Partie XIV - Le Serpent rouge   Le voyage de l’âme   Bélier   
SERPENT ROUGE SCEAU DE PALAJA BELIER

BELIER

« Dans mon pèlerinage éprouvant, je tentais de me frayer à l’épée une voie à travers la végétation inextricable des bois, je voulais parvenir à la demeure de la BELLE endormie en qui certains poètes voient la REINE d’un royaume disparu. Au désespoir de retrouver le chemin, les parchemins de cet Ami furent pour moi le fil d’Ariane. »

Le fil d'Ariane est mentionné dans le Livre VI de l'Enéide, lorsqu'Enée rencontre la Sibylle de Cumes, mais aussi l'épée et les bois obscurs :

Enfin voici l'oeuvre fameuse, le palais aux détours inextricables ; toutefois apitoyé par l'immense amour d'une reine, Dédale triompha des pièges et des méandres de la demeure, guidant par un fil des pas aveugles (vv. 27-30).

Il y avait une caverne profonde, immense, largement béante, rocailleuse, protégée par un lac noir et l'obscurité de bois ; nul oiseau ne pouvait s'y aventurer ni la survoler impunément : tant étaient fortes les effluves émanant de ces gorges sombres et qui montaient jusqu'à la voûte céleste. (vv. 237-241).

« Écartez-vous, restez à l'écart, profanes », s'écrie la prophétesse, « dégagez l'ensemble du bois ; et toi, prends cette route et tire ton épée de son fourreau : c'est maintenant, Énée, qu'il faut du courage, et un coeur vaillant ». Se bornant à ces paroles, en transes elle s'introduit dans l'antre ouvert ; lui règle sa marche sur sa guide qui s'avance d'un pas assuré. (vv. 258-263) (bcs.fltr.ucl.ac.be - Énéide, Livre VI, La Descente aux Enfers, Prélude : Rencontre avec la Sibylle (6, 1-263)).

Si l'on suit les signes vers la droite le Livre XII, dernier livre de l'Enéide, correspond à la Balance. Or le Serpent rouge dit à ce signe : "Commencé dans les ténèbres, mon voyage ne pouvait s’achever qu’en Lumière".

Les bois inextricables rappellent le fronton du confessionnal de Rennes le Château, où un mouton est pris dans un fourré. Le berger a été rapproché de saint Mammès qui a une chapelle à Villeneuve-Minervois, mais dans le secteur du Cancer, et une église à Boutenac près de Lézignan, hors champ, mais dans le secteur de la Vierge.

La reine

L'âme humaine est aussi reine :

Et l'âme, cette reine du corps, plongez-la dans le sommeil, noyez-la dans le vin, ensevelissez-la dans la maladie! De même que l'épée brille par l'usage et se rouille dans le repos, ainsi la voix enfermée dans la gêne du silence, une longue torpeur l'engourdit. Partout la désuétude enfante la paresse; la paresse enfante la léthargie (Apulée, Les Florides, Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle, Oeuvres complètes: avec la traduction en français, Éditeur J.J. Dubochet [et compagnie,], 1843 - books.google.fr).

La division platonicienne de l'âme en trois parties, rationnelle, irascible et concupiscible, avec ses trois sièges, retient aussi l'attention de Nicolas de Cuse (Nikolaus Cancer Cuzsa) ; il remarque que l'âme est la reine du corps, que l'homme est tout entier dans la tête, que l'esprit sain quand les appétits irascible et concupiscible sont gouvernés par la raison, et que l'homme parfait est celui dont l'âme et le corps s'unissent, se conviennent et s'entendent parfaitement (Edmond Vansteenberghe, Le cardinal Nicolas de Cues: (1401 - 1464) ; l'action - la pensée, 1974 - books.google.fr).

L'ouvrage dans lequel Lactance traite de l'origine de l'âme est le traité qui a pour titre: «De Opificio Dei.» Ce livre, un des premiers peut-être qu'il composa après son entrée dans le Christianisme, est surtout dirigé contre la philosophie de l'époque. C'est à la fin de son livre, vers le chapitre dix-septième seulement, qu'il aborde la question relative à l'âme, et il la traite aussi rapidement qu'il a étudié en détail l'organisme humain. Voyons d'abord quelle est d'après lui la nature de l'âme. «Il faudrait n'avoir point d'âme, dit-il, pour ne pas savoir que sa nature est incompréhensible; on ne sait en effet ni où elle est, ni ce qu'elle est... Quelques-uns prétendent qu'elle est dans l'estomac; si cela était vrai ce serait sans doute une étrange rencontre, qu'une si brillante lumière fut renfermée dans un lieu si ténébreux. Elle doit plutôt être répandue par tout le corps puisque tous les sens lui rapportent ce qu'ils ont senti. D'autres l'ont placée dans le cerveau, ce qui me semble n'être pas très-éloigné de la vérité; car qu'y a-t-il de si à-propos que de placer l'âme qui est la reine du corps, dans la tête qui est la partie la plus élevée, comme Dieu qui est le souverain de l'univers est dans le ciel ? (Charles Muston, L'origine de l'âme d'après Tertullien, Origène et Lactance, 1868 - books.google.fr).

Si l'âme est la "reine", alors le royaume disparu est le corps perdu d'un personnage, mais de qui ?

Le pélerinage

On peut donc appeler le voyage d'Enée un pèlerinage, à condition de ne pas considérer le pèlerin comme celui qui reconnaît des lieux sacrés, et satisfait à un rite rendu opératif par son seul accomplissement, mais comme celui qui utilise le cheminement rituel comme un instrument destiné à parfaire sa propre maturation spirituelle ; de même, l'espace géographique qui entoure Enée s'intègre dans une dialectique de sa progression héroïque [...]. Le Voyage : Le cadre fondamental dans lequel se situe cette progression est le voyage d'Enée. (Joël Thomas, Structures de l'imaginaire dans l'Énéide, 1981 - books.google.fr).

Le terme de "pélerinage" conviendrait bien à Notre Dame de Marceille, mais celle-ci ne se trouve pas dans ce secteur du Bélier.

Le lieu : Villepinte

Mais y est la cité de Villepinte avec son pélerinage de Notre Dame de La Ronce ou de Romenguière : Roumigière (f.) fr. de l'occitan romigier, romigiera, lieux envahis de ronces (romege), d'où bois inextricables. Il existe un Notre Dame de Roumigière à Manosque.

Villepinte portait le nom d'Aricia comme la ville d'Italie près du lac de Nemi. En est resté le nom de la rivière qui traverse le territoire du nord au sud : l'Arize.

C'est vers la fin du XVème et au début du XVIème siècle que l'église a été transférée à son emplacement actuel, hors de l'ancienne enceinte fortifiée et sur l'emplacement d'une chapelle rurale d'origine romane dédiée à Notre-Dame conservée et englobée dans le nouvel édifice flamboyant (www.villepinte11.fr).

Les nouveaux hôtes des Gaules trouvèrent dans notre territoire une belle forêt de pins, des monticules et de gracieux vallons ; peut-être même ces nouveaux venus étaient des citoyens de l'Aricia du Latium. Ne savons-nous pas que les Celtibères, venus de l'autre côté des Pyrénées, ont donné à Carcassonne, à Alet, à Bessède-de-Sault, le même nom de leur patrie propre, que la seconde guerre punique les força d'abandonner. Est-ce pécher contre la vraisemblance en disant que l'Aricia de la Gaule Narbonnaise fut fondée par les Romains de l'Aricia du Latium , soldats des cohortes romaines! Mais nous avons bien d'autres preuves pour rassurer le lecteur. Nous retrouvons dans notre Aricia tout ce qui se rattache au culte de Diane; bien plus, nous avons encore conservé jusqu'au nom de la déesse des chasseurs dans notre langage ordinaire; le bois des pins était là-mème sur ce monticule que nous appelons Montpénéri ou Montpénédi, Mont des Pins; Montilla , le point culminant de ce même monticule est la montagne à'Ithylia, nom donné à Diane, sous lequel elle était connue dans tout l'empire Romain; le bois sacré est borné à l'est par un ruisseau qui s'appelle Gatsaout, Gatsaout formé de ces deux mots Hecatœ saltus , bois d'Hécate. La théogonie payenne confondait souvent Diane avec Hécate ou Proserpine, selon qu'on la prenait pour la lune ou pour la déesse de la nuit. Enfin, nous retrouvons le nom même d'Aricia dans le nom de l'Arize laissé au petit cours d'eau, qui mouille le faubourg de Villepinte, à l'est du lieu.

C'était principalement à Aricia, lieu d'Italie, assez près de Rome, que se faisait cette fête : il y avait là un temple et une forêt; on appelait cette Diane : Diane Aricine ou des bois; Diana Aricina ou Nemorensis ». Ce que l'Antiquité expliquée nous dit du temple d'Aricia, en Italie, ne peut que s'appliquer au temple de notre Aricia. Dès qu'il a été constaté que notre Aricia était consacré à Diane, que la déesse de la chasse y avait son bois privilégié, qui porte encore ces deux noms d'Ilithia et d'Hécate, il devient aussi certain que cette divinité était représentée, comme nous venons de le voir, assise à l'ombre d'un arbre, d'une romenguière, si l'on veut, suspendant pour un jour ses courses continuelles , couronnant les chiens qui l'avaient bien servie. L'arbre dont il est ici parlé, et qui est représenté dans le Médaillon 150, nous l'appelons, nous, Romenguière. Cette dernière élocution ne pouvait avoir sa place dans un article de science, comme celui de l'Antiquité expliquée. Dans le langage roman la ronce s'appele Roumec, Arroumec; l'assemblage ou massif d'Arroumecs, Roumenguière.

Les moines de Sorèze parurent à Villepinte dans le courant du septième siècle : c'est l'opinion des savants éditeurs de la Gaule chrétienne, que le célèbre monastère des rives du Sor fut fondé environ vers ce temps. Ce que nous avons dit plus haut des habitudes propres au peuple visigoth confirme cette opinion. Les religieux trouvèrent à Aricia des ruines, des pratiques d'idolâtrie et de superstition. Cette contrée leur était donnée en propriété par les Ducs d'Aquitaine, régnant à Toulouse. En relevant les ruines d'Aricia, il fallait en même temps dissiper les vestiges du paganisme ; ils donneront à Aricia un autre nom; ils offriront à leurs vassaux qu'ils amènent à la connaissance du vrai Dieu un objet plus digne de leur piété et de leur culte ; à l'avenir, Aricia s'appelle Villepinte ou ville des Pins. Son église est mise sous l'invocation de saint Jean-Baptiste, précurseur du fils de Dieu fait homme, le père et le modèle des cénobites. Diane, la vierge du paganisme, fait place à tout jamais à la Vierge par excellence; sur les ruines de son temple s'élève le sanctuaire de la douce, de la divine Marie; ils plantent à son sommet la ronce, la romenguière qui abritait la déesse de la nuit (Abbé Astre, Sanctuaire de N.D. de la Romenguière à Villepinte, 1868 - books.google.fr).

Le mois de novembre étoit consacré à Diane, et cependant on ne célébroit pas de fêtes à cette Déesse pendant ce mois. On célébroit sa naissance le 7 Avril, avec celle d'Apollon. On célébroit une autre fête dans son temple du mont Aventin le 31 Mars. Le jour des Calendes de Février lui était également consacré, enfin le jour des Ides d'Aoust (13), on célébroit une fête à Diane, au bois Aricien (Jean-Pierre-Louis Beyerlé, Calendriers de Rome ancienne et moderne, 1798 - books.google.fr).

Le 15 août était la fête de Notre Dame de Romenguière. Mais le 7 avril et le 31 mars, autres fêtes de Diane, sont dans le Bélier.

Aricia est une très-ancienne ville d'Italie, dans le Latium, au pied du mont Albain, sur la voie Appienne. Les habitans d'Aricie se distinguèrent parmi les ennemis de Rome naissante. Cette ville fut moins considérée pour elle-même, que pour le culte qu'on y rendait à Diane, dans un bois sacré éloigné de deux milles d'Aricie. Le prêtre de la déesse était un esclave fugitif; il ne le devenait qu'en tuant son prédécesseur, et il était obligé d'avoir toujours l'épée à la main pour prévenir les coups d'un autre esclave qui aurait entrepris de lui arracher son sacerdoce avec la vie. C'était-là aussi qu'étaient le bois et la fontaine de la déesse Egérie, avec laquelle Numa fit accroire qu'il avait des entretiens secrets, et à laquelle il faisait honneur des lois qu'il donnait aux Romans. Aricia est aujourd'hui Lariccia (Helliez, Géographie de Virgile, augmentée de la Géographie d'Horace, ou Notice des lieux dont il est parlé dans les ouvrages de ces poëtes, 1820 - books.google.fr).

L'épée du BELIER trouve son pendant dans celui du futur prêtre de la Diane de Nemi.

Virgile mentionne la nymphe Aricia, femme d'Hippolyte, qui donna son nom à la ville, cependant dans le Livre VII (vv. 761-764), et non VI associé au Bélier : "Ibat et Hippolyti proles pulcherrima bello, / Virbius; insignem quem mater Aricia misit, / Eductum Egariœ lucis, humentia circum / Littora, pinguis ubi et placabilis ara Dianœ." La fable d'Hippolyte est assez connue (Oeuvres complètes de Virgile, annotées par M. Villenave, 1834 - books.google.fr).

Iphigénie ayant reconnu dans la Chersonèse Taurique son frère Oreste, lorsqu'elle était sur le point de l'immoler, convint avec lui de se sauver après avoir tué Thoas, roi du pays, et d'emporter la statue de Diane. Elle fut déposée, dit-on, dans le temple d'Aricie, bâti sur le bord du lac Trivius Lacus, lac de Diane d'Aricie, aujourd'hui Lago di Nemo.; ce qui le rendit singulièrement respectable à tous les peuples du Latium. On n'immolait point de victimes humaines à Diane d'Aricie. Son culte n'était dangereux que pour le prêtre qui y présidait, et qui, quoiqu'esclave fugitif, avait le nom de roi. Le bois sacré qui entourait le temple était aussi fort respecté, dans l'idée où l'on était qu'il avait servi de retraite à Hippolyte, fils de Thésée, à qui Diane avait rendu la vie par l'art d'Esculape, et donné le nom de Virbius. C'est pourquoi, dit Virgile, on ne laissait approcher de ce bois ni chevaux ni char ; ç'aurait été rappeler le souvenir de la fin tragique d'Hippolyte. Son fils, appelé aussi Virbius, n'en etait pas moins ardent à pousser ses chevaux fougueux dans la plaine, lorsqu'il se joignit à Turnns, roi des Rutules, contre Enée (Helliez, Géographie de Virgile, augmentée de la Géographie d'Horace, ou Notice des lieux dont il est parlé dans les ouvrages de ces poëtes, 1820 - books.google.fr).

A peu de distance du lac de Cartel Gandolfo, est celui de Nemi. Tous deux paraissent avoir été produits par d'anciens volcans; et ce qui confirme cette conjecture, c'est qu'ils ont la forme d'entonnoirs, et que leur bords sont couverts de lave. Le lac de Nemi a 4 milles de tour: ou croit que Virgile en parle dans ces vers : ...Contremuit nemus et silvœ intonuere; Audiit et Triviœ longe lacus. Ce lac est appelé par les anciens Aricinum, Lacus Triviœ, speculum Diana; etc. Il y avait sur ses bords un fameux temple de Diane, élevé dit-on par Oreste et Iphigénie, et un bois consacré à cette déesse (Nouveau guide du voyageur en Italie, 1829 - books.google.fr).

J. G. Frazer note dans le Rameau d'Or (1911) : "Dans l'enceinte du sanctuaire de Némi se dressait un certain arbre dont aucune branche ne devait être cassée. Seul, un esclave fugitif avait le droit, s'il le pouvait, de briser un de ces rameaux. Le succès de sa tentative lui permettait d'attaquer le prêtre en combat singulier ; s'il parvenait à le tuer, il régnait à sa place, sous le titre de Roi du Bois (Rex Nemorensis) (Renée Koch Piettre, Oreste un héros grec dans la religion romaine, Manières de penser dans l'antiquité méditerranéenne et orientale: mélanges offerts à Francis Schmidt, 2009 - books.google.fr).

Frazer compare ce rameau du Bois de Nemi au Rameau d'Or dont Enée s'empare au Livre VI de l'Enéide lors de sa visite à la sibylle de Cumes. Ce qui permet de relier le rameau d'Aricie au livre VI de l'Enéide.