Partie IX - Synthèse   Chapitre LXVI - La Rose kabbalistique   Echauffour   

Echauffour

Au VIe siècle, aux temps mérovingiens, un saint moine du nom d'Évroult, fuyant les désordres du monde, vint se retirer à proximité dans un lieu écarté de la forêt d'Ouche (aujourd'hui de Saint-Evroult-Notre-Dame-du-Bois) ; les dernières frondaisons de cette forêt s'arrêtaient sur les crêtes limitant au Nord les terres d'Échauffour et descendaient vers le Sud jusqu'au cours de la Risle. Ayant groupé des disciples autour de lui, Evroult fonda un monastère, dont le rayonnement fut très grand dans les siècles suivants, qui posséda un scriptorium dès sa fondation, et dont dépendait un important prieuré situé à Echauffour, au bourg actuel de Saint-André.

Orderic Vital, moine de Saint-Evroult, nomme cette paroisse du nom latin d'Escalfum qui a donné en français Escalfou en 1211 et Eschauffou en 1490. La forme Echauffour n'est attestée qu'ensuite. Les formes anciennes dénotent une prononciation populaire Échaufou. Le récit qu'on vient de lire prouve que le moine de Saint-Evroult comprenait le nom comme une corruption de calcis furnus, "le four chaud", et non de calcis furnus, "le four à chaux", puisqu'il s'agit d'un four à pain. En fait, il est plus probable que le nom d'Échauffour provient de la présence de fours à chaux, qui pouvaient aisément être mis en exploitation à cet endroit par suite de la présence simultanée d'affleurements de calcaire et de combustible fourni par le bois des importantes forêts voisines. Cette étymologie est confirmée par un lieu-dit "le Four à Chaux", sis dans la commune.

Les diables

Un diable

Orderic Vital, vivant à la fin du XIe siècle et au début du XIIe, a écrit une très intéressante histoire de Normandie à son époque. Il raconte dans son livre la très curieuse légende d'où proviendrait le nom même d'Echauffour.

"L'homme de Dieu (Evroult), voyant qu'il ne lui était plus possible de supporter l'affluence des pèlerins qui venaient à lui, prit toutes les dispositions convenables dans son monastère, puis il se retira secrètement et, pendant trois ans, se cacha dans une certaine crypte, si bien que presque aucun de ses moines ne connut son asile, à l'exception d'un seul nommé Malchus, qui était le filleul de l'homme de Dieu et qui, plus intime que les autres, connaissait tous ses secrets. Cette crypte était placée sur le bord d'un ruisseau sous une montagne couverte de bois épais, et était éloignée du monastère de près d'une demi-lieue. Cependant le diable, ennemi de tout ce qui est bien, voyant les moines se livrer aux bonnes oeuvres, s'efforça de les énivrer méchamment du fiel de sa méchanceté, et de les livrer tous également à des troubles criminels. En conséquence, il suscita parmi eux une sédition qui fut si violente que deux des religieux furent tués et que tous les autres furent affligés dune indicible douleur. Le filleul du serviteur de Dieu, voyant cette incurable plaie sur le corps de ses frères, courut en toute hâte vers le médecin qui pouvait la guérir. Dès que le saint homme le vit venir de loin, il comprit que ce n'était pas sans cause qu'il courait si vite, et, venait à sa rencontre, il lui demanda la cause de son arrivée, Malchus lui exposa comment les frères, par l'impulsion du démon, avaient été poussés à la sédition.

Quand Evroult eut entendu ce récit, enflammé du zèle de Dieu, il frémit et accourut en toute hâte avec le messager. En arrivant près du couvent, parvenu au lieu où existe maintenant l'église bâtie en son honneur, toutes les cloches du couvent se mirent à sonner d'elles-mêmes. Il en arriva autant à celles de l'église Notre-Dame et de l'église de Saint-Martin que l'on appelle l'Élégante, et où se réunissait la paroisse dans le lieu que l'on appelle vulgairement aujourd'hui la Bercoterie.

Alors le diable, voyant venir le saint, prit la figure humaine et s'enfuit. Ce que voyant, le bienheureux, il dit à son filleul – "Mon frère, voyez-vous courir cet homme ?". Malchus lui répondit : "Seigneur je ne vois rien". Voici, répartit Evroult, le diable transfiguré sous la forme d'un homme, il prend la fuite, et craint de rester plus longtemps en ce lieu". En disant ces mots, il poursuivit Bélial qui fuyait. Quand il fut parvenu au village que les habitants appellent maintenant Échauffour, Satan, qui n'avait pas le pouvoir d'aller plus loin, fut forcé de s'arrêter. Alors le bienheureux Evroult l'aborda hardiment et le jeta dans un four tout chaud qui était disposé pour recevoir le pain, et en ferma aussitôt la bouche avec l'étoupoir de fer que par hasard il trouva là. C'est depuis cet événement que ce lieu s'est appelé Echauffour (sic)."

La tradition veut que ce nom d'Echauffour provienne précisément des hurlements du diable enfermé dans le four par Evroult, et qui criait : "Est chaud le four! Est chaud le four !".

Le récit d'Orderic Vital ne s'arrête pas là, et il nous dit ensuite comment les femmes qui avaient apporté leurs pains purent néanmoins les faire cuire, et aussi comment Évroult ressuscita les deux religieux qui avaient été tués, les confessa, et leur donna le Corps du Seigneur avant qu'ils ne rendissent à nouveau l'esprit !... (echauffour.chez.com).

Un autre diable

Les historiens connaissent assez bien Robert de Bellême car dans son Historia ecclesisatica, le chroniqueur anglo-normand Orderic Vital parle abondamment de lui. Il détaille ses nombreux méfaits et dresse un portrait diabolique du personnage. Quelques auteurs des siècles passés ont par conséquent surnommé le seigneur de Bellême Robert le Diable, fils aîné de Mabile de Bellême et de Roger II de Montgommery, compagnon de Guillaume le Conquérant.

Aujourd'hui, les historiens de la Normandie soupçonne Orderic Vital d'avoir noirci le portrait et analyse avec prudence le récit du chroniqueur. Ce dernier avait en effet de bonnes raisons pour lui en vouloir. Robert de Bellême s'était à plusieurs reprises attaqué aux biens et aux paysans de l'abbaye d'Ouche, où Vital était moine. Qui plus est, le lignage de Bellême entretenait une haine farouche contre les Grandmesnil et les Giroie, familles fondatrices du monastère.

L’abbaye de Saint-Évroult est une ancienne abbaye bénédictine construite sur ce qui est aujourd'hui le territoire de la commune de Saint-Évroult-Notre-Dame-du-Bois (Orne). Elle est réputée pour avoir été fondée par saint Évroult (mort en 706) sous le nom d’« abbaye d’Ouche », dont on trouve mention pour la première fois dans un diplôme de Charles le Simple en l'an 900 : monasterio que vocatur Uticus, c'est-à-dire d'Utica, du pays d'Ouche. L’abbaye fut restaurée vers 1050 sous le nom de Saint-Évroult par deux familles normandes : les Giroie, les Grandmesnil - Guillaume Giroie et ses neveux Robert et Hugues de Grandmesnil. Ils reçurent le soutien d’abbayes de la Seine telle que l’abbaye de Jumièges (fr.wikipedia.org - Abbaye d'Ouche).

Une grande partie du fonds ancien (150 manuscrits) de la bibliothèque d'Alençon provient des confiscations révolutionnaires faites aux communautés religieuses (le Monastère de la Visitation, le collège des Jésuites, le couvent de Capucins, l'église Notre Dame...) et aux émigrés de la région. Dons, legs, achats ont progressivement augmenté le fonds. Le Ministère de la Culture et de la Communication a numérisé les 85 manuscrits enluminés de la bibliothèque dans le cadre de la campagne de numérisation. La plupart des manuscrits médiévaux proviennent de l'abbaye de Saint-Evroult qui posséda un scriptorium dès sa fondation, en 1050. Nous pouvons citer dans ce fonds ancien prestigieux, une "Biblia Sacra", du XIIIe siècle, le manuscrit "De Fide" (fin XI- début XIIe siècle). Ces ouvrages ainsi que de nombreux manuscrits du scriptorium de l'abbaye de Saint-Evroult sont caractérisés par des "titres en capitales rustiques rehaussées de couleur, initiales historiées et ornées avec des coloris vifs, rouge orangé, vert clair, bleu franc". L'ouvrage le plus ancien est un "Evangile" venant d'un scriptorium breton du IXe siècle, possédant des peintures en pleine page (Manuscrits de l'abbaye de Saint-Evroult).

Hedwige Giroie d'Echauffour est l'ancêtre de Guillaume d'Auvergne au même niveau qu'Edgar Atheling descendant de saint Edgar fêté le 8 juillet.

Pendant les années de la minorité de Guillaume le Conquérant, les Giroie sont en conflit avec les seigneurs de Bellême. Lors du mariage de Guillaume II Talvas (mort ap. 1052), seigneur de Bellême avec Hildeburge, la fille de Raoul V de Beaumont-au-Maine, vicomte du Maine, le marié fait preuve de cruauté envers l’un de ses fidèles, Guillaume Giroie, frère de Robert Ier Giroie. Guillaume est cruellement mutilé : les yeux crevés, le nez et les oreilles coupés, il est émasculé, et rentre à l’abbaye Notre-Dame du Bec puis à celle de Saint-Évroult ; il meurt lors d’un voyage en Italie. On suppose que Guillaume Talvas lui reprochait la construction du château à Saint-Céneri. Quoi qu’il en soit, une terrible vendetta s’ensuit. Les Giroie, ayant perdu les châteaux d’Échauffour et de Montreuil, prennent alors parti pour Arnoul, le fils de Guillaume Talvas et son oncle Yves de Bellême, évêque de Sées. Guillaume Talvas fut alors vaincu et contraint à l'exil.

En 1059, Robert Ier Giroie, allié du comte Geoffroy II d'Anjou, se révolte contre le duc Guillaume le Conquérant, avec l’espoir de retrouver ses châteaux. Il se retrouve assiégé dans son château de Saint-Céneri et meurt pendant le siège. Son fils Robert II Giroie lui succède et combat au côté du duc Guillaume puis de son fils Robert II de Normandie qui lui rend ses châteaux. Cependant Robert II Giroie reprend la lutte contre les Bellême et brûle le château d’Échauffour occupé par les Bellême. Après avoir traité avec le duc, en 1061 il est banni et part en Apulie, dans le sud de l'Italie. À son retour, il ne parvient pas à se faire restituer ses places. Il est semble-t-il empoisonné par Mabile ou (Mabille) de Bellême, fille de Guillaume II Talvas. Le fils de Robert II, prénommé aussi Guillaume, préfère retourner finir sa vie en Apulie. L’un de leurs parents, Hugues Bonnel, les vengera en assassinant Mabille en 1082 (fr.wikipedia.org - Famille Giroie).

Robert de Bellême maîtrisait notamment la poliorcétique. Guillaume le Roux utilisa les compétences de son baron pour la construction du château de Gisors. Robert de Bellême finit ses jours en prison. Il meurt peu après 1130 (fr.wikipedia.org - Robert II de Bellême).

Ce diable de marquis de Sade et sa Rose

Le père de Sade est, par droit d’aînesse, le chef de la famille. Il a deux frères, Jean-Louis-Balthazar, commandeur de l’ordre de Malte, puis bailli et grand prieur de Toulouse, et Jacques-François, abbé commendataire d’Ébreuil. Quatre sœurs vivent en religion. La cinquième épouse le marquis de Villeneuve-Martignan qui fit construire à Avignon le bel hôtel seigneurial aujourd'hui musée Calvet, à l'entrée duquel on peut encore voir le blason des Sade.

Sur le blason de la maison de Sade, l’aigle impérial à deux têtes, privilège obtenu par Elzéar de Sade lors de la visite de l’empereur Sigismond à Avignon en 1415.

Le 29 octobre 1763, soit quatre mois après son mariage, à la suite d'un premier scandale, l'affaire Jeanne Testard, le jeune marquis est incarcéré à Vincennes pour « débauche outrée en petite maison », blasphème et profanation de l'image du Christ. C'est son premier contact avec la prison où il passera près de trente ans de sa vie. Le 13 novembre, il est libéré grâce à l'intervention de son père. Une résidence obligatoire lui est assignée: le château d'Echauffour, en Normandie, appartenant à son beau-père, Claude-René de Montreuil, président à la cour des aides de Paris. La marquise de Sade, Renée-Pélagie de Montreuil, après sa séparation avec le marquis en 1790, résidera au château avec sa fille la plus grande partie de l'année jusqu'à sa mort le 7 juillet, veille du 8, 1810. On peut lire encore aujourd'hui leurs noms gravés sur la pierre tombale, dans le petit cimetière du village.

On apprend, au printemps 1768, qu’un marquis a abusé de la pauvreté de la veuve d’un certain Valentin, un garçon pâtissier, Rose Keller, trente ans, demandant l'aumône place des Victoires : il a abordé la mendiante, lui a proposé une place de gouvernante et, sur son acceptation, l'a entraînée dans sa petite maison d'Arcueil. Là, il lui a fait visiter la maison, jusqu'à l'entraîner dans une chambre où il l'a attachée sur un lit, fouettée cruellement, enduit ses blessures de pommade et recommencé jusqu'à atteindre l'orgasme en la menaçant de la tuer si elle ne cessait de crier. Pour conclure, il l'a contrainte, puisque c'était le Dimanche de Pâques (sans doute Sade n'a-t-il pas choisi ce jour au hasard), à des pratiques blasphématoires.

Pendant sept mois, il est incarcéré au château de Saumur, puis à celui de Pierre-Scize. La plaignante reçoit de l’argent. L’affaire est jugée au Parlement en juin et le roi, à la demande de la comtesse de Sade - le comte étant mort un an plus tôt - fait libérer le coupable en novembre, mais lui enjoint de se retirer dans ses terres (fr.wikipedia.org - Donatien Alphonse François de Sade, www.chateaudemazan.com).