tous les joursde Chaillot jusqu'à l'avenue Montaigne où elle venait s'installer sur un banc, en face de l'hôtel Plaza Athénée et elle restait là en extase, attifée comme la Moreno a si bien su le faire d'après son modèle (Blaise Cendrars) (Cahiers numéro 24, 1996 - books.google.fr).

C'était bien après 1887, sous l'occupation à Paris (fr.wikipedia.org - La Folle de Chaillot).

Le mot est d'Emile de Girardin, qui appelait titrifiés les faits-divers pourvus d'un titre, afin de les distinguer de ceux qui, précurseurs des actuelles « nouvelles en trois lignes », étaient réunis dans une rubrique sous une indication commune (Les Volumes de Noel, Union Syndicale et Federation des Syndicats des Maîtres Imprimeurs de France, 1938 - books.google.fr).

Lisons ce que le secrétaire d'Emile de Girardin, Charles Vimaître, écrivait en 1885 :

Emile de Girardin, ce journaliste éminent a fait plus pour la police que tous les préfets du monde, séduit par les récits des prouesses des journalistes américains, et voulant servir du nouveau aux abonnés de la Liberté, il imagina, vers 1867, de mettre en première page le fait du jour et de donner une large place aux informations (Charles Virmaître, Paris-police, 1886 - books.google.fr).

On a souvent reproché à M. de Girardin l'abus des citations, le choix peu rigoureux des autorités; on a dit de ses livres qu'ils n'étaient que des recueils de témoignages, et que sur trois cents pages on y comptait toujours deux cents pages de citations. Je me souviens d'avoir moi-même, dans un journal littéraire, il y a quelques années, relevé ce défaut et rappelé à cette occasion un curieux passage de La Bruyère : « Hérille, soit qu'il parle, qu'il harangue ou qu'il écrive, veut citer. Il fait dire au prince des philosophes que le vin enivre, et à l'orateur romain que l'eau le tempère. S'il se jette dans la morale, ce n'est pas lui, c'est le divin Platon qui assure que la vertu est aimable, le vice odieux, ou que l'un et l'autre se tournent en habitude. Les choses les plus communes, les plus triviales, il veut les devoir aux anciens, aux Latins, aux Grecs. » J'en demande bien pardon aux critiques, à La Bruyère, et à celui qui écrit ces lignes; mais ces reproches me semblent aujourd'hui porter complétement à faux. Si l'Hérille des Caractères s'appelle au XIXe siècle Émile de Girardin, je ne puis oublier qu'au XVIe il s'appelait Montaigne. On pourrait citer, n'est-il pas vrai, en plus mauvaise compagnie ? L'auteur des Essais ne se contente pas de citer à tout propos; il se borne souvent à traduire purement et simplement Sénèque, sans le nommer; de même que Montesquieu emprunte des chapitres entiers à Machiavel, à Estienne Pasquier, sans leur faire l'honneur d'une mention (Odysse Barot, Emile de Girardin: sa vie - ses idées - son oeuvre - son influence, 1866 - books.google.fr).

Charles Virmaître, né le 14 janvier 1835 à Paris, et mort le 15 mars 1903 à Paris, est un historien, lexicographe et journaliste français. Il s'intéresse essentiellement à Paris, et aux mœurs et à la prostitution de la capitale. Il est également l'auteur du Dictionnaire d'argot fin de siècle, publié en 1894 (fr.wikipedia.org - Charles Virmaître).

Un de ses derniers ouvrages se penche sur une pratique plus extrême : la flagellation, dans son essai Les Flagellants et les flagellés de Paris (1902).

Buckle aurait possédé un exemplaire d'un ouvrage sur l'usage, à la fois médical et philosophique, du fouet et la flagellation, de Johann Heinrich Meibom (1594-1655), latinisé en Joannes Henricus Meibomius, médecin allemand, le De usus flagrorum in re medica et veneria (traduit en français en 1795).

The pornographic publisher John Camden Hotten (1832 - 1873) claimed that his series of flagellation reprints The Library Illustrative of Social Progress had been taken from Buckle's collection, but this was untrue, as reported by Henry Spencer Ashbee (fr.wikipedia.org - Heinrich Meibom, (en.wikipedia.org - Henry Thomas Buckle/a>, www.bibliocuriosa.com - Buckle).

L'assassin vengeur de l'Etude en rouge a, comme métier, cocher de fiacre, pour subsister à Londres :

– Comment était-il vêtu ? – Il avait un pardessus brun. – Et un fouet à la main ? – Un fouet ?… Non. – Il l’avait sans doute laissé, murmura mon compagnon. Ensuite, vous n’avez pas par hasard vu et entendu un fiacre ?

Et vous faites ce métier de courir les bals pour raccrocher les pédérastes ? – Non ! Nous sommes venus pour nous amuser, car nous n'avons pas besoin de cela pour vivre, nous sommes entretenues très richement, Valentine par un des plus riches banquiers parisiens, et moi, par le général X. ; de plus nous donnons des séances dans les « maisons hospitalières. » – Comment cela ? – Dans les maisons à voyeurs. – Avec des hommes. – Parfois avec des garçons bouchers qui viennent figurer. On les nomme en ce cas des Etalons ; mais c'est assez rare, car ils se tiennent mal. Nous préférons travailler à nous deux de préférence. Alors, suivant les cas, nous sommes indifféremment actif ou passif; seulement l'actif revêt un costume au goût du client. – Quel costume ? – Vous vous souvenez de l'affaire de la rue Montaigne. Lors de la descente de justice, on trouva dans le vestiaire des costumes d'évêque, de marin, de procureur général et de militaire qui servaient à l'usage que je viens d'indiquer; on trouva même un costume complet de jeune mariée, y compris la couronne de fleurs d'oranger (Charles Virmaître, Les Flagellants et les flagellés de Paris, 1902 - books.google.fr).

Un homme comme Montaigne fut très impressionné lors de son voyage en Italie par les flagellants ou les Battuti italiens, ces confréries ostentatoires qui défilaient devant ses yeux en se fouettant le corps. [...] L'auteur s'interrogeait sur le sens de ces flagellations publiques : « c'est une enigme que je n'entens pas bien encore. Mais ils sont tous meurtris et cruellement blessés et se tourmentent et battent incessamment ». On sait qu'à la même époque à Paris, les confréries de pénitents installées par Henri III dans la capitale, étaient justement encadrées par des religieux qui, comme les Jésuites, les Minimes, les Capucins ou les Feuillants, prônaient la mortification du corps, par imitation du Christ souffrant (cf. Ignace de Loyola, Constitutions) (Pierre Benoist, L'habit faisait-il le moine ?, Paraître et apparences en Europe occidentale du Moyen Âge à nos jours, 2008 - books.google.fr).

Le témoignage oculaire s'enferme dans sa propre évidence sensible sans parvenir jamais à identifier son objet. "Ils laissent là les choses, et s'amusent à traiter des causes", affirmaient les Essais: mais pour le Journal, ce qui en cause, ce ne sont pas seulement les causes mais ce sont les choses elles-mêmes dont le témoignage "oculaire" augmente l'opacité, le mystère. C'est ce que révèle le spectacle ênigmatique des "flagellants" à Rome, un des points forts de l'expérience voyeuriste du Journal (Olivier Pot, Lieux, espace et géographie dans le Journal, Le Journal de voyage, 2003 - books.google.fr).

L'affaire du « Triple assassinat de la rue Montaigne » ou le « Crime de la rue Montaigne » (actuelle rue Jean-Mermoz) à Paris, dont parle Charles Virmaître (Paris-Escale, 1887), qui conduira à l'exécution de Henri Pranzini le 31 août 1887, occupe les médias français les plus lus de l'époque durant plus d'un mois. Fils d'immigrants italiens installés en Égypte, Henri Pranzini est né à Alexandrie d'Egypte en 1856. Après avoir été renvoyé de la Poste égyptienne pour vol, Henri Pranzini se mue alors en aventurier, entre dans l'Armée des Indes et participe à la guerre en Afghanistan, avant d'offrir un temps ses services aux Russes. En 1884, il s'engage dans l'armée anglaise et prend part, en qualité de chef-interprète – polyglotte, il connaissait huit langues –, à l'expédition du Soudan. Il arrive en 1886 à Paris, où il gagne sa vie comme souteneur et gigolo. Son procès s'ouvre le 9 juillet 1887 devant la Cour d'assises de la Seine. Le 13 juillet, après deux heures de délibéré, il est reconnu coupable des meurtres et condamné à la peine capitale (fr.wikipedia.org - Henri Pranzini).

De g. à d. Marie Regnault, 40 ans, Annette Gremeret, 38 ans, Marie Gremeret, 12 ans - Recueil. Canards. 1830-1912 - gallica.bnf.fr

Pranzini, comme Watson, a fait la guerre d'Afghanistan et s'est engagé dans l'armée anglaise. Conan Doyle aurait put choisir l'Afrique du Sud puisque les Anglais y combattaient les Zoulous à la même époque (Victoire d'Ulundi en 1879).

Mais Conan Doyle a écrit Study in scarlet en trois semaines à partir de mars 1886 et a commencé à envoyer son manuscrit aux éditeurs en avril. Il ne sera accepté qu'en octobre 1886 chez Ward, Lock & Co qui ne publiera qu'à la fin de l'année suivante (Nicholas Utechin, Amazing & Extraordinary Facts: Sherlock Holmes, 2012 - books.google.fr).

Peut-être y-a-t-il eu réécriture entre temps.

Le Décameron

Pas de bourse, mais de l’argent : sept livres treize shillings. Il y a encore une édition de poche du Décaméron portant sur la feuille de garde le nom de Joseph Stangerson ; et enfin deux lettres : l’une est adressée à E. J. Drebber et l’autre, à ce Joseph Stangerson.

"Entre les livres simplement plaisants ie treuve, des modernes, le Decameron de Boccace, Rabelais" (Essais, Livre II, Chapitre X).

On trouve dans les Essais une allusion très directe à un conte de Boccace, en 1588 (II, 13, t. III, p. 177). Il faut encore mentionner de Boccace le De casibus virorum et feminarum illustrium, dont le succès fut considérable au XVIe siècle. Au temps de Montaigne, une nouvelle traduction française en est donnée, en 1578, par Witard, sous le titre de Traité des mesadventures de personnages signalez. C'est une masse d'exemples moraux qui, pour la plupart, sont accompagnés d'une courte dissertation morale, destinée & en faire ressortir la leçon. Le rapport de ce cadre avec celui des premiers Essais est à noter. De plus, le recueil de Boccace a vulgarisé certains exemples, comme celui de Spurina que Montaigne reprendra au trente-troisième Essai du second livre (Pierre Villey, Les sources & la chronologie des essais, Bibliothèque de la fondation Thiers, Numéro 14, 1908 - books.google.fr).

Le jeune Toscan a manqué de « prudence »; il aurait dû faire « de ces dons de Dieu un subject de vertu exemplaire et de reglement ». En jouant sur les deux sens du mot, Montaigne nous fait comprendre qu'en se lacérant le visage (712a) Spurina a en fait refusé les visages de la vie ("tant de visages qui lient un homme d'exacte preud'hommie en la vie civile" 712c) (F. Rigolot, Les "visages" de Montaigne, La Littérature de la Renaissance, 1984 - books.google.fr).

Le verre avait affreusement tailladé son visage, mais il avait beau perdre du sang, il n’en résistait pas moins !

Droit des gens

Oui, quelques minutes encore. Entrouvrez la porte. C’est bien comme ça. Maintenant mettez la clef à l’intérieur. Merci. Voilà un curieux vieil ouvrage que j’ai trouvé hier chez un bouquiniste, De Jure inter Gentes, publié en latin à Liège, dans les Pays-Bas, en 1642. La tête de Charles Ier était encore solide sur ses épaules quand le papier de ce petit volume à dos brun fut tranché !…

Le mot "RACHE" tracé sur le mur de la maison du crime étant allemand, l'affaire prend un tour international.

On a déjà vu que les publicistes italiens ont été les premiers à s'occuper de la théorie, de cette partie du droit des gens qui traite des immunités des ministres publics. On peut également affirmer que c'est en Italie que la science de la diplomatie et l'art de négocier furent d'abord enseignés et pratiqués. Le génie fin et adroit de la nation italienne se développa dans les luttes, et les intrigues politiques des divers états de la péninsule. Florence, Venise, et Rome ont produit, aux quatorzième, quinzième et seizième siècles, une foule de diplomates consommés. La république de Florence employait dans ses fonctions les plus illustres et les plus instruits de ses citoyens. On peut nommer cinq des littérateurs les plus renommés de la Toscane, le Dante, Pétrarque, Boccace, Guicciardini et Machiavel (le plus grand de tous comme homme d'état), qui furent chargés par cette république des missions les plus importantes et les plus difficiles (Henry Wheaton, Histoire des progrès du droit des gens en Europe et en Amérique: depuis la paix de Westphalie jusqu'à nos jours, Tome 1, 1865 - books.google.fr).

On doit à Bodin la première tentative sérieuse de proposer une théorie générale du droit conçue, conformément aux nouvelles tendances de la jurisprudence de la fin du XVIe siècle (que Bodin partage avec d'autres juristes penchant vers une première systématique, parmi lesquels son adversaire, Pierre Grégoire), comme une table, un schéma, un modèle à l'intérieur duquel inscrire tout le droit (Ius universum). Dans cette table, le droit des gens, avec sa source éminemment coutumière, se voit nier son primat sur le droit civil. Le long examen de la nature des différents peuples en relation avec la position géographique, les conditions climatiques et les événements historiques, qui commence dans la Methodus et s'achève dans la République, avait le sens nouveau d'une profonde défiance envers la rationalité du droit des gens, voire envers l'idée même de de l'existence d'une raison naturelle incarnée dans une coutume observée uniformément par toutes les nations, au-delà des spécificités révélées par les différents droit positifs. On trouve l'héritage de cette conception dans la réflexion non systématique, mais volontairement rhapsodique, sur le modèle des Moralia de Plutarque, de Michel de Montaigne. A la fin du XVIe siècle, les Essais de Montaigne marquent sans équivoque la ligne de crête de la modernité. Avec Bodin, en France, finit le Moyen Âge ; avec Montaigne commence un monde nouveau d'intérêts et de pensées, d'attitudes et de réflexions qui, fût-ce sous la forme d'un journal apparemment intimiste, révolutionnent le sentiment de la justice, du droit et de la loi dans toute la génération de doctes qui se penchent sur l'État et sur les nouveaux modèles absolutistes du pouvoir. C'est avec Montaigne que la loi semble devenir ce qu'elle est dans sa dimension véritablement moderne : non plus « dans l'acception vague de la lex de saint Thomas, tendant à se fondre dans le ius, mais au sens strict de loy, loi au sens moderne, volition autoritaire du détenteur de la nouvelle souveraineté, caractérisée par les attributs de la généralité et de la rigidité » : « vérité élémentaire » et la réalité nouvelle d'une loi qui n'est plus marquée par des contenus et une finalité comme la conformité à la raison et le bien commun, mais qui « se propose », au contraire, « comme réalité ne trouvant dans un contenu ou dans un objectif ni son sens, ni sa légitimation sociale ».

La contribution de Montaigne au virage de la modernité juridique [...] allait trouver peu après en Grotius son protagoniste, donnant naissance à une école et à un climat qui, pour plus d'un siècle, allaient dominer la scène européenne, en préparant la voie à la codification et au positivisme juridique. [...] La vulgate de la pensée de Grotius veut que la réaction à la disparition du fondement éthique et religieux universel du droit se caractérise par le rationalisme, la laïcité et l'individualisme, parce que la doctrine de Grotius réaffirme l'existence de principes moraux évidents par eux-mêmes, déposés dans la raison de chaque homme en tant qu'homme ; principes qui auraient une existence et une validité même si l'on supposait, dans l'absurde, qu'ils ne sont pas basés sur une volonté législatrice universelle et éternelle, c'est-à-dire, comme l'écrit Grotius dans les célèbres Prolégomènes au De iure belli ac pacis (Du droit de la guerre et de la paix), de 1625, que Dieu n'existe pas ou que, s'il existe, il ne se soucie pas de nous (Diego Quaglioni, À une déesse inconnue: la conception pré-moderne de la justice, 2003 - books.google.fr).

On a pu dire de l'anglais Richard Zouch (1590-1660) qu'il était, après Grotius, le second fondateur de la science du droit des gens. L'ouvrage de droit international qui a valu au savant professeur d'Oxford, successeur de la chaire de Gentili, sa réputation, parut en 1650. Il était intitulé: Juris et judicii fecialis, sive juris inter gentes (De jure inter gentes). Il abandonne l'expression équivoque jus gentium et la remplace par celle de jus inter gentes. S'il ne traite guère de la question de la paix, en revanche, il s'attache au problème de l'arbitrage et, en dehors de toute spéculation métaphysique, expose amplement en quoi la guerre est un « procès conforme au droit » (Simone Goyard-Fabre, Guerre et Paix, La référence hobbienne du XVIIe siècle à nos jours, 1982 - books.google.fr).

« Vous croyez, dit Montaigne, que ce sont toujours de puissantes causes qui les font agir; détrompez-vous : la même raison qui vous fait tancer avec un voisin, dresse entre les princes une guerre; la même raison qui vous fait fouetter un laquais, tombant en un roi, lui fait ruiner une province. » (F. Laurent, Histoire du droit des gens et des relations internationales: Les nationalités, 1865 - books.google.fr).

Où est la douceur d'un homme qui fait fouetter son boulanger parce qu'il a voulu le régaler avec du bon pain. Mais Montaigne n'est pas dupe ; au fond de lui, il doute autant que nous de la clémence du dictateur romain : il cite par exemple Suétone qui voyait de la douceur en César parce que, ayant menacé des pirates de les faire mettre en croix, mais au dernier moment écoutant son cœur, « il les y condemna, mais ce fut après les avoir faict estrangler » (II XI 410a) (P. J. Goumarre, Montaigne et Machiavel et les grands capitaines de l'antiquite, Lettres romanes, vol. XXVI, no. 1, 1973 - books.google.fr).

Singulière destinée des hommes! César, le représentant de la démocratie, tombe sous les coups de l'aristocratie romaine; mais c'est au nom de la liberté que le tyran est tué; ce mot magique a trompé la postérité pendant des siècles. Un des esprits les plus justes de la France, Montaigne, tout en reconnaissant « la grandeur incomparable de cette âme », s'emporte contre « sa furieuse » passion ambitieuse » ; « ce seul vice, a son avis, perdit en lui le plus beau et le plus riche naturel qui fut onques, et a rendu sa mémoire abominable à tous les gens de bien, pour avoir voulu chercher sa gloire en la ruine de son pays et subversion de la plus puissante et florissante chose publique que le monde verra jamais » (II 34) (François Laurent, Histoire du droit des gens et des relations internationales, Tome 12, 1850 - books.google.fr).

"boulanger" se traduit par baker en anglais cf. Baker Street.

Les Mormons : du droit des gens aux droits des femmes

Au début, ce pouvoir ne s’exerça que sur les récalcitrants qui, après avoir embrassé la foi des Mormons, tentèrent ensuite de la réformer ou de l’abandonner. Mais bientôt il étendit le champ de son activité. La polygamie menaça de devenir lettre morte : on manquait de femmes. D’étranges rumeurs commencèrent à circuler ; il y était question d’immigrants assassinés et de camps pillés en des régions où l’on n’avait jamais vu d’Indiens. Dans les harems des anciens, on voyait de nouvelles femmes, éplorées et languissantes ; elles portaient sur leur visage le reflet d’une atrocité inoubliable. Des voyageurs surpris par la nuit dans les montagnes avaient vu se glisser dans l’ombre des bandes d’hommes armés et masqués. Ces racontars se précisèrent, se confirmèrent. A la fin un nom résuma tout : les Anges Vengeurs. C’est encore un nom sinistre et de mauvais augure dans les ranches solitaires de l’Ouest.

Il reste une difficulté qu'il ne soulève pas et résout encore moins : quid lorsqu'il y a conflit entre la nature et la société, ou, peut-on dire, entre le dedans et le dehors ? On peut affirmer, par exemple, que la nature ne rejette pas la polygamie ; les indigènes du Brésil que Montaigne admire sans réserve ne la pratiquentils pas ? En France, cet usage naturel est prohibé. Il paraît bien que dans de tels cas, exceptionnellement, Montaigne s'incline devant le dehors ; on n'accepte pas non plus au Périgord qu'il soit légitime, parce que naturel, de manger ses parents. Ni même ses ennemis. Il ne faut suivre que les lois et coutumes du pays où l'on est ! (Pierre Leschemelle, Montaigne, le badin de la farce, 1995 - books.google.fr).

Quand Montaigne explore le point de vue des femmes indiennes, il trouve dans leur manque de jalousie une « beauté remerquable » : c'est-à-dire qu'elles ne se sentent pas, selon lui, opprimées par la pratique de la polygamie (C. Bauschatz, Montaigne, les femmes et les mondes de l'autre, Bulletin de la Société des amis de Montaigne, 1993 - books.google.fr).

Loupe : Drebber pour Drebbel ?

Tout en parlant, il sortit brusquement de sa poche un mètre en ruban et une grosse loupe ronde. Muni de ces deux instruments, il trotta sans bruit dans la pièce ; il s’arrêtait, il repartait ; de temps à autre, il s’agenouillait et, même une fois, il se coucha à plat ventre.

A Study in Scarlet was the first work of detective fiction to incorporate the magnifying glass as an investigative tool (en.wikipedia.org - A Study in Scarlet).

La plus petite différence dans la cause suffit à renverser l'effet du tout au tout. Ce thème de la puissance du menu se retrouve par exemple dans le chapitre « De la diversion » : « Peu de choses nous divertit et détourne car peu de chose nous tient. Nous ne regardons guère les sujets en gros et seuls : ce sont des circonstances ou des images menues et superficielles qui nous frappent, Et des vaines écorces qui rejaillissent des sujets » (III.4.91 ; 836). Ce texte dit bien sûr la faiblesse et l'inconstance humaines, mais il dit aussi bien la force et la dispersion des menues causalités naturelles. Cette puissance du menu se lisait déjà dans la méditation sur la « goutte de semence » qui loge un « nombre infini de formes » (II.37.679 ; 763). Infini de petitesse donc : à l'horizon se profilent déjà Pascal, le microscope de Leeuwenhoek et l'infini actuel de Leibniz. La méditation montanienne, quelques pages plus loin, passe de l'infini de petitesse à l'infini de grandeur (Bernard Sève, Montaigne. Des règles pour l'esprit, 2015 - books.google.fr).

Sans parler des lentilles simples attribuées, dit-on, à un moine du XIIIe siècle, bien que des lentilles ordinaires soient en usage depuis l'antiquité, si l'on en croit Pline et Aristophane, le microscope composé remonte aux environs de 1600, sinon avant. Un lunetier hollandais de Middelburg, Zacharie Janssen, en avait construit un dès 1590 et l'alchimiste Cornélius Drebbel, qui mourut en 1604, avait, à la fin de sa vie, reproduit l'instrument de Janssen. Le microscope n'a donc pas été inventé retournement du télescope de Galilée, puisque l'apparition du télescope date seulement de 1609. Quant à l'emploi pratique du microscope, on a voulu le situer vers 1660, c'est-à-dire à une époque où Pascal a pu le connaître. L'Italien Malpighi observe en 1661 ta circulation du sang dans les capillaires. Autour de 1665, on cite les Anglais Nehemiah Grew et Robert Hooke. La Micrographia de celui-ci fut publiée en 1667 avec des figures (Bulletin de la Société des amis de Montaigne, 1961 - books.google.fr).

– Il faut donc que ce sang appartienne à un autre individu, au meurtrier, si meurtre il y a. Cela me rappelle les circonstances qui ont accompagné la mort de van Jansen, à Utrecht, en 1834. Vous souvenez-vous de cette affaire, Gregson ? (S. Holmes)

Tels sont les avantages de la loupe : voir de plus près et voir plus grand. La théorie de la loupe nous conduit facilement à la théorie des microscopes. En effet, si on recueille l'image virtuelle de l'objet A'B' sur un écran, on a les conditions du microscope à projection. Si, à la place de l'écran, on met une lentille biconvexe (loupe), celle-ci amplifie encore l'image et on a ainsi réalisé les conditions du microscope composé. La loupe, dans le microscope composé, porte le nom d'oculaire, et la lentille qui fournit l'image virtuelle est désignée sous le nom d'objectif Tel était le microscope dont se servaient les premiers observateurs. On en attribue la découverte à Z. Janssen, fabricant de lunettes hollandais, et aussi à Drebbel, à Galilée, à Fontana. Ce qu'il y a de certain, c'est que, dans le commencement du dix-septième siècle, Malpighi et Leuvenhoëk se servirent d'un microscope analogue à celui que nous venons de décrire (Édouard Fournié, Application des sciences à la médecine, 1878 - books.google.fr).

On pourrait retrouver Enoch dans le titre d'un ouvrage publié à Anvers en 1645 : Oculus Enoch et Eliae du capucin Anton Maria Schyrl von Rheita.

One chapter dealt with the telescope where Rheita emphasized the “binoculum” which he considered to be the very finest of telescopes. But his book would become famous because of a cryptogram: four enciphered lines told of the new telescope with four lenses. Another cryptogram showed the best way to polish the lenses: a paper should be glued into the mould (Inge Keil, Johann Wiesel's telescopes and his clientele, From Earth-Bound to Satellite: Telescopes, Skills and Networks, 2011 - books.google.fr).

Stangerson

L'aspect fortement symbolique des noms propres et des noms de lieux est d'ailleurs une caractéristique frappante dans l'œuvre tout entière du Chien des Baskerville. [...] L'onomastique, en d'autres termes l'étude des noms propres, se révèle intéressante dans le roman en ce qui concerne tout d'abord le criminel Stapleton, dont le véritable nom est Rodger Baskerville. à savoir le même nom que celui de son propre père, lui-même exilé en Amérique latine après avoir acquis une bien mauvaise réputation en Angleterre. Une dernière remarque, peut-être plus anecdotique, s'impose à propos de l'onomastique dans le roman, ou plutôt au sujet de sa postérité littéraire. Chacun sait en effet que l'histoire littéraire est riche en reprises intertextuelles, en références d'une œuvre à une autre, notamment à travers les noms des personnages. C'est ainsi, par exemple, que le nom de « Stangerson » se trouve à la fois dans Le Mystère de la chambre jaune (l908) de Gaston Leroux (qui met en scène l'ingénieux journaliste-détective Rouletabille), et dans le premier roman publié par Doyle où Holmes apparaît, A Study in Scarlet (1887). Il s'agit dans les deux textes du nom de la victime (chez Leroux) ou d'une des victimes (chez Doyle), et tous deux font écho à « Stapleton ». Voilà bien une manière pour Leroux de rendre indirectement hommage à son illustre prédécesseur, et ce procédé s'avérera particulièrement fréquent dans le genre policier. Cela tient également à des raisons de compétition intertextuelle, et de définition du détective fictif à travers des références visant souvent à dévaloriser ses prédécesseurs, et à le présenter comme « indépassable » sur le plan déductif et, plus largement, intellectuel (Christophe Gelly, Le chien des Baskerville: poétique du roman policier chez Conan Doyle, 2005 - books.google.fr).

Stanger peut être un mot allemand désignant le second en matière de duel (Ernest Weekley, An Etymological Dictionary of Modern English, Volume 2, 2012 - books.google.fr, Fritz Berger, Otto R. Etter, Die Familiennamen der Reichsstadt Eßlingen im Mittelalter, 1961 - books.google.fr).

C'est l'exacte position de Sangerson par rapport à Drebber :

D’après la rumeur publique, Drebber s’était arrangé pour convertir en argent une grande partie de ses propriétés ; il était parti bien nanti ; au contraire, Stangerson, qui l’accompagnait, était relativement pauvre. Là se bornaient les renseignements que Jefferson Hope recueillit.

Mais Drebber l’avait reconnu sous ses haillons, et il avait surpris son regard meurtrier. Accompagné de Stangerson qui était devenu son secrétaire particulier, il courut chez le juge de paix à qui il exposa le danger de mort que leur faisaient courir la haine et la jalousie d’un ancien rival.

Montaigne est particulièrement concerné par ce rôle dans les duels :

C'est aussy une espece de lascheté, qui a jourdhuy, introduict en nos combats singuliers, cet usage de nous accompaigner de seconds , et tiers, et quarts. C'estoyent anciennement des duels, ce sont à cett'heure rencontres et batailles. La solitude fdisoit peur aux premiers qui l'inventerent : quum in se cuique minimum fiducice esset. [...] J'ay interest domestique à ce discours. Car mon frere sieur de Matecoulon, feut convié à Rome, à seconder un gentilhomme qu'il ne Cognoissoit gueres lequel estoit deffendeur, et appellé par un aultre : en ce combat , il se trouva de fortune avoir en teste, un qui luy estoit plus voisin et plus cogneu : je vouldrois qu'on me feit raison de ces loys d'honneur, qui vont si souvent choquant et troublant celles de la raison. Apres s'estre defaict de son homme, Voyant les deux maistres de la querelle , en pieds encores , et entiers, il alla descharger son compaignon. Que pouvoit-il moins ? (Essais, Livre II) (Essais de Michel de Montaigne: tome second, Jean Serviere, Jean François Bastien, 1793 - books.google.fr).

Le duel de Mattecoulon, raconté aussi par Brantôme, est un sujet controversé. Brantôme ajoute des détails importants : le duel eut lieu à quatre milles de Rome et les protagonistes furent Esparezat contre la Villate et Mattecoulon, second d'Esperazat, contre le baron de Saligny, second de la Villate. Brantôme présente l'action de Mattecoulon comme une action très négative; l'attitude de Mattecoulon ne répond pas aux règles de chevalerie et d'honneur nobiliaire mais plutôt au bon sens commun. Montaigne, qui s'efforce de défendre les choix de Mattecoulon et de trouver des «circonstances atténuantes», n'est pas assez convaincant. Le problème des duels, qui étaient bannis par le code civil et canonique (ce dernier prévoyait l'excommunication pour les coupables) était très vif à l'époque de Montaigne, à cause des nombreux jeunes qui mouraient en duel parmi les nobles (Concetta Cavallini, L'italianisme de Michel de Montaigne, 2003 - books.google.fr).

Vengeance

J’avais toujours pensé que la vengeance me serait douce, mais je n’avais jamais espéré ressentir une telle joie. (J. Hope)

À première vue, l'idée d'un plaisir propre à la vengeance ne fait pas problème. D'Aristote à Montaigne, on considère qu'il est doux de se venger : l'offensé échappe au péril, arrête la cruauté de l'autre et rétablit la justice. Le vengeur peut se réjouir d'être sorti d'un mauvais pas; c'est le plaisir des fins heureuses, en somme. Il faut bien voir que ce caractère agréable est toujours lié à l'utilité et à la légitimité de la vengeance. Il s'agit avant tout de tirer raison d'une offense et de la réparer: on rétablit une relation d'égalité entre un offenseur et un offensé par la juste proportion de la faute et de sa punition (Fabien Cavaillé, Le malin plaisir : les perversions de la vengeance dans la tragédie baroque française, Le théâtre et le mal, 2005 - books.google.fr).

Si la pulsion «vindicative» est placée au rang des «passions penibles» dans «De mesnager sa volonté» (III, 10, 1016 C), lorsqu'il la définit, Montaigne n'en néglige pas les séductions : « C'est une douce passion que la vengeance, de grande impression et naturelle... » (III, 4, 835 B); il se souvient ici de la Rhétorique d'Aristote qui, dans un passage sur la colère, analyse celle-ci comme un désir vindicatif, dont chaque mouvement provoque un plaisir doux comme le miel selon l'Iliade, dû à l'espoir d'une vengeance possible (Bulletin de la Société des amis de Montaigne, Volume 8,Numéros 21 à 28, 2001 - books.google.fr).

Sommes-nous menacés d'une mort prochaine ? l'espoir d'une meilleure vie, les succès de nos enfants, la gloire future de notre nom, etc., etc., tout cela se présente à notre esprit, l'occupe, le distrait : périssons-nous victimes de quelque grande injustice ? il nous reste l'espoir de la vengeance, d'une punition qui ne peut manquer d'atteindre notre persécuteur (Thomas François Rignoux).

Nous pensons tousiours ailleurs : l'esperance d'une meilleure vie nous arreste et appuye; ou l'esperance de la valeur de nos enfants; ou la gloire future de nostre nom; ou la fuyté des maulx de cette vie; ou la vengeance qui menace ceulx qui nous qusent la mort (Essais, III, 4) (Essais de Michel de Montaigne, avec les notes de tous les commentateurs, présenté par Thomas François Rignoux, 1825 - books.google.fr).

L'Etude en rouge est l'histoire d'une vengeance menée par Jefferson Hope (hope : terme anglais signifiant espoir).

Sherlock : Shylock ?

Diverses étymologies ont été données au prénom Sherlock (www.quora.com, Arthur Conan Doyle, Joseph Hansen, The Mystery Fancier (Vol. 8 No. 3) May-June 1984, rédacteur Guy M. Townsend, 2010 - books.google.fr).

L'incarnation la plus célèbre des deux crimes indissociables du prêt usuraire et de l'anthropophagie, que relie une secrète homologie, est le personnage de Shylock dans Le Marchand de Venise, lequel, ne pouvant recouvrer sa créance perdue, exige de l'emprunteur une livre de sa chair située le plus près du cœur. La référence au prophète Michée autorise chez Léry ce passage du réel au symbolique : Voila aussi pourquoy le Prophete dit que telles gens escorchent la peau, mangent la chair, rompent et brisent les os du peuple de Dieu, comme s'ils les faisoyent bouillir dans une chaudiere. Comme dans le réquisitoire dressé, à propos du bois brésil, contre les « rapineurs », sangsues d'autrui, « gouffres insatiables » dévorateurs de leurs semblables, le cannibalisme, une fois encore, représente autre chose que lui-même. C'est un signe mobile, un signifiant susceptible de recouvrir les signifiés les plus divers (Frank Lestringant, Jean de Léry, ou, L'invention du sauvage: essai sur l'Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil, 2005 - books.google.fr).

Le personnage de Caliban (dont le nom est issu des « Cannibales » de Montaigne) symbolisant alors les populations indigènes soumises par les colons européens. Il est incontestable que « Les Cannibales » de Montaigne ont influencé cette pièce (La Tempête), si l'on en juge par l'utopie de Gonzalo à l'Acte II scène I qui est directement issue de la traduction anglaise de John Florio (1603) (Laurence Villard, Géographies imaginaires, 2008 - books.google.fr).

Lui choisir un conducteur qui eut plutôt la tête bien faite que bien pleine, et qu'on y requit tous les deux. (Essais, livre 1,26, 1588). Telle est l'exigence d'une éducation qui puisse former le jugement l'essentiel est la qualité de la formation intellectuelle et morale. Mais cette citation relative à l'éducation humaniste défend la tête bien pleine comme la tête bien faite : la mémoire active n'est-elle pas alors signe d'intelligence ? Mais savoir par cœur n'est pas tout à fait savoir... (Gilbert Guislain, Pascal Le Pautremat, Jean-Marie Le Tallec, 500 citations de culture générale, 2005 - books.google.fr).

– Voyez-vous, je considère que le cerveau de l’homme est, à l’origine, comme une petite mansarde vide et que vous devez y entasser tels meubles qu’il vous plaît. Un sot y entasse tous les fatras de toutes sortes qu’il rencontre, de sorte que le savoir qui pourrait lui être utile se trouve écrasé ou, en mettant les choses au mieux, mêlé à un tas d’autres choses, si bien qu’il est difficile de mettre la main dessus. L’ouvrier adroit, au contraire, prend grand soin de ce qu’il met dans la mansarde, dans son cerveau. Il n’y veut voir que les outils qui peuvent l’aider dans son travail, mais il en possède un grand assortiment et tous sont rangés dans un ordre parfait. C’est une erreur de croire que cette petite chambre a des murs élastiques et qu’elle peut s’étendre indéfiniment. Soyez-en sûr il vient un moment où, pour chaque nouvelle connaissance que nous acquérons, nous oublions quelque chose que nous savons. Il est donc de la plus haute importance de ne pas acquérir des notions inutiles qui chassent les faits utiles. (S. Holmes)

J’énumérai, en pensée, les domaines divers dans lesquels il m’avait laissé voir qu’il était bien informé. Je pris même un crayon et les notai sur le papier. Quand j’eus terminé mon bilan, je ne pus m’empêcher d’en sourire. Le voici : Sherlock Holmes – Ses limites... (Watson)

In his earlier speech, “I am a Jew,” Shylock had appealed to a radical transparency of mirroring motives, a sense that Jews and Christians work according to the same universal laws of human response, even in becoming inhuman. That outcry presses his listeners — if they have ears to hear — to test the limits of their own claims to humanity. In the “gaping pig” speech, Shylock says nothing about Jews or Christians, or even humans in general, only “some men”; he appeals to an animal-like aberrance, a grotesque automatism that seems by turns both human and inhuman. It is at best a parody of moral self-accounting. Reading these lines, with their passionate heaping up of homely exemplars of inexplicability, I always hear a version of Montaigne's strategy of argument in “An Apology for Raymond Sebond". Shylock's reasoning about unreason offers a bizarre translation of the means by which Montaigne traces the radical limits of our understanding — in particular his way of cataloging the many forms of human and animal behavior, even their most ordinary ranges of action and feeling, about whose logic we know nothing certain, subject as we are to the shifting powers of temperament, reason, fantasy, and language. (Kenneth Gross, Shylock Is Shakespeare, 2010 - books.google.fr).

Shakespeare aurait trouvé le nom du marchand de Venise dans une ballade religieuse de 1607 "Caleb Shillock's Prophecy" ou "The Jew's Prediction" (Notes and Queries: A Medium of Intercommunication for Literary Men, 1922 - books.google.fr).

The name Shillock, they state further, was current among the Jews, a fact "Shakespeare" would have known.

N. W. HILL, whose discovery of “ Shillock ” as a common generic name of the sixteenth century seems to me to be the missing link in the etymological chain. I cannot, however accept "Shiloh” as a root. To Jews, Shilo is a place-name only. Christian divines of the sixteenth century saw in it a mystic reference to Jesus. Shakespeare was too tactful and clearheaded to debase that “ holy name” to such disreputable use as Shylock was put. In answer to Sir. SWITHIN, I admit that there now seems some real ground for "Salerio” bein a Jewish cognomen (Notes and Queries: For Readers and Writers, Collectors and Librarians, 1909 - books.google.fr).

Shiloh est un nom prophétique pour le Messie (Genèse 49,10). Aussi Shiloh est le site d'une bataille cruciale dans la guerre civile américaine.

Albert Sidney Johnston (1803 – 1862), officier de carrière dans l'United States Army, est un personnage clé dans la guerre de l'Utah, sous la présidence Buchanan. Il dirigea les troupes de l'armée américaine qui établirent un gouvernement non-mormon sur l'ancien territoire mormon. Il fut tué au début de la guerre civile lors de la bataille de Shiloh dans les rangs confédérés. Davis était persuadé que la perte de Johnston "a été le point tournant de notre destin". Shiloh doit son nom à une petite église en bois de ce nom (un mot hébreu signifiant "lieu de paix") (fr.wikipedia.org - Albert Sidney Johnston, fr.wikipedia.org - Bataille de Shiloh).

Holmes

Ce n'est pas comme poète qu'Holmès vivra dans le souvenir des Américains; ce n'est pas non plus comme romancier : c'est comme humoriste, comme auteur de ces inimitables causeries familières « autour de la table du déjeuner » où se révèlent une nature très fine, un bon sens exquis, joints à une malice et à une verve, j'allais dire gauloises, qui font qu'en le lisant on pense à Montaigne et quelquefois même, quand il aborde les problèmes religieux, au Pascal des Lettres Provinciales (Louis Vossion, Un poète américain: Oliver Wendell Holmes, 1895 - books.google.fr, en.wikipedia.org - Oliver Wendell Holmes Sr.).

Une comparaison de son "The Autocrat of the Breakfast-Table" avec les Essais de Montaigne est chauvinement faite (The Knickerbocker: Or, New-York Monthly Magazine, Décembre 1862 - books.google.fr).

Le journal britannique The Spectator du 15 mai 1886, Page 10, qualifie même Oliver Wendell Holmes Sr de "American Montaigne" :

No literary American—unless it be Mr. Lowell, and we should not except even him—occupies precisely the same place as Dr. Holmes in Englishmen's regard. They have the feeling for him which they had for Charles Lamb, Charles Dickens, and John Leech, in which admiration somehow blends into and is indistinguishable from affectionateness... an American Montaigne, a cool, wise speculator on the phenomena of life, in whom a pleasant humour only flavours and makes appetising keen insight and deep reflection. The humour was remarkable, for, like almost all humour which has permanently charmed English (archive.spectator.co.uk - 15th-may-1886 - The american Montaigne).

Le juge à la Cour Suprême, Oliver Wendell Holmes Jr, fils du précédent, n'est qu'un des nombreux admirateurs américains de Montaigne.

Le droit des gens : Gregson et l'esclavage

Already in his Essay on Caniballes (1580), Montaigne had warned his readers against calling barbarous or savage that " which is not common to them." Awareness of the multitude of civilisations, their co-existence and impact on each other will assist in avoiding the fallacy of egocentricity and identification of any particular civilisation with Civilisation as such (Georg Schwarzenberger, The Frontiers of International Law, 1962 - books.google.fr).

En ce qui concerne Montaigne, on lit souvent que "Des cannibales" et "Des coches" ont été écrits pour donner une leçon philosophique et morale au lecteur. Certains critiques ont interprété le fond et la forme de ces deux essais comme une illustration de la vanité et de l'inconstance du jugement humain. D'autres ont interprété les deux essais comme des illustrations du mythe du bon sauvage. Dans tous les cas, Montaigne semble être pris au piège de la "branloire pérenne" de son jugement et de son relativisme culturel, incapable de connaître et de juger les habitants du Nouveau Monde. Les Indiens de Montaigne semblent être relégués au statut de purs et simples êtres de papier sans épaisseur ni réalité. Leur seule fonction serait soit d'enseigner le scepticisme, soit de critiquer la société française de la fin du seizième et de condamner les horreurs de la conquête espagnole de l'Amérique. Les Indiens sont certes idéalisés à plusieurs reprises dans ces deux essais mais il est faux de dire qu'ils ne sont que des prétextes. Montaigne, même s'il n'est pas allé en Amérique, a lu et entendu des récits de voyage et semble parfaitement capable de considérer les Indiens comme des êtres humains, c'est à dire d'en découvrir toute la complexité. [...] Le Vieux Monde et le Nouveau Monde sont barbares. Montaigne dénonce la barbarie des Espagnols au Nouveau Monde, comme on l'a déjà dit, mais il dénonce aussi la barbarie de ses compatriotes et celle des Cannibales (Patricia Gravatt, Montaigne et les "bons sauvages", Bulletin de la Société des amis de Montaigne, 2004 - books.google.fr).

Il est question d'escalavage dans The Heirs of Blackridge Manor d'Henrietta Tindal, des abolitionnistes américains, et de Bristol qui était la capitale du trafic négrier. Et la mention d'un Gregson n'est peut-être pas fortuit.

It is not a spot, but rather an universal tincture with which I am stained. I know no lukewarm, superficial, ceremonious repentance—it must sting me to the quick, it must pierce into my bowels as deep and seize me as universally as God sees into me, before I can call it repentance. — Montaigne. On Repentance

It was past ten o'clock that night when Mr. Walter Scruton, junior partner in that well-known firm of Gregson, Fonnereau, Forbes, and Scruton, bounded up the steps in front of Audleigh House. He was rather a favourite with the peer, who liked to have young and clever people about him, and those with whom he was most perfectly at his ease; he chose his company generally with an eye to his evening entertainment (Henrietta Euphemia Tindal, The Heirs of Blackridge Manor: A Tale of the Past and Present, Volume 2, 1856 - books.google.fr).

The Heirs of Blackridge Manor is a fiction of great power and considerable literary skill, though it argues more cleverness in applying common materials to the writer's purposes than original knowledge of life or a true conception of the art of the novelist (archive.spectator.co.uk - 26th-april-1856).

1846 : Tindal, Acton, Esq. of Aylesbury, married to Henrietta Euphemia, eldest dau. of the Rev. John Harrison, vicar of Dinton (The Patrician, Volume 2, 1846 - books.google.fr).

C'est dans la traduction anglaise du XIXème siècle des Essais que l'on trouve le mot repentance dans le passage sur Alexandre comparé à Lucifer, étoile du matin :

For, as to Clytus, the fault was more than recompens'd in his repentance, and that very action, as much as any other whatever, manifests the sweetness of his nature, a nature most excellently form'd to goodness; and it was ingeniously said of him, that he had his vertues by nature, and his vices by chance (All the Essays of Michael Seigneur de Montaigne, tradduit par Charles Cotton, 1872 - books.google.fr).

...car quant à Clytus, la faulte en feut amendee oultre son poids, et tesmoigue cette action, autant que toute aultre, la debonnaireté de sa complexion 24, et que c'estoit de soy une complexion excellemment formee à la bonté, et a esté ingenieusement dict de luy, « qu'il avoit de la nature ses vertus, de la fortune ses vices »: quant à ce qu'il estoit un peu vanteur, un peu trop impatient d'ouïr mesdire de soy, et quant à ses mangeoires, armes et mors qu'il feit semer aux Indes, toutes ces choses me semblent pouvoir estre condonnees à son aage et à l'estrange prosperité de sa fortune : Qui considerera quand et quand tant de vertus militaires, diligence, pourvoyante, patience, discipline, subtilité, magnanimité, resolution, bonheur, en quoy, quand l'auctorité d'Hannibal ne nous l'auroit apprins, il a esté le premier des hommes; les rares beautez et conditions de sa personne, iusques au miracle; ce port, et ce venerable maintien, soubs un visage si ieune, vermeil et flamboyant;

Qualis, ubi Oceani perfusus Lucifer undâ , / Quem Venus ante alios astrorum diligit ignes, / Extulit os sacrum caelo, tenebrasque resolvit ;

[« Semblable à l'étoile du matin, cet astre que Vénus chérit entre tous les feux de l'Olympe , lorsqu'il sort humide et radieux des eaux de l'Océan,et, s'élevant avec majesté dans les cieux, dissipe, par son éclat, les tenèbres de la nuit». Enéide, L. VIII, v. 589]

l'excellence de son sçavoir et capacité; la duree et grandeur de sa gloire, pure, nette, exempte de tache et d'envie; et qu'encores long temps aprez sa mort ce feut une religieuse croyance d'estimer que ses medailles portassent bonheur à ceulx qui les avoient sur eulx (Essais, II, 36)

Et ailleurs :

Et l'exces de la pénitence qu'il fit du meurtre de Clytus, est aussi tesmoignage de l'inégalité de son courage (Essais II, 1) (Essais de Montaigne, publiés d'aprés l'édition la plus authentique, et avec des sommaires analytiques et de nouvelles notes, Tome 4, présenté par Amaury Duval, 1827 - books.google.fr, en.wikipedia.org - Cleitus the Black).

Ce qui laisse penser à un jeu de mot : Lucy Ferrier / Lucifer.

« Enfin, mon jour était arrivé ! Mes ennemis étaient en mon pouvoir. A deux, ils pouvaient se protéger, mais, en se séparant, ils se livraient eux-mêmes. Pourtant, j’évitai toute précipitation. Mon plan était déjà arrêté. On ne savoure pas sa vengeance si la victime n’a pas le temps de reconnaître son juge ni de savoir par qui elle est frappée et pourquoi. Je m’étais arrangé pour bien faire comprendre au criminel qu’il expiait son péché. (J. Hope)

« Te rappelles-tu Lucy Ferrier ? hurlai-je en fermant la porte et en agitant la clef sous son nez. L’expiation s’est fait attendre, mais elle arrive ! » Je vis ses lèvres trembler. Il m’aurait supplié de l’épargner s’il ne s’était pas rendu compte qu’il ne pourrait pas me fléchir. (J. Hope)

Parler de repentir - et de son corollaire, la repentance, qui se prolonge en la pénitence - vers les années 1580, c'était s'aventurer sur un terrain d'une relative solidité, du point de vue liturgique, où la certitude de la doctrine, récemment établie (Concile de Trente), dans la pratique, des marges d'interprétation. [...] Regret d'avoir manqué au respect dû à un Dieu juste et bon, crainte des sanctions possibles, décision relative à un changement pour l'avenir, et subsidiairement idée de compenser, par une expiation volontaire, les manquements du passé, c'est bien l'ensemble de sentiments qu'une méditation sur le péché commis fait apparaître dans une âme repentante. C'est une attitude que Montaigne connaît bien, et qu'il adopte, de bouche si ce n'est de cœur (Eneas Balmas, Montaigne repentant, Revue d'histoire littéraire de la France, Volume 88,Numéros 4 à 6, 1988 - books.google.fr).

Car ayans l'ame pleine de concupicence, non touchée de repentance, ny d'aucune nouuelle reconciliation enuers Dieu, nous luy allons presenter ces paroles que la memoire preste à nostre langue, et esperons en tirer une expiation de nos faultes (Les Essais De Michel Seignevr De Montaigne, 1602 - books.google.fr).

On peut voir des allusions à l'auteur de Heirs... dans l'Etude en rouge. Le Cerf blanc mentionné près de la rue Henrietta pourrait indiquer Henrietta Tindal qui avait comme pseudonyme Diana Butler, le cerf étant un attribut de Diane chasseresse. C'est l'occasion de noter le jeu de mot français entre cerf et serf.

Hans Makart (1840-1884), Die Jagd der Diana, 1880

A white stag, chased by Diana and her nymphs, has sprung into the water from an overhanging wooded bank; the pursuers are breaking wildly through the trees and holding back their dogs, while Diana, standing high among them, poises her spear for the cast. [...] The “Diana” was bought by an American for his private gallery in 1881, a year after it was painted, but as he died, it had passed the Custom House, it was never unrolled until brought into the room where it now hangs (Hans Makart, His Painting: Diana's Hunting Party: Canvas 30 X 13 Feet, American Art Association, 1887 - books.google.fr).

William Gregson était un florissant trafiquant d'êtres humains de Liverpool dont le succès accompagne la place prééminente que sa ville allait prendre dans ce commerce. Gregson est en cause dans la catastrophe qui met en cause un de ses bateaux, le Zong, en 1781 (James Walvin, The Zong: A Massacre, the Law and the End of Slavery, 2011 - books.google.fr).

Le commandant, Luke Collingwood, constate rapidement qu'une partie de sa « cargaison » est malade. Afin d'éviter que toute la livraison soit perdue, et usant de la réglementation inique alors en vigueur, qui indemnise de 30 livres le sacrifice d'un esclave mais pas la mort d'un esclave des suites de maladie, le capitaine décide donc de jeter par-dessus bord les malades. Une fois la livraison faite, les affréteurs demandent l'indemnisation pour les 112 esclaves sacrifiés. Les procès qui en découlent et qui sont intentés par les propriétaires du navire, qui recherchent une indemnisation de leurs assureurs pour la cargaison d'esclaves perdue, finissent par établir que le meurtre délibéré d'esclaves peut, dans certains cas, être légal. Cette affaire marque un tournant dans la lutte contre la traite des esclaves africains du XVIIIe siècle, inspirant des abolitionnistes comme Granville Sharp et Thomas Clarkson, et conduisant à la création de la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade (« Société pour l'abolition de la traite négrière ») en 1787 (fr.wikipedia.org - Massacre du Zong).

Le nom du collègue de Gregson, Lestrade, peut avoir encore un rapport avec l'esclavage.

La catasta latine est l'estrade où les esclaves à vendre étaient exposés, cf. Pline, Histoire Naturelle, XXXV, 17, 58.

Le terme français d'estrade (du latin strata, chemin, boulevard) en rapport avec l'esclavage apparaît apparemment au XIXème siècle. Auparavant, le terme concerne des puissants morts ou vivants, des gens de guerre ("battre l'estrade" : parcourir la campagne, reconnaissance), ou des comédiens.

Ces préliminaires terminés, le commis ou l'agent chargé de recevoir les enchères, monte avec l'esclave, sur une estrade dont l'élévation permet à tous les yeux de bien voir. Souvent cet homme qui cherche à tirer le meilleur parti de l'objet mis en vente, s'abandonne à un flux intarissable de paroles mêlées de lazzi fort déplacés, dont le nègre fait les frais. Il ne ménage pas les allusions, très-peu voilées d'ailleurs, à certaines qualités physiques de ce dernier; il fait appel aux considérations de la nature la plus basse et la plus dégradante; et l'esclave est, dans ses mains, comme un automate dont il a tous les ressorts, et qu'il fait mouvoir à volonté (Auguste Carlier, De l'esclavage dans ses rapports avec l'union américaine, 1862 - books.google.fr).

Ferrier, Charpentier

Quelques noms français parsèment l'Etude en rouge.

John Ferrier, père de Lucy, mormon malgré lui se fait assassiner lors de sa fuite de Salt Lake City.

Arnaud du Ferrier, professeur de droit, magistrat, diplomate, Montaigne l'avait rencontré plusieurs fois à Venise où il était ambassadeur; il était devenu en 1583, presque octogénaire, chancelier et garde des sceaux du roi de Navarre ; il devait mourir en cette même année 1585, au lendemain du traité de Nemours (Bulletin de la Société des amis de Montaigne, Numéros 9 à 16, 1974 - books.google.fr).

Arthur Charpentier est soupçonné du crime d'Enoch Drebber par Gregson.

Il existe une édition des Essais de Montaigne chez l'éditeur Charpentier et Cie, 1870 (1870) (www.abebooks.fr).

Pour finir

– Ne vous l’avais-je pas dit ? s’écria Sherlock Holmes en riant aux éclats. Voilà tout le résultat de notre Étude en rouge : nous avons décroché pour ces messieurs une décoration !

– Peu importe ! répondis-je. Tout est consigné dans mes notes, et le public jugera. Pour l’instant, contentez-vous de la bonne conscience que vous donne votre réussite, tel le pauvre romain :

Qu'importe leur sifflet quand, enchanté, je contemple / Le spectacle, chez moi, des trésors de mon coffre !

Il s'agit de deux vers d'Horace (Satires I, I) : "Populus me sibilat, ac mihi plaudo Ipse domi simul ac nummos contemplar in arca" (remacle.org - Argent).

Écoutons pour finir ce texte de Nietzsche [...] : « Un esprit fortifié par les guerres et les victoires, écrit Nietzsche, pour lequel la conquête, l'aventure, le danger, la douleur elle-même sont devenus des besoins; une accoutumance à l'air vif des hauteurs, aux marches d'hiver, à la glace et à la montagne dans tous les sens de ces mots; une sorte de méchanceté sublime et une témérité dernière de la vengeance, car il y a de la vengeance, de la vengeance exercée sur la vie elle-même, quand un homme qui souffre beaucoup prend la vie sous sa protection » (Henri Birault, Heidegger et l'expérience de la pensée, 1978 - books.google.fr).

Cela est très proche d'un portrait de Jefferson Hope.

« Porté à un degré exceptionnel de tension, l'homme peut se résoudre aussi bien à une vengeance terrible qu'à un terrible écrasement de son besoin de vengeance ». La seule chose qui compte vraiment alors, c'est que sous l'empire d'une émotion violente, l'homme « veut du grand, du violent, du monstrueux » : il se sacrifiera lui-même et renoncera à se venger s'il trouve qu'un tel sacrifice est plus fort et plus grand que la vengeance elle-même. Il ne cherche donc qu'une chose : « la décharge de son émotion [Entladung seiner Emotion] ; il se peut bien qu'alors, pour alléger sa tension [um seine Spannung zu erleichtern], il empoigne toutes ensemble les lances de ses ennemis et les plonge dans sa poitrine » (Olivier Ponton, Nietzsche, Philosophie de la Légèreté, 2007 - books.google.fr).

La sobriété de la tempérance est aussi celle de Socrate, bien sûr, mais encore d'Horace (qui est avec Montaigne, selon Nietzsche, l'un des « guides » qui doivent nous mener à la sagesse socratique) — Horace à qui Nietzsche associe parfois ses considérations diététiques, et qui représente pour lui un scepticisme gai, teinté d'épicurisme, une légèreté souriante mais lucide, aux antipodes de la sensibilité romantique des Modernes. [...] A Horace, Nietzsche joint souvent Montaigne. [...] Horace et Montaigne représentent ainsi la contribution des sceptiques à l'allègement de la vie : ils nous montrent comment nous libérer du souci (Sorgen los zu werden). Montaigne est l'un des philosophes préférés de Nietzsche, et il y a bien des points communs entre les deux penseurs. Pour ce qui est de la philosophie de l'esprit libre, on a montré l'influence des Essais sur la conception nietzschéenne de la liberté de l'esprit et plus précisément sur Choses humaines, trop humaines (1878-1886) — notamment de l'essai intitulé « De mesnager sa volonté » sur l'aphorisme intitulé « Prudence des esprits libres ». C'est dans cet essai que Montaigne développe l'idée qu'« il se faut prester à autruy et ne se donner qu'à soy-mesme », mais qu'il faut se donner avec modération : « Il y a tant de mauvais pas que, pour le plus seur, il faut un peu legierement et superficiellement couler ce monde. Il le faut glisser, non pas s'y enfoncer » . Et Montaigne de reprendre une image horatienne : « tu marches à travers des feux que recouvre une cendre trompeuse » — métaphore qui s'inscrit implicitement dans un éloge de la superficialité lorsqu'on s'en tient à la surface des choses, on ne se brûle pas. Comme le dit Montaigne, il faut glisser sur une telle cendre, et non s'y enfoncer (Olivier Ponton, Nietzsche, Philosophie de la Légèreté, 2007 - books.google.fr).

Je me sentais joyeux, le coeur léger, et j’imaginai de jouer ce bon tour à la police. Je me souvenais qu’à New York, on avait trouvé le mot « Rache » écrit sur le corps d’un allemand assassiné. Et les journaux de l’époque avaient accusé les sociétés secrètes. Ce qui avait intrigué les New- Yorkais, pensais-je, intriguerait autant les Londoniens ! Alors, je trempai mon doigt dans mon sang et j’écrivis le mot sur le mur bien en vue. (J. Hope)

Sir Arthur Conan Doyle appears to have been one of the early readers of Nietzsche and, in spite of his bourgeois opposition to him, to have modeled both Sherlock Holmes and Prof. Moriarty — Holmes's equal — on him (Geoff Waite, Nietzsche's Corps/e: Aesthetics, Politics, Prophecy, Or, The Spectacular Technoculture of Everyday Life, 1996 - books.google.fr).

Havelock Ellis est la personne qui traduisit en anglais en 1895 la fameuse description de Friedrich Nietzsche à Bayreuth par F. Shuré que Sir Arthur Conan-Doyle pourrait bien avoir pris comme modèle de son génie démoniaque, Moriarty (Vera Frenkel, The Cornelia Lumsden Archive, Museums by artists, 1983 - books.google.fr).

Les liens de Conan Doyle avec l'Allemagne remonte encore plus haut. En 1890, premier médecin anglais à le faire, il se rend à Berlin pour rencontrer Robert Koch (1843-1910), le découvreur du bacille responsable de la tuberculose en 1876.

Mais son goût pour la culture allemande s'annonce plus tôt encore.

After matriculating in 1875, Conan Doyle went to a jesuitan secondary school at Feldkirch in the Austrian Alps to improve his German. There he edited the Feldkirchian Gazette, which carried a presumably fictitious account of a cricket match between the college and town and featured his own highscoring innings. He endured a winter that he found even colder than those he had known in Edinburgh but in the spring he enjoyed walks in the mountains and good Austrian beer, and he developed a taste for German culture (Nigel Cawthorne, A Brief History of Sherlock Holmes, 2011 - books.google.fr).