Partie V - Arts et Lettres   Chapitre XL - Section littérature   Conclusion   

L’alchimie sert parfois de référence pour exprimer le travail de l’écriture. Mallarmé écrit dans Autobiographie : « A part les morceaux de prose et les vers de ma jeunesse et la suite, qui y faisait écho, publiée un peu partout, chaque fois que paraissaient les premiers numéros d’une Revue Littéraire, j’ai toujours rêvé et tenté autre chose, avec une patience d’alchimiste, prêt à y sacrifier toute vanité et toute satisfaction, comme on brûlait jadis son mobilier et les poutres de son toit, pour alimenter le fourneau du Grand œuvre. ». Prélude à l’écriture, la lecture, qui « est anthropophagique en ce sens qu’elle est à la fois assimilation et accomplissement du texte autre ou étranger [1]» - elle a de ce fait un aspect eucharistique -, précède toujours l’écriture. Les auteurs précédents servent de modèle, conscient ou non, ou de support. « Par ses pastiches de l’affaire Lemoine, Proust nous fait entendre d’abord que le matériau de l’écriture est toujours d’emprunt et compte peu en lui-même ; ensuite que la littérature n’est pas imitation mais transmutation »[2].

La littérature rejoint l’idée de la pensée hermétiste qui établit une homologie entre microcosme et macrocosme. L’œuvre littéraire est une totalité réalisée par l’écrivain, concurrençant ainsi Dieu qui fit de même avec le monde. Cette totalité a été voulue par certains auteurs, tel Maurice Scève, comme le reflet de l’organisation et du fonctionnement du monde. Le particulier traduit la totalité, ainsi l’analogie romantique établit par Ballanche qui faisait de l’histoire d’un homme, l’histoire de tout le genre humain.

Si les nonagones ont un aspect hermétiste qui s’inspire du platonisme croyant à la réalité des Idées et des universaux, ils recoupent aussi avec Abélard et Durand de Saint-Pourçain des thèses différentes, sans pour autant être complètement contraires. « La littérature, aussi, se meut entre le réalisme et le nominalisme – entre la croyance à la description exacte, à la création d’objets par les mots – et le libre jeu de mots [3]».

 


[1] Emmanuel Fraisse et Bernard Mouralis, « Questions générales de littérature », Seuil, p. 258

[2] Michel Schneider, « Voleurs de mots. Essai sur le plagiat, la psychanalyse et la pensée », Gallimard, p. 71

[3] Paul Valéry, « Tel quel », tome II, Gallimard, p. 66