Partie IX - Synthèse   Chapitre LXIV - Super-étoile (Superstar in english)   Carsac-de-Gurson, 23/24 février   

Carsac-de-Gurson, 23/24 février

Jean de Grailly

Cette section est tirée de l'ouvrage de Henri Buathier : Jean de Grailly, un chevalier européen du XIIIe siècle.

Le 2 janvier 1266, par une lettre de Nottingham, le prince Edouard donna à Jean de Grailly (Johan de Grill), pour sa vie durant, toutes les terres qu'il avait confisquées sur la vicomté de Castillon, y compris le péage de Pierrefite et tout ce qu'il possédait à Langon, tant en péage qu'en territoire ; puis le 10 janvier suivant, le prince Edouard lui donna à perpétuité Benauges et ses dépendances, la ville d'Illats et le salin de Bordeaux. La vicomté de Benauges s'étendait sur la rive droite de la Garonne et le long de l'Euille. Les lieux principaux qui y étaient rattachés étaient: Arbis, Cadillac, Rions, Cantois, Castelvieil, Targon, Sallebruneau plus un grand nombre de paroisses dont: Gabarnac, Ste Croix-du-Mont, Loupiac, St Martin de Sescas, Monprimblanc, Laroque, Escoussan, Soulignac, Montignac et sur la rive gauche Jean de Grailly reçut ou acheta : Captieux, Bernos (sud de Bazas), Origne, Illats, Barsac, Cerons, Virelade, St Morillon, Labrède et une part sur l'Isle St Georges ainsi qu'un fief près de Mimizan en pays de Born ; l'ensemble représentant pas mois de quarante communautés.

La vicomté de Castillon comprenait une douzaine de paroisses : St Florence, St Terre, St Pey d'Armens, St Magne, Ste Colombe, St Genés de Castillon, St Philippe-d'Aiguille, Capitourlan, Belves, Tourtirac, Gardegan, Les Salles. Avec le château de Castillon, il reçut aussi celui de Gurson, dans cette donation, était aussi comprise la châtellenie du Fleix avec Montfaucon et Ponchapt. La châtellenie de Gurson comprenait: Carsac-de-Gurson, Montazeau, St Gerraud, St Cery, St Martin et St Médard. D'autre part il tenait aussi Lamothe-Landerron et Ste Bazeille et avait acquis près de Montflanquin le château de Roquefère. Avec Benauges et Castillon Jean de Grailly contrôlait tout le territoire à l'Est de Bordeaux entre la Garonne et la Dordogne. Ces donations furent confirmées par Henri III le 24 février à Cambridge.

Castillon-sur-Dordogne fut donnée à Jean de Grailly le 24 févier 1267. En 1277, le vicomte de Castillon, écrit au roi Edouard. L'inféodation de 1267 fut renouvelée le 7 octobre 1277 et confirmée le ler octobre 1280.Froissart parle du château de Castillon comme l'un des plus forts de la Dordogne. Jean Picard était châtelain de Castillon le 14 mai 1273, alors que Jean de Grailly était en Terre-Sainte. Il l'était aussi de Gurson en 1273, ce qui tend à laisser penser que Grailly reçut Gurson avant 1277. Il est intéressant de relever qu'en 1303 Jean de Grailly cite dans son testament un valet nommé Thomasin Picard. Pour Benauges, Jacques de Salleneuve était châtelain en 1277 et Jean de St Oyen, un lieutenant de Jean de Grailly en 1282 ; ces deux hommes sont des proches de Jean de Grailly, issus de fiefs voisins de celui de Grilly, dans le pays de Gex.

En recevant Gurson, Jean de Grailly héritait aussi des problèmes qui existaient de longue date entre les comtes de Périgord et les seigneurs de Gurson au sujet des droits de juridiction afférents à leurs domaines limitrophes. Dès 1277, Jean de Grailly était entré en conflit avec le comte de Périgord au sujet de la part de justice que le comte revendiquait sur le dit lieu. L'affaire se termina provisoirement en 1278 par l'acceptation, de la part des deux parties, d'une sentence arbitrale. Cette sentence ne fut qu'une étape car l'accord passé fut remis en question. La querelle dura jusqu'à la fin du siècle. Il y eut des accords successifs en février 1280, en 1282 le 3 mai, en 1284 et le 4 avril 1285 et enfin peu de temps avant la mort de Jean de Grailly, le 15 juin 1300.

Jean de Grailly avait incorporé ces droits à Castillon et avait levé de nouvelles impositions et pour cela était accusé d'avoir usurpé au profit de ses seigneuries de Benauges, Castillon et Gurson, des juridictions, des redevances et des biens qui dépendaient de prévôtés ou de châtellenies royales de St Emilion, St Macaire, de La Réole et de Villefranche-de-Longchapt. Guillaume de Middelton, évêque de Norwich, fut désigné pour présider une commission d'enquête sur les faits exposés ci-dessus, qui déboucha sur un procès dont la sentence fut prononcée à Oloron le 22 juillet 1287.

La commission d'enquête fut composée de personnages importants parmi lesquels on comptait de grands amis de Jean de Grailly : Robert Burnel, évêque de Bath et Wells, Henri de Lacy, comte de Lincoln, Jean de Vesci, Othon de Grandson, Jean de Vaux, Guitard de Boug , Maître Guillaume de la Cornère, conseiller du roi et doyen de Wimborne, Guillaume de Louth, doyen de St Martin de Londres et gardien de la garde-robe du roi Henri de Newark, archidiacre de Richmond, Jean de Lacy, chanoine de Lincoln, Jean Gérard, chanoine de St Seurin de Bordeaux etc ...

Dans la sentence Guillaume de Middleton, devant la cour de Gascogne, déclara que le sénéchal Jean de Grailly avait réuni à la vicomté de Castillon une juridiction des villes de St Macaire et de la Réole et au profit de Gurson la juridiction de Villefranche-en-Périgord. En conséquence, Jean de Grailly était condamné à restituer ce qu'il s'était attribué sans droit et à la confiscation de toutes ses terres et possessions en Guyenne. Ordre était donné aux prévôts ou châtelains de St Emilion, St Macaire, de La Réole et de Villefranche, d'exercer, chacun en ce qui les concernait, tous les droits dus au prince et aux officiers de Jean de Grailly, de ne rien faire de contraire. En fait les limites de la juridiction de Castillon étaient floues et Jean de Grailly avait abusé de ces imprécisions. Edouard Ier reconnut le 7 juin 1289 qu'il était nécessaire de déterminer d'une façon plus nette les juridictions de St Emilion en direction de Castillon et malgré cet arrêté il y eut par la suite de nouveaux et nombreux conflits. Le séquestre des biens de Jean de Grailly était d'ailleurs provisoire et la restitution semblait plutôt liée au remboursement des 3'000 livres tournois qui représentaient sa contribution sur les 70'000 livres tournois avancées au prince Edouard par St Louis en 1270 pour l'aider à financer sa croisade.

Jean de Grailly n'était pas moins considéré comme le propriétaire légitime de ses biens de Gascogne, car le 3 juin, c'est à ce titre que Jean de Havering, le nouveau sénéchal de Gascogne, donna gain de cause à Jean de Grailly dans un procès qu'il avait alors avec le prévôt et les jurats de la ville de Sauveterre au sujet de la justice de Castelvieil et de trois autres paroisses du diocèse de Bazas, 353 d'autant plus que son fils Pierre, qui était son procureur général, avait reconnu, le 4 mai 1289, devoir verser le 19 mai, entre les mains du roi de France, les 3'000 tournois noirs dus par le roi d'Angleterre mais que Jean de Grailly s'était engagé autrefois à payer pour lui. La somme fut payée à l'échéance car le 12 juin 1289, Edouard Ier écrivit à Jean de Havering, son sénéchal, et à Itier d'Angoulème, connétable de Bordeaux, de faire rentrer dans les mains de Jean de Grailly, les droits, propriétés et hommages de la vicomté de Bezaume dans l'Entre-Deux-Mers et d'ailleurs en conséquence de l'arrangement fait entre le roi Edouard Ier et Pierre Ier de Grailly, lequel y avait consenti au nom de son père dont il avait la procuration. Ainsi Jean de Grailly s'était-il retiré de la scène politique et de l'administration du duché de Gascogne.

Il voulut et disposa de donner et attribuer 100 livres de terre à Catherine sa petite fille, fille du seigneur Pierre de Grailly à percevoir sur son péage de Langon. Pareillement il institua la prédite Catherine sa petite fille, fille du seigneur Pierre de Grailly, dans les lieux et châteaux de Gurson, de Le Fleix avec tous les droits, justice haute et basse, hommages, territoire, dominations et pertinences selon ce qui de mieux y est inscrit. A son arrivée en Syrie, à la fin de 1288, la situation des colonies chrétiennes en Terre-Sainte était mauvaise. En plus de la menace des Sarrasins, les chrétiens s'épuisaient en vaines luttes pour des affaires de gros sous. Au printemps de 1289, l'émir Kilaoun se préparait à assiéger Tripoli. Jean de Grailly eut juste le temps de venir au secours de la ville et de s'y retrancher avec les chevaliers du roi de France. Après plus d'un mois de siège la ville, en partie démantelée, subit le dernier assaut des Sarrasins. Jean de Grailly, le maréchal du Temple, le commandeur de l'Hôpital assurèrent la retraite et vinrent se réfugier à St Jean d'Acre. La panique régnait dans le camp des chrétiens. Henri de Lusignan réussit à conclure une trêve de deux ans avec le sultan. Jean de Grailly fut alors envoyé en Europe pour y chercher des secours. Il arriva à Rome le ler septembre 1289 et le 13 le pape Nicolas IV le chargea d'amener 20 galères en Terre-Sainte dès qu'elles seraient prêtes. Le 6 janvier 1290 Jean de Grailly, qui était à Rome, se vit confier le rectorat du comtat Venaissin par le pape qui, par ce moyen, voulait à la fois le récompenser et lui assurer un revenu en attendant que les galères fussent livrées. L'expédition fut prête dans le courant de l'été 1290. Jean de Grailly, qui était en Provence où il recevait au nom du pape l'hommage de Guigue Adhémar de Monte, Grandmaître de la milice du Temple, se mit en route au plus vite. Il passa par la Sicile pour embarquer sur une des galères équipée par le roi Jacques II, puis fit voile vers Saint-Jean d'Acre. Lorsque Jean de Grailly arriva en Terre Sainte, le sultan Kilaoun venait de mourir. Khalid décida de rassembler une grande armée et marcha sur St Jean d'Acre, où, à ce moment là, un grand conseil se tenait dans la cathédrale de Ste Croix. Parmi l'assistance on relevait la présence du patriarche de Jérusalem, de Jean de Grailly qui commandait l'armée du roi de France, de Othon de Grandson qui commandait l'armée du roi d'Angleterre, les grands maîtres du Temple et de l'Hôpital, ainsi que celle des principaux personnages de la ville et un grand nombre de bourgeois. Il fut décidé de partager les 24 heures en 4 parties pour assurer une surveillance et un commandement en permanence. Jean de Grailly s'adjoignit Othon de Grandson, le roi de Chypre fut secondé par le Grand Maître des chevaliers Teutoniques, le Grand Maître des Hospitaliers de Jérusalem avec celui de l'ordre de l'Epée, et enfin le dernier quart par le Grand Maître des Templiers avec celui de l'ordre de St Lazare. Le siège de Saint- Jean d'Acre commença le 5 avril 1291 et le 18 mai la ville tombait aux mains des sarrasins. Othon de Grandson réussit à faire embarquer sur des vaisseaux vénitiens tout ce qu'il avait pu ramener de blessés notamment Jean de Grailly qui avec le Grand Maître de l'Hôpital, Jean de Villier, fut conduit en sûreté à Chypre.

Jean de Grailly qui était de retour en Gascogne au moment de la guerre contre le roi de France se retrouva paradoxalement assiègé dans sa bastide de Cadillac par des Français, alors qu'il était peu de temps auparavant à St Jean d'Acre capitaine pour le roi de France. Sa bastide, dont les murs étaient presque encore inexistants n'insista pas et abandonna le combat. On le retrouva en octobre 1294, au service de Célestin V qui l'avait envoyé en mission en Aragon pour essayer de mettre un terme au différend qu'il y avait entre le roi James et Charles II de Sicile. Puis, au début de l'année suivante il était en Savoie où il reconnaissait tenir en fief d'Amédée, comte de Savoie, tout ce qu'il possédait dans les régions lémaniques.

A la fin de 1297, Jean de Grailly n'est plus recteur; un autre lui a succédé à la tête du Comtat Venaissin. Profitant d'une trêve signée entre la France et l'Angleterre, il se rendit en Gascogne pour y régler ses affaires privées : le 25 janvier 1298 il était à Cadillac pour la vente à Arnaud Bernard du Cros, clerc de Loupiac, d'un emplacement dans la bastide. Le lendemain il est témoin pour un acte de Nicolas de Salleneuve. Un peu plus tard, en été, on le retrouve le 29 juin à Lyon où il y avait grande réunion à la maison du Temple, qui est la maison des Célestins. Guichard de Marzé, l'archevêque de Vienne, le Dauphin etc ... étaient présents. Jean de Grailly figure parmi les témoins cités dans l'acte rédigé à cette occasion. L'année suivante, le 18 février, Jean de Grailly passa un accord avec Hugues de Payraud, Visiteur général de l'ordre du Temple, à propos des limites des juridictions de St Genis du Bois et de Montarouch. Le 30 octobre, il était à Agen pour arrêter le contrat de mariage de sa petite-fille Catherine qui devait épouser Jordanet, le second fils de Jourdain V, seigneur de l'Isle-Jourdain.

Jean de Grailly teste le 6 juin 1303, pour mourir quelques temps après.

L'église du château de Gurson était dédiée aux saints Nicolas et Orice noté Ulrici ou Oricii in castello de Gorson. Il y avait un prieuré du même nom. Par mariage la famille de Grailly endossa le nom de Foix. Jean de Grailly est un ancêtre du roi de France Henri IV. Au XVIème siècle, Montaigne fréquenta assidûment Gurson étant ami de la famille de Foix et de Diane de Foix-Candale, femme de Louis de Foix-Gurson, en particulier.

Le Saint-Siége possédait dans le Périgord, l'église de Saint-Orice de Gorzon. Le pape Calixte II chargea le cardinal Boson et Gérard, évêque d'Angoulême, en qualité de légat, de traiter avec l'évêque de Périgueux, Guillaume d'Auberoche, de la cession de cette église à la congrégation de la Grande-Sauve (Cirot de la Ville, Histoire de l'abbaye et congrégation de Notre-Dame de la Grande-Sauve, Volume 2, 1845).

Testaccio

Le château féodal de Gurson couronnait une motte que Montaigne comparait en hauteur au Monte Testaccio de Rome. Ses puissantes tours dominaient un immense panorama et " commandaient à toute la contrée ".

Le mont testaccio est situé à l'extrémité de Rome, dans cette partie déserte où le libre sort de la ville. Du haut de cette éminence, la vue s'étend sur le cours du Tibre, sur l'ancienne Rome et sur les campagnes environnantes. Le célèbre Nicolas Poussin a reproduit sur ses belles toiles plusieurs perspectives prises de ce point.

De toutes les fêtes de Rome au moyen âge, la première était celle du mont Testaccio, qui s'ouvrait à la fin du carnaval, et dont il ne reste plus aujourd'hui qu'une faible et frivole imitation. Les jours qui la précédaient, chacun des treize gonfaloniers faisait promener par les rues de son quartier (rione), un beau taureau couronné de fleurs, escorté par ses gens qui s'appelaient du nom imposant de connétables (connestabili). On peut remarquer ici la singulière et authentique étymologie du titre des deux premières charges militaire et civile des monarchies modernes, le connétable et le chancelier, qui vient de mots signifiant un huissier et un homme d'écurie. Les connétables romains se faisaient accompagner de portefaix qui recueillaient les jambons, les fromages, les gâteaux, les fiasques de vin et les autres dons offerts par les plus riches habitants. Le dernier dimanche de carnaval, les plus nobles Romains, magnifiquement parés, se réunissaient au Capitole et prenaient pompeusement ensemble la route du Testaccio. Chaque quartier avait sa bannière placée sur un quadrige triomphal attelé de deux chevaux blancs, suivi de dix jeunes jouteurs montés sur des chevaux richement bardés, qu'escortaient six estafliers en brillantes et uniformes livrées. L'honneur du pas appartenait au quartier des Transteverins qui ouvrait la marche. Venaient ensuite les chefs de quartier (caporioni), chacun avec dix estafliers somptueusement vêtus et précédés de tambours et de trompettes; les maîtres justiciers; les réformateurs des études ; les deux juges du sénat; le capitaine d'appel; l'enfant de justice (putto di giustilizia) ; les deux chanceliers du peuple ; les conservateurs et le sénateur qu'escortaient trois cents fantassins avec leur capitaine à cheval. Le cortège se fermait par la foule des gentilshommes romains et étrangers, tous à cheval, en costume écarlate, avec ganse d'or. Dès qu'il était rendu à la prairie du Testaccio, on lâchait de la colline treize chars tirés par des taureaux et dont chacun, outre sa bannière rose, contenait quatre porcs. Aussitôt les jouteurs se précipitaient dessus afin d'enlever les porcs et la bannière. Ils luttaient les uns contre les autres et offraient l'image d'un combat véritable dans lequel il y avait de nombreux blessés et même parfois des morts. Après cette joute périlleuse, commençaient les jeux plus innocents des mâts de cocagne. A ces mâts glissants, auxquels le peuple s'efforçait de grimper, pendaient les comestibles que les connétables avaient précédemment quêtes par la ville. La fête se terminait par la course des chevaux du Testaccio à l'Aventin, et le prix était trente cannes de ce joli drap rose des bannières.

L'assimilation du taureau à Saint-Marc est traditionnelle en Estrémadure. Le pape Paul II - Barbo, au XVème siècle, rapprocha le carnaval du Testaccio de son palais de Saint-Marc. Il y avait à Rome des courses de taureaux " à l'Espagnole ", lors de commémoration de la prise de Cordoue de 1492, ou sous l'influence des Borgia qui donnèrent deux papes.

Le Monte-Testaccio, dont les caves sont renommées par leur extrême fraîcheur, est formé, comme on sait, des débris de cruches antiques (testa) que l'on y a déposés. Quand on se rappelle la population de Rome, il paraît surprenant que tant de débris n'aient pas produit un plus fort exhaussement : la forme des pots les exposait fréquemment à se casser, et comme l'a remarqué Courrier, il faut encore entendre, par le mot latin, nos tonneaux que les anciens ne connaissaient point, malgré la célébrité du tonneau de Diogène, qui n'était peut-être qu'une grande cruche de terre. On doit ajouter que l'usage de ces vases était très commun; qu'indépendamment du vin, ils servaient à conserver l'eau, l'huile, la cendre des morts, ainsi qu'à une multitude d'autres usages. Les tonneaux et les bouteilles d'une ville suisse ou allemande formeraient, je crois, en peu de temps, une butte plus élevée que le Monte Testaccio. Cette colline semble d'ailleurs un emblème assez juste de la Rome moderne, si l'on considère toutes les grandeurs brisées qui viennent s'y réfugier; et elle-même n'est qu'une autre sorte de Testaccio où se rassemblent et s'entassent tous les pots cassés de l'univers.

De cette hauteur, la vue du soleil couchant était admirable. Le Poussin s'en est, dit-on, souvent inspiré, et il était impossible, en la contemplant, de ne pas éprouver le charme rêveur de ses tableaux (Antoine Claude Pasquin Valéry, Voyages historiques et littéraires en Italie ou l'indicateur italien, Volume 4, 1833).

Il faut se souvenir que Montaigne est le seul écrivain moderne dont Poussin mentionne le nom (lettre du 19 décembre 1648) et auquel il emprunte - de mémoire, semble-t-il - une de ses plus belles réflexions : " nous n'avons rien en propre, nous tenons tout à louage " (Jacques Thuillier, Histoire de la création artistique, 1977-1998).

Dans une lettre du 22 juin 1648, où il souhaite faire une nouvelle série des Sacrements plus stoïcienne en réponse à celle de Dal Pozzo, Poussin paraphrase encore Montaigne : " Il n'y a que l'extrême sagesse et l'extrême stupidité qui se puissent exempter [des] tempêtes [de la Fortune], l'une étant au-delà, l'autre en deçà, et ceux qui sont dans la moyenne trempe sont sujets à sentir ses rigueurs ".

Poussin a trouvé dans Montaigne des sujets rares comme celui du Testament d'Eudamidas qui s'inspire de l'anecdote reprise au Toxaris de Lucien, dialogue sur l'amitié. A son lit de mort, le pauvre Eudamidas légua à ses deux meilleurs amis sa mère et sa fille, à charge de nourrir l'une et de doter l'autre : ce qui fut fait et passé en proverbe dans la ville de Corinthe. Le tableau devait connaître une fortune considérable surtout à l'époque néo-classique. Plus encore que Germanicus, il fut copié, gravé, imité. La composition procède de l'extrême onction Chantelou, mais les personnages sont réduits à cinq, placés plus près du spectateur, et le décor est beaucoup plus simple. Il y règne un silence, un air raréfié et oppressant qui s'accorderait avec une date assez tardive, nettement postérieure à 1650.

Nicolas Poussin - Le testament d'Eudamidas

Nicolas Poussin - L'extrême-onction

Collection du Duc de Rutland, Belvoir Castle

Montaigne ne fut pas le seul à s'inspirer de Montaigne. Dans La Tempête, Shakespeare s'inspire directement d'un passage de Montaigne. Une tirade de Gonzalo, à l'acte II, scène I, provient en droite ligne du chapitre " Des Cannibales ", que Shakespeare a lu dans la traduction de John Florio de 1603 et dont il aurait tiré le nom de Caliban (www.societefrancaiseshakespeare.org). Prospero, personnage principal de la pièce tire son nom italien d'un saint évêque de Reggio di Emilia, qui aurait été aussi saint Prosper d'Aquitaine qui permit à saint Augustin de passer à la postérité, fêté (tous les deux) le 25 juin et pour le premier seul le 24 novembre dans le diocèse de Reggio, deux dates superstellaires.

Bon Vieillard

François de Foix-Candale (1502-1594), évêque d'Aire, ami de Montaigne, il prétendait trouver dans Hermès Trismégiste les vérités catholiques fondamentales. Il traduit et comment le Pimandre en 1574. Il fut Evêque après son frère Christophe en1570. Il fit des Commentaires sur Euclide. Commandeur de l'Ordre du Saint-Esprit le 31 Décembre 1587. II fonda une chaire de Mathématiques dans le Collège d'Aquitaine à Bordeaux, fit plusieurs donations à l'Hôpital de cette Ville. On dit qu'il mourut à Bourdeaux en 1594, âgé de 90 ans. M. de Thou qui l'avoit connu et honoré pendant fa vie, dit qu'il mourut dans fon château de Cadillac fur la Garonne. Il fut enterré dans l'Eglise des Augustins de Bordeaux, où Marie de Foix, Sa sœur, lui fit élever une pyramide avec une épitaphe. Scévole de Sainte-Marthe a fait son éloge entre ceux des Hommes de Lettres François. Il était l'oncle de Diane de Foix- Candale femme de Louis de Foix-Gurson qui suit, étant frère de Frédéric de Foix- Candale.

Jeune Mort

Louis de Foix, Comte de Gurson, s'attacha, tout Catholique qu'il était, avec ses frères, au parti du Roi de Navarre. Il était le fils de Germain-Gaston de Foix, Comte de Gurson et de Fleix, Vicomte de Meilles, Marquis de Trans par sa femme Anne de Villeneuve de la famille de sainte Roseline (fêtée le 17 janvier et le 16 octobre). Louis se trouva au combat de Montcrabel, à deux lieues de Nérac, où le Maréchal de Biron défit 3000 Navarrois, et y fut tué avec ses deux frères, le 23 Juin 1580 (ou 21 juillet). Il avait épousé Diane de Foix, fille de Frédéric de Foix, Comte de Candale, qui fit la guerre aux Huguenots dans la Gascogne, malgré l'Edit de pacification de 1564 (François-Alexandre Aubert de La Chesnaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse).

Le combat de Montcrabel (Montraveau, Montcrabeau) entre le Maréchal de Biron et les troupes du Roi de Navarre, perdu par celles-ci à la vue de la Reine Margot qui contemplait son ouvrage du haut des murs de Nérac ; le Maréchal, vainqueur, fit tirer quelques volées de canon de fon côté pour l'obliger à se retirer, affront qu'elle eut peine à lui pardonner, et qu'il eut pu épargner à une femme, à une Reine, à la sœur de son Maître.

Saint Mathias

Anne de Foix, fille de Guillaume comte de Candale, petite-fille de Gaston-Phebus, comte de Foix, et de Madeleine de France, née de Charles VII, épousa Ladislas VI de Hongrie, successeur de Mathias (saint fêté le 24 février) Corvin. Elle meurt le 26 juillet 1506 à Buda. son fils, Louis II (1516-1526), lui succède, mais meurt à la bataille de Mohacs livrée contre les Turcs. Louis II étant mort sans postérité, Ferdinand I, archiduc d'Autriche, revendique le royaume de Hongrie et se fait couronner roi en 1527. Les Habsbourg vont régner sur la Hongrie jusqu'à la fin de la Première Guerre Mondiale (1918).