Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre VII - Sylvestre II et Calixte II   Calixte II   

Quingey est la patrie du pape Calixte II, Guy de Bourgogne, né en 1050. Son père Guillaume dit Tête-Hardie, était comte de Bourgogne, fils de Renaud Ier et d’Alix, fille de Richard II, duc de Normandie. Sa mère Etiennette était de la maison de Vienne. Gui faisait partie d’une fratrie de 9 frères et sœurs qui atteignirent l’âge adulte. Un de ses frères, Hugues, fut archevêque de Besançon, un autre, Raimond, chef de la seconde maison royale de Castille. Ses sœurs firent de beaux mariages, le duc de Bourgogne, le comte de Savoie, le comte de Flandre, le duc de Brabant, le marquis de Montferrat. Guy était même parent de l’empereur du saint Empire Henri V. Hugues et ses autres frères Renaud et Etienne moururent en croisade.

Une légende rapporte que dans sa jeunesse il voua un culte à Saint-Jacques et qu’il parcourut diverses régions pour recueillir ses miracles. La légende raconte encore qu’il fut fait prisonnier de brigands et dépouillé, qu’il fit naufrage, qu’il faillit périr dans un incendie mais qu’à chaque fois il put sauver son manuscrit. Deux visions où lui apparurent saint Jacques et le Christ l’enjoignirent de poursuivre son œuvre. Le pape Calixte II est désigné comme l’auteur du Liber Sancti Jacobi, guide du chemin de Saint-Jacques, appelé aussi de ce fait Codex Calixtinus, par une lettre considérée comme apocryphe qui sert de préface au manuscrit. Le pape Calixte II s’intéressa bien à Saint-Jacques de Compostelle, où il est probable qu’il se rendit en 1108, puisqu’il y transféra le siège archiépiscopal attaché à Mérida et en sacra le premier archevêque, Diego Gelmirez, en 1120.

En tout cas il semble qu’il fut élevé à l’école du chapitre Saint-Jean de Besançon et qu’il en fut chanoine.

Gui fut élu archevêque de Vienne en 1088. Un différend avec saint Hugues de Grenoble révéla son caractère. Revendiquant le pagus de Sermorens, à côté de Voiron, qui à l’époque était une cité importante, il utilise tous les moyens pour arriver au but. Envahissant le territoire convoité, ne reconnaissant pas la décision du légat en faveur de saint Hugues, achetant la cour de Rome pour la faire pencher dans son sens, produisant de fausses chartes pour légitimer son annexion, Gui ira jusqu’à investir le château de Romans où il rencontrait le pape Urbain II, qui s’enfuit sans délibérer, et Hugues pour faire pression. Il faudra la menace armée de Gigues, comte d’Albon, pour le ramener à la raison. Il parviendra en partie à ses fins car le pape Pascal II procédera au partage de la région convoitée. Nommé légat par le pape, il fut envoyé en Angleterre où il fut opposé sans succès au roi Henri Ier et à Anselme de Cantorbéry.

L’archevêque de Vienne réunit en 1112 à la demande de Pascal II un concile afin de statuer sur la querelle qui s’était élevée au sujet des investitures. Pascal II avait été fait prisonnier, en 1111, par Henri V qui l’avait contrait d’accepter que l’empereur puisse accorder l’investiture des évêchés et des abbayes par les insignes religieux de la crosse et de l’anneau. Des protestations s’étaient élevées, surtout en France. Le concile de Vienne déclara, « sous la dictée du Saint-Esprit », que toute investiture donnée par un laïc était hérétique, et que les chrétiens seraient déliés de l’obéissance au pape si celui-ci en jugeait autrement. Pascal II ratifia ces prescriptions en octobre 1112.

En 1117, Pascal II s’enfuit de Rome dans laquelle entrait Henri V qui se fit couronner empereur par Maurice, dit Burdin, archevêque de Braga. A la mort de Pascal, son successeur Gélase II dut aussi quitter Rome à l’approche de l’empereur qui nomma Burdin pape devenant ainsi l’antipape Grégoire VIII. Gélase finira sa vie en France qui lui offre refuge et meurt à Cluny le 29 janvier 1119, recommandant Guy de Bourgogne pour sa succession.

Elu le 2 février et couronné le 9 février 1119, Guy, devenu le pape Calliste ou Calixte II, fut reconnu tel par les cardinaux romains bien qu’il ne fut pas italien et qu’il fut choisi par un petit groupe de cardinaux restés en France. Calixte crut utile de faire un tour de France afin d’assurer son pouvoir. Il fera un passage au Puy, puis à Brioude pour placer le chapitre de chanoines réguliers sous la dépendance directe du Saint-Siège, à Sauxillanges, à Clermont. De retour à Brioude le 2 juin 1119, il est à Saint-Flour le lendemain. En juillet il tint un synode à Toulouse où sa décision la plus importante fut de condamner les doctrines de Pierre de Bruys et d’appeler à ce que les hérétiques soient châtiés par les autorités temporelles. C’est sans doute la première fois que le Saint-Siège prononçait une telle condamnation qui habituellement était du fait des autorités locales. A Toulouse, l’investiture laïque fut une nouvelle fois réprouvée. « Dans l’été de 1119, il continua son tour de France, traversant l’ouest, par Périgueux, Angoulême, Poitiers, Fontevrault, Angers, Tours, Orléans, Etampes, pour arriver à Paris [1]». A Fontevrault, il consacre l’église de l’abbaye, dépose les reliques des saints Félix, Adaucte, Saturnin et Sisinne et de sainte Cécile, et approuve la règle de Robert d’Arbrissel. A Etampes, les chanoines de Saint-Martin et l’abbé de Morigny, à proximité de la ville, étaient souvent en conflit. L’abbé de Morigny obtint le soutien de Calixte II, qui consacra son église le 3 octobre 1119.

De Paris, Calixte se rendit à Reims où un concile devait encore régler le problème des investitures. Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons-sur-Marne, fut l’âme de la négociation. Il avait apparemment obtenu d’Henri V à Strasbourg un préaccord de renonciation aux prérogatives que l’empereur s’était attribuées. Aussi pour finaliser la négociation une entrevue à Mouzon (Ardennes) devait avoir lieu. Calixte se rendit près de cette cité, logeant dans un château du comte de Troyes. Henri V était venu avec une forte armée, ce qui fit craindre au pape la mésaventure qui était arrivée à Pascal II, son kidnapping. Aussi Calixte s’enfuit à Reims et le concile fut clos. Cependant, devant l’opposition qui s’éleva au sein du concile même, Calixte II dut exclure de la condamnation de l’investiture laïque les menus bénéfices dont les titulaires craignaient d’être exclus. Celle-ci était limitée aux seuls abbayes et évêchés.

Au mois de novembre 1119, le pape Calixte II rencontra Henri I Beau Clerc à Gisors au sujet de ce château que le roi d’Angleterre et le roi de France Louis VI le Gros se disputaient. Il réussit à rétablir la paix entre les deux rois. « La France peut jouir pendant un temps très court, il est vrai, des bienfaits de la paix, qui furent dus, il faut lui en faire honneur et lui en savoir gré, à la sollicitude et aux actives démarches de Calixte II [2]». Le pape demanda au roi de pouvoir envoyer en Angleterre un légat permanent. Henri Ier refusa et dit qu’il ne ferait appel à un légat que s’il en avait besoin. « Oderic Vital nous a laissé un récit de cette entrevue où le pape trouva son maître ». Calixte II prend alors la route de l’Italie, faisant ses adieux au roi Louis VI qui avait épousé Adélaïde, fille de sa sœur Gisèle et d’Humbert II de Savoie, à Ferrières.

L’année 1119 est celle de la constitution du groupe des neuf pauvres chevaliers à l’origine de l’Ordre du Temple, date admise par la plupart des historiens.

Au début de 1120, Calixte II prend diverses mesures. Il désigne dans une lettre de janvier le monastère de Vézelay comme spécifiquement dévoué à Marie-Madeleine. De même, cette année là, Calixte II confirme dans ses privilèges l’église Marie-Madeleine de Besançon.

Le pape Calixte II se rend à Mauriac vers 1120 pour régler le différent qui naquit entre l’évêque de Clermont qui fit bâtir dans la ville l’église Notre-Dame, et les moines de l’abbaye Saint-Géraud qui relevait d’un abbé de Sens.

Calixte trouva urgent de faire le voyage d’Italie où il se fit introniser à Saint-Pierre le 3 juin 1120. Puis il fit reconnaître sa suzeraineté dans le sud de l’Italie chez les princes normands qui pouvaient constituer une aide précieuse au cas où Henri V aurait fait une nouvelle descente à Rome. Les Normands ne tenaient pas à ce que l’empereur du saint Empire devienne trop puissant en Italie. Calixte II de retour à Rome prit la décision d’en finir avec l’antipape Grégoire VIII, lâché par Henri V, qui fut  assiégé dans Sutri, pris par les Romains et humilié dans les rues de la Ville dans une grotesque procession.

Tandis qu’à Rome le peuple était calmé par la générosité papale, Calixte voulut poursuivre sa mission de paix en essayant, en vain de réconcilier Guillaume, duc de Pouilles, avec son cousin Roger de Sicile, lors d’un nouveau voyage en Italie du Sud fin 1121 début 1122.

En mars ou Avril 1121, a lieu le concile de Soissons connu uniquement par celui qui y fut jugé à travers son Introduction à la théologie, le philosophe Pierre Abélard. Celui-ci se dit prêt à se rétracter sur tos les points que l’on jugerait contraire à la fois. Le légat du pape, Conon évêque de Palestrina, chargea les ennemis d’Abélard, Raoul, archevêque de Reims, Albéric et Lotulf d’étudier l’ouvrage incriminé. Selon Abélard rien ne fut retenu contre lui, mais ses adversaires firent pression sur le légat, enclin tout d’abord à la clémence, pour qu’Abélard jette au feu le manuscrit et qu’il lise le symbole de saint Athanase. Le concile de Soissons fut alors dissous et Abélard confié à l’abbé de Saint-Médard de Soissons.

La guerre civile qui opposait, depuis de longues années, partisans de l’empereur et ceux de l’Eglise commençait à lasser. Henri V était opposé à Lothaire de Supplinburg, duc de Saxe, qui lui succédera en 1125, et aux pays rhénans. Les temps étaient mûrs pour une paix. Une diète se tint à Wurzburg à l’automne 1121. Les princes ordonnèrent à l’empereur d’obéir à l’Eglise tandis qu’Henri V leur demandait qu’ils fassent en sorte qu’au sujet de l’investiture il conserverait ce qui lui revenait. Les otages étaient libérés, les hostilités interrompues. L’évêque de Spire et l’abbé de Fulda s’en furent à Bénévent où se trouvait le pape qui envoya le 19 février 1122 une lettre au ton amical à Henri V lui rappelant leur parenté. Finalement, une négociation entre Henri V et l’Eglise s’ouvrit à Worms où fut signé un concordat. En Allemagne, l’investiture ne serait accordée que par le symbole laïc du sceptre et non plus par des symboles religieux. Elle précéderait le sacre, ce qui permettait à l’autorité temporelle de retarder celui-ci et donc de faire pression sur les évêques. Le pape accordait au souverain qu’aucune élection, aussi canonique qu’elle fût, ne pouvait se faire à son insu.

Dans les autres territoires de l’Empire, il n’était plus question de la présence de l’empereur, et l’investiture intervenait après le sacre. Les territoires donnés en propre l’Eglise lui étaient rendus. L’empereur avait gardé une grande influence sur les élections, tandis que le pape payait cher la fin du sacrilège de l’investiture laïc par l’anneau et la crosse. Mais Calixte II ne s’adressait qu’à Henri V et ne liait pas l’Eglise à ses successeurs tandis que l’empereur concédait pour une durée infinie. Le pape Innocent II, ne se sentant pas lié par le concordat, nommera d’ailleurs un archevêque à Trèves, Albéron, qui ne sera pas accepté ni investi par Lothaire, en 1132.

Mettant fin - provisoirement, car Frédéric Barberousse la ravivera, - à la Querelle des Investitures, Calixte II, pour célébrer l’événement, réunit au Latran un neuvième concile œcuménique en 1123, le premier à avoir lieu en Occident. Malgré une vive opposition aux concessions du pape, sur la présence de l’empereur aux élections des prélats, le concile approuva le concordat, acceptant de se résigner aux concessions nécessaires. Il fit aussi bâtir une chapelle Saint-Nicolas, qui fut détruite au XVIIIème siècle, dans le palais du Latran, et qui commémorait l’indépendance de l’Eglise. L’abside était décorée de deux séries de peintures : La Vierge Mère sur un trône, couronnée par la main divine, tenant l’enfant Jésus sur ses genoux et ayant une croix dans la main droite : deux anges à ses côtés. A droite saint Sylvestre revêtu du pallium, la tiare sur la tête, un livre fermé à la main et bénissant à la latine ; à gauche, un pape, que l’on dit être Anastase ou un archevêque revêtu du pallium sans tiare et ayant derrière la tête un nimbe à peine visible. Aux pieds de la Vierge, à droite Calixte II agenouillé avec un nimbe carré et à gauche un autre pape que l’on suppose être Anastase IV. Ce qui fait 9 personnes compte tenu de Dieu représenté par la main divine. En dessous l’inscription : Praesidet aetheris pia virgo Maria choreis.

En dessous une autre série de 9 personnages avec au centre saint Nicolas, à droite saint Grégoire le Grand, Alexandre II, Grégoire VII, Victor III et à gauche saint Léon, Urbain II, Pascal II et Gélase II avec un autre texte reconstitué par Pietro Sabino qu’il a placé dans un recueil épigraphique offert en 1495 à Charles VIII :

Sustulit hoc primo templum Callistus ab imo

Vir celebris late Gallorum nobilitate.

Letus Callistus papatus culmine fretus

Hoc opus ornavit variisque modis decoravit

 

Avant sa mort en 1124, il fit ériger l’autel papal à Saint-Pierre de Rome, qui sera recouvert par l’autel visible aujourd’hui au XVIème siècle.

Appelé le Père de la paix par son biographe Pandolphe, fut « une des plus imposantes figures de son temps, un des plus grands papes du Moyen Âge. La Franche-Comté et la France peuvent justement revendiquer pour un de leurs plus illustres enfants le glorieux adversaire de Henri V, Empereur d’Allemagne [3]».

 


[1] E. Jordan, « Dictionnaire d’Histoire et de Géographie écclésiastiques », Librairie Letouzey et Ané, 427

[2] Ulysse Robert, « Histoire du pape Calixte II », Picard, p. 95

[3] ibid., p. 202