Partie IX - Synthèse   Chapitre LXVII - Axes nonagonaux   26 novembre : La Salette ou le roi à venir   
NONAGONES 26 27 NOVEMBRE SALETTE SATOR ROI A VENIR

La Salette Fallavaux se trouve sur un axe nonagonal du 26 novembre, sur le côté du grand nonagone Le Patchalet – Ferrassières, et Corps sur un axe du 27 novembre. Fallavaux possède la chapelle Saint-Sébastien, patron de la paroisse et de la confrérie des jeux de l’arc en Dauphiné, invoqué contre les épidémies de peste, et la chapelle Notre-Dame des 7 douleurs. Saint-Sébastien existait déjà en 1685.

Valbonnais se trouve aussi sur un axe du 26 novembre.

Huriel, proche du centre des nonagones, se trouve sur plusieurs jours dont le 26 et 27 novembre (Arsène Lupin et la Croix d’Huriel : Les soeurs Archignat, Arsène Lupin de Maurice Leblanc : Arsène Lupin et la Croix d’Huriel : La Demoiselle aux yeux verts).

La Salette-Fallavaux : 734 habitants au recensement de 1846, un bout du monde entouré de hauts sommets. Ce chapelet de hameaux, deux communes depuis peu fusionnées, est relié à Corps et au monde par quelques kms de mauvais chemin muletier non carrossable, et près de 1000 m de dénivellation : Corps (Isère), dans la vallée du Drac, 1451 habitants en 1846, est un gros bourg-étape sur la route Grenoble-Gap, tout près de la limite départementale avec les Hautes-Alpes (Lengas, Numéros 29 à 32, Université Paul Valéry. Centre d'études occitanes, 1991 - books.google.fr).

Le 27 novembre, c'est-à-dire deux mois et quelques jours après l'Apparition, le bourg de Corps fut témoin d'un spectacle bien édifiant. 1.500 personnes de toutes les paroisses voisines, que ni le froid ni la neige n'ont pu arrêter, se trouvent réunies sur le lieu de l'apparition. Une heure durant, malgré les intempéries de la saison, elles y demeurent, priant et chantant les louanges de la Reine du Ciel. Mais la nouvelle s'était déjà propagée partout. Dès le printemps suivant, de pieuses personnes, des caravanes même, accourent de tous les points de la France à la sainte montagne. De ces premiers pèlerins, le plus illustre est Mgr de Villecourt, évêque de La Rochelle, depuis cardinal. De retour dans son diocèse, il rend un éclatant témoignage du miracle de la Salette, en racontant lui-même l'événement du 19 septembre (Arthur Loth, Le miracle en France: ouvrage illustré de nombreuses gravures, 1894 - books.google.fr, Annales de Notre-Dame de la Salette, 1866 - books.google.fr).

Le 19 septembre 1851, l’Evêque de Grenoble, Mgr Philibert de Bruillard, fait paraître un mandement : "L'apparition de la Sainte Vierge à deux bergers sur la montagne de La Salette [...] porte en elle-même tous les caractères de la vérité et que les fidèles sont fondés à la croire indubitable et certaine", autorisant dans le même temps le Culte de La Salette. Le 1er mai 1852, on annonce la bénédiction solennelle de la première pierre du Sanctuaire qu’on entreprend de bâtir sur la montagne de l’Apparition. Le même jour, l’Evêque de Grenoble institue la communauté des Missionnaires de Notre-Dame de la Salette, destinés à être des gardiens du pèlerinage, et à faire connaître les enseignements de la divine Messagère. En 1855, Mgr Ginoulhiac, évêque de Grenoble, après une nouvelle enquête, confirme la décision de son prédécesseur, tout en déclarant : "La mission des bergers est finie, celle de l'Eglise commence" (Le sanctuaire de Notre Dame de la salette - www.villedecorps.fr).

Le patron de la paroisse de Corps est saint Eldrad (Heldrad), abbé de Novalaise (Piémont) au IXème siècle, natif de Provence (Lambesc) ou d'Ambel, commune à côté.

Lorsque Charles Martel divise la France entre ses grands capitaines après la bataille de Poitiers en 732, le territoire d'Ambel et de Corps est adjugé à un noble Seigneur de Provence, dont le petit-fils allait devenir célèbre : Saint Eldrade, né entre 785 et 790, abbé de Novalaise en Italie de 816 à 845. Saint Eldrade, d'après une biographie écrite en prose vers 1120 par un moine italien, "fit bâtir au lieu de sa naissance à Ambel, une grande et magnifique église en l'honneur du prince des apôtres Saint Pierre, et la dota de riches ornements". Près de cette église, il fit construire de nombreuses cellules pour y recevoir les pauvres et loger les malades nécessiteux. A la fin du XVème siècle, un évènement important va faire entrer Corps dans la grande histoire. Le roi Charles VIII part en conquête de l'Italie. Sur son passage, il assiste alors avec son armée à une messe à Corps, et repart pour franchir les Alpes. Le 26 Février 1815, Napoléon quitte l'île d'Elbe sur l'Inconstant et aborde à Golfe Juan. Pour éviter les troupes de Marseille, Napoléon décide de rejoindre Grenoble en traversant les Alpes par Digne et Sisteron. Venant de Gap, la colonne composée de 10000 personnes arrive à Corps tard dans la nuit du 6 Mars 1815. Napoléon loge à l'Hôtel du Palais à l'entrée du bourg (www.villedecorps.fr).

Bien que lui-même n'ait pratiquement rien publié, nous voulons mentionner ici le nom de J.-A. Bossan, membre de la communaute naissante des Missionnaires de la Salette de 1856 a 1868, puis cure de campagne, car ses travaux sont a l'origine de plusieurs oeuvres importantes publiées par d'autres chercheurs. Bossan transcrivit avec une exactitude scrupuleuse une quantité énorme de paroles et de faits. Lui-même ne fut pas le témoin direct des premiers interrogatoires qui avaient suivi l'apparition, mais il eut le souci de questionner les personnes mêlées aux évènements et de mettre à contribution toutes sortes de sources possibles, orales, manuscrites et imprimées. Ses recherches portèrent à la fois sur l'apparition, dont il parvint à recueillir une trentaine de relations, et sur ses suites : guérisons, culte, pélerinages, etc. Il eut le souci de distinguer le sur du probable, d'indiquer avec précision dates, noms propres et références. La documentation réunie par cet enquêteur acharné et consciencieux l'emporte sur celle des autres historiens qui écrivirent sur la Salette au dix-neuvieme siecle et reste précieuse encore de nos jours, en raison de la multitude et de l'exactitude des renseignements qu'on y trouve. Elle dépasse de très loin celle publiée en 1889 par I. Bertrand (A-115) (Jean Stern, La Salette: Bibliographie, Marian Library Studies, Volume 7, Article 3, 1975, p. 276).

Le carré SATOR ou l'ouverture

Dans l’article des Affiches rapporté ci-dessus, «l’inscription de Valbonnais est du XVe et ornait la maison de justice, qu’elle était censée protéger contre les atteintes de l’incendie», sous la forme ROTAS avec un N inversé. Michel Kosa, érudit et historien local, le confirmait : «Le carré magique de Valbonnais, gravé dans un bloc de gneiss, date du XVe siècle et il a été retrouvé dans la maison de justice, au nord de la place du marché dont il reste encore quelques ruines visibles...». Quelles sont ses sources ? Au XVe siècle, le quartier du Marché était nommé Marechantz (marécage) et en 1723, il était encore un quartier important de Valbonnais avec ses 19 feux. Le guide pittoresque et historique de Fissont & Vitu, paru en 1856, affirme que «Sur une maison, au N. de la place de la fontaine et de la croix, on remarque ce jeu de lettres palindrome en tous sens». Nous sommes au sommet de la Vie Close, au nord de l’actuelle route principale. Non loin de là, un petit sentier monte vers l’ancien cimetière et la vieille église des Nicolos. En 1925, L. Caillet dans La Mure d’Isère et ses environs, écrit : «Au milieu du bourg, on verra au-dessus de la porte d’une maison privée la curieuse enseigne suivante (d’un charron ?) que l’on peut lire dans les quatre sens». René Reymond dans son livre Enigmes Curiosités Singularités... paru en 1987 apporte des précisions : «...sur cette place, au-dessus de la porte d’entrée d’une belle maison qui était autrefois la boutique d’un artisan, que se trouvait alors le «carré magique »... Cette maison était presque démolie en 1930. Dans sa cour intérieure on pouvait voir, gravée sur le fronton d’une porte, la date : 1728». Cet auteur écrit encore : «D’après la forme des lettres encadrées de volutes renversées, Gaston Letonnelier date cette figure de la fin du XVIIe ou du début du XVIIIe siècle... Nous ignorons quand et pourquoi cette inscription a été gravée et scellée à Valbonnais».

L’inscription, aujourd’hui disparue, sur le chambranle de l’ancienne cure des Nicolos, quartier de Valbonnais, reste énigmatique : GIROA UMBERT ME FECIT, comme à Rochemaure qui possède aussi son carré mais SATOR et non ROTAS. Etait-elle associée primitivement à un vieux carré magique, gravé sous sa forme ROTAS, dans une pierre calcaire qui n’aurait pas résisté au temps et plus tard, au XVIIe ou XVIIIe siècle, ressuscitée sous la forme de lettres encadrées de volutes renversées et sculptée pour l’éternité dans la froideur d’un bloc de gneiss ? Il suffit de regarder attentivement l’actuel carré magique, sis dans le bourg de Valbonnais, pour se rendre compte qu’il ne correspond pas à la description faite par Pierre de Gembloux en 1837, affirmant qu’il est «surmonté d’une roue kaballistique, que les sigles ne sont point encadrés, qu’il est gravé sur pierre calcaire...». (Patrimoine et Paysages de Valbonnais - ppv38.pagesperso-orange.fr).

Valbonnais est dans le Sagittaire, signe où se déroule l'oeuvre au noir qui commence dans le Sceau de Palaja au Scorpion, et dans la Croix d'Huriel à Rochemaure (L’étoile hermétique : Alchimie et Astrologie, La Croix d’Huriel et l’alchimie : Triple correspondance : chemin de croix, oeuvres alchimiques et voyage de l’âme).

Le carré de 5 (25 cases) est associé au fer, à l'acier qui "ouvre" pour tirer la matière première.

D'une manière plus frappante, pour l'alchimiste, tout intérieur est un ventre, un ventre qu'il faut ouvrir. Un auteur écrit : «Ouvre le sein de ta mère avec la lame d'acier, fouille jusque dans ses entrailles, et pénètre jusque dans sa matrice; c'est là que tu trouveras notre matière pure, n'ayant encore pris aucun teinture du mauvais tempérament de sa nourrice» (Le traité d'Alchymie te le Songe verd). L'anatomie de ce minéral mystérieux qui « a le même volume que l'or» s'accompagne parfois d'un discours de séducteur. «Ouvre lui donc les entrailles avec une lame d'acier, et sers-toi d'une langue douce, insinuante, flatteuse, caressante, humide et ardente. Par cet artifice tu rendras manifeste ce qui est caché et occulte». On le voit, l'alchimiste, comme tous les philosophes valorisateurs cherche la synthèse des contraires : par l'acier et la langue, par l'eau et le feu, par la violence et la persuasion, il atteindra son but (Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique: contribution à une psychanalyse de la connaissance, 1993 - books.google.fr).

Ouvrir le ventre, le corps (cf. la commune de Corps à proximité de la Salette).

Le carré SATOR admet une interprétation, issue des livres de Gérard de Sède, qui fait la part belle à la notion ouverture, et au dieu Baal (cf. Baalon près de Stenay). La notion de trangression est liée, ouverture vers la réalisation des possibles pas toujours autorisées par des "autorités" décidant du "bien" et du "mal" (Autour de Rennes le Château : Stenay et Dagobert II : transgression du possible, et pet sur la terre).

In the Latin countries, one should mention the romance of Perceval where the hermit named Trevizrent — that is "threefold knowledge" — reveals the history of the Graal. Modern research has suggested a possible origin of the word "Graal" in the Greek krater (bowl), referring to the Bowl of Hermes of which the Corpus Hermeticum makes mention. Among the Saracen gods there is, moreover, a "Tervagant" who has been identified as our "Hermes ter maximus," and who appears notably in the Mystery of Barlaam and Josaphat (sixth century) (Antoine Faivre, Eternal Hermes: From Greek God to Alchemical Magus, 2000 - books.google.fr).

Le roi à venir

Barlaam et Josaphat sont fêtés dans le calendrier (Pétin) le 27 novembre.

Dans Barlaam, temps profane et temps païen (diabolique) ne font qu'un. D'une prophétie, le père de Josaphat — au symbolique nom d'Avenir — apprend que son fils est destiné à devenir chrétien. Pour déjouer ce destin, Avenir enferme le jeune homme dans un château, afin que Josaphat ne puisse «voir de ce monde (siecle) aucun signe de dégradation, nulle tristesse, maladie, vieillesse ou pauvreté, mais uniquement joie et plaisir» (464 sq.). Voilà bien le temps des contes de fées temps irréel qui oblitère les choses de la vie terrestre, qui efface, artificiellement, ce cheminement vers la mort sur lequel repose l'existence (639 sq.). La logique d'Avenir : «ne jamais lui parler de mort ni d'aucune chose qui engendre en lui la douleur ou la tristesse, parce qu'il savait que si son fils apprenait le caractère périssable (chaitetez) de ce monde, il le prendrait en mépris et mettrait son cœur à désirer la vie éternelle (pardurable)» (prose, p. 44). Le défaut de l'armure : «Pourquoi le roi s'obstine-t-il dans une telle entreprise ? comment pourrait-on cacher la mort à la nature humaine, et à un être, comme Josaphat, doué de raisonnement?» (p. 44). De fait, Josaphat échappe à sa captivité forcée, rencontre un aveugle, un lépreux et un vieillard, et se prend à songer à la mort: «Qui se souviendra de moi après ma mort puisque le temps met toutes choses en oubli et qu'il convient que je meure: n'existe-t-il donc pas une autre vie, un autre monde, où je pourrais aller ?» (p. 47). Barlaam n'aura aucun mal à convertir un être aussi attentif au temps. Josaphat: «Si la vie charnelle ne peut être appelée vie, doit-on l'appeler mort ? ». [...]

Dans le ms. du XIVe siècle, Arsenal 5080, qui illustre le récit de Barlaam (au fol. 373), l'enluminure qui représente Josaphat devant le monde extérieur ne montre que l'aveugle et le paralytique (Brigitte Cazelles, Le corps de sainteté: d'après Jehan Bouche d'Or, Jehan Paulus et quelques vies des XIIe et XIIIe siècles, 1982 - books.google.fr).

Le nom même du roi, Avenir - du latin ad-venire « ce qui est à venir » -, fait de ce personnage une allégorie du futur : il est le représentant de ce qui n'est pas encore accompli mais est appelé à l'être, des potentialités ouvertes par un temps non encore réalisé, de tous les possibles ; il est ainsi à même d'être le lieu des transformations, de l'évolution, de la « révolution » qu'il sera amené à connaître ; bref, il est figure du Temps. Roi païen, il est d'abord figure du temps terrestre, et donc du temps qui passe. Personne au monde ne pouvait posséder plus de richesses terriennes et de « choses trespassables ». Ce pouvoir rencontre d'abord la résistance des chrétiens, qui prêchent l'abandon des richesses terriennes pour acquérir la « vie pardurable ». S'oppose ensuite à lui un autre grand du royaume qui, las des massacres et des sacrifices sanglants, prit congé du monde et de sa vaine gloire et des plaisirs temporels, expliquant au roi qu'il vient de prendre conscience « des choses pardurables et neant changeables », et que tous deux avaient jusqu'à présent littéralement « perdu leur temps ». Mais c'est surtout à Barlaam qu'il est confronté. Ce vieux moine déclare à Josaphat avoir quarante-cinq ans, comptant son temps de vie à partir du moment où il reçut le baptême chrétien, c'est-à-dire non pas à partir de sa naissance « selon la chair », mais du moment où le Christ s'est mis à « vivre en lui ». En fait, il a atteint soixante-dix ans ; cet âge, multiple de sept, indique qu'il a accompli un cycle temporel complet. En ce sens, il a acquis comme une maîtrise du temps. Autant dire qu'il n'a plus d'âge. Sa vieillesse est celle de qui est né il y a bien longtemps, au début du monde. Vieux de tout temps et éternellement vieux, en quelque sorte « immortel », ce vieillard est une autre figure du Temps, mais aussi une figure d'un « autre » temps, le temps éternel. En lui se conjuguent l'image archétype du vieillard « maître du temps » et celle du chrétien appelé à la Vie éternelle. Fils de l'un selon la chair, et fils spirituel de l'autre, Josaphat est l'enjeu de la confrontation de ces deux figures opposées du Temps. Josaphat, à sa naissance, est l'objet d'une prophétie selon laquelle il se convertira au christianisme, installant d'emblée le jeune garçon dans la problématique du temps à venir. Le roi met alors tout en œuvre pour que la prophétie ne se réalise pas (Jean-Pierre Perrot, Figures du temps et logiques de l'imaginaire en hagiographie médiévale, Revue des sciences humaines, Numéro 251, 1998 - books.google.fr).

Dans les nombreuses prophéties privées qu'elle délivra hors du cadre du message Marial reçu à la Salette, Mélanie montra toujours un Survivantisme militant conjugué avec le mythe du Saint Pontife, et ses confidences souvent incontrôlables ne laissent aucun doute sur ce point : « Le Pape Saint avec le Roi Très Chrétien ne feront qu'un dans la foi. Le grand triomphe de l'Eglise se verra sous le Pasteur Angélique avec l'Ange terrestre de la Survivance du Roi Martyr ». Cette connivence entre Survivantisme et millénarisme de type joachimite n'est nulle part mieux attestée que dans la tragique aventure spirituelle des trois frères Baillard, ces trois prêtres lorrains devenus vintrasiens, dépeinte par Maurice Barrès dans « La Colline inspirée ». Néanmoins tous le prophètes du Survivantisme ne seraient guère sortis d'une marginalité crépusculaire si un écrivain torrentiel et génial ne s'en était fait le héraut, non par accident mais par prédestination Léon Bloy (1846-1917), pèlerin et thuriféraire inlassable du message de la Salette, exégète instruit à déchiffrer dans l'Ecriture-Sainte tous les drames de l'histoire comme autant de signes symboliques renvoyant à une méta-histoire ou une hiéro-histoire. Pour Bloy, la France est le miroir dans lequel se réfractent les actes divins, la page vierge sur laquelle Dieu écrit et consigne l'Histoire du Salut ; bien plus, elle est le Nouvel Israël qui continue sans hiatus l'Israël biblique : « L'Histoire de France, écrit-il dans une page magnifique, est quelque chose comme le Nouveau Testament continué, comme une parabole immense omise par les quatre Evangélistes... ». Dans la perspective bloyenne, la Monarchie française constituait à travers la succession de ses Rois Très Chrétiens promus par leur fonction royale Lieutenants du Christ un phénomène unique dans l'Histoire, sacrale dans ses fondements, tour à tour triomphante et souffrante comme le Christ dont elle est l'ectype, puisqu'ordonnée à une mission divine qui ne sera consommée qu'avec la Parousie : « La Monarchie était son support unique, nécessaire, indispensable ; la Monarchie en forme de Lys d'où procédaient toutes les autres monarchies et qui ne ressemblait à aucune... Jésus-Christ, unique monarque légitime et suzerain de tous les monarques de boue et de cendre, ne pouvait avoir d'autre royaume terrestre que la France ». Une telle conception de la Monarchie professée par Bloy explique son affinité élective avec le mythe de la Survivance. Dans son livre « Le Fils de de Louis XVI », écrit en 1900 sur commande des naundorffistes, il dépasse de très haut la banale revendication dynastique ou la solution d'une irritante énigme historique. Il voit dans Louis XVII méconnu et nié par son peuple « le Roi fantôme » (titre du chapitre premier), dont le règne invisible obnubile les éphémères pouvoirs que sa seule existence frappe d'illégitimité et de caducité : « Louis XVII, universellement rejeté, régna néanmoins cinquante ans, de 1795, année de sa prétendue mort, à 1845. Il régna démonétisé, invisible et tout-puissant par l'impossibilité même de prouver qu'il n'existait pas. Avec le despotisme sans contrepoids des forces occultes, il régna dans la volonté perverse de tous ceux qui, ayant pris sa place et craignant toujours de le voir surgir, essayèrent... de raturer jusqu'à sa mémoire ». Le Roi sacrifié n'est pas seulement un Roi fantôme, une figure de l'absence, il s'exhausse au rang de figure du Christ crucifié assumant par sa Passion tous les péchés des hommes, parce qu'il est le Roi humilié sans nom ni lieu : « C'est à faire chavirer l'imagination de se dire qu'il y eut un homme sans pain, sans toit, sans parenté, sans nom, sans patrie, un individu quelconque perdu dans le fond des foules, que le dernier des goujats pouvait insulter et qui était, cependant, le Roi de France ». Selon Bloy, la kénose du Roi, c'est-à-dire son humiliation et sa passion, réitère imitativement la kénose du Verbe incarné : c'est en s'abaissant et en se vidant de sa dignité royale qu'il rédime son peuple indigne de lui. Mais L. Bloy était aussi un paraclétiste fervent, impatient durant sa vie entière de voir survenir le Paraclet. C'est pourquoi Louis XVII préfigure pour lui cet avènement du Paraclet, qui pâtit une Douleur absolue. Il écrivait déjà en 1894 : « La figure de Louis XVII, errant et renié par toute la terre, n'est-elle pas la plus étonnante prophétie ? Je songe qu'il y a certainement quelqu'un de très pauvre, de très méconnu et de très grand qui souffre de la même manière en ce moment, et qu'il faut avoir peur de méconnaître quand on le rencontrera » (Francis Bertin, La révolution et la parousie du grand monarque, Politica Hermetica, 1989 - books.google.fr).

Mélanie, en revanche, dans sa rédaction première du 6 juillet 1851, annonce bien à Pie IX "un grand roi" (avec ou sans couronne, souligne Maritain), qui "régnera quelques années". Serait-ce sur elle que l'influence royaliste aurait été décisive ? Non, car c'est justement elle qui n'a pas voulu suivre Houzelot et Verrier dans leur expédition. Ceux-ci font rencontrer Maximin Giraud au soi-disant baron de Richemont (un des Louis XVII, mort en 1853) en septembre 1850 au retour d'Ars. Elle s'est arrêté à Grenoble, chez son évêque. Au dire des innombrables pèlerins qui l'abordent, Mélanie n'est pas femme à s'en laisser compter. Un roi n'entrerait d'ailleurs pas dans ses desiderata : les rois, elle ne les aime pas, dit-elle à sa compagne, soeur Dosithée (René Laurentin, Michel Corteville, Découverte du secret de La Salette, Fayard, 2002, p. 146).

Josaphat, qui avait abandonné le royaume dans sa vingt-cinquième année, mena encore pendant trente-cinq ans la vie d'ermite. Et il s'endormit en paix, et son corps fut placé à côté de celui de Barlaam. Le roi Barachias l'ayant appris, vint à la tête d'une nombreuse armée; il fit transporter avec les plus grands honneurs les corps des saints dans sa capitale. Et il se fait beaucoup de miracles à leur tombeau (La Légende dorée de Jacques de Voragine, traduite du latin et précédée d'une notice historique et bibliographique par M. G. B., 1843 - books.google.fr).

OEuvre au noir

Souvenons-nous surtout que dans l'Œuvre au noir la putréfaction recèle la vie. Dans cet état « œuvrer », « ouvrer » et « ouvrir » la matière doivent être entendus comme des synonymes cabalistiques qui aident l'alchimiste à poursuivre, jusqu'à ce que l'enfant-roi naisse sous l'étoile. L'alchimiste comprend alors qu'il n'est que l'accoucheur de cet enfant de Dieu (Gilles Pasquier, L'entrée du labyrinthe ou Introduction à l'alchimie: Suivie des Récréations hermétiques et des Scholies, 1992 - books.google.fr).

A la Salette la voyante se prénomme Mélanie (Calvat), terme qui signifie "la noire".

Le 31 décembre est fêtée Sainte Mélanie dite Mélanie la Jeune moniale du Ve siècle, appelée aussi "Sainte Mélanie la Romaine". Sainte Mélanie était, au début du Ve siècle, une dame romaine très fortunée. Après la mort de leurs deux fils, son mari et elle vendirent tous leurs biens et construisirent églises et hôpitaux. Devenue veuve, Mélanie s'installa à Jérusalem et y fonda une communauté de vierges consacrées où elle vécut jusqu'à sa mort, en 439. Elle était la petite fille d'une autre Sainte Mélanie - dite Mélanie l'Ancienne - fêtée le 26 janvier (fr.wikipedia.org - Mélanie).

En ancien français, le mot salle désignait le siège d'une seigneurie, une maison noble ou un logis parfois fortifié, et est devenu presque un synonyme de château. Le mot vient du bas-latin sala après emprunt au francique sal qui a donné en allemand saal, « chambre, château ». La salle était aussi la principale pièce des châteaux qui furent donc parfois désignés par ce mot, la partie symbolisant le tout. En toponymie Salle est surtout présent dans le Midi et l'Ouest de la France. En Anjou, on compte de nombreux lieux qui portent le nom de la Salle, la Salle-Verte, Salvert ou encore le manoir des Salles à Saint-Jean-des-Mauvrets. Ils indiquent bien souvent l'emplacement d'anciens châteaux ou maisons nobles aujourd'hui disparus. Même famille La Salette (Isère) (Pierre-Louis Augereau, Les secrets des noms de communes et lieux-dits du Maine-et-Loire, 2004 - books.google.fr).

L'instrument fondamental de la manipulation, c'est le four hermétique, l'athanor, mais on utilise aussi des alambics, des vases, des mortiers, tous désignés sous des noms symboliques comme œuf philosophique, ventre maternel, chambre nuptiale, pélican, sphère, sépulcre, etc. (Umberto Eco, Les limites de l'interprétation, 1992 - books.google.fr).

L'athanor, souvent figuré par un vase de verre, est aussi la « chambre nuptiale » où les deux principes extraits de la nature (le soufre masculin, le mercure féminin) sont conduits à se fondre idéalement (Anne Gourio, Chants de pierres, 2005 - books.google.fr).

Pour les alchimistes, la chambre secrète est l'athanor. Pour les francs-maçons, c'est le cabinet de réflexion On a vu dans la Maison-Dieu du Tarot une représentation de l'athanor, fourneau des alchimistes qui ressemble souvent à un château fort en miniature, et dans lequel s'opèrent à l'aide du feu des opérations magiques synonymes d'élévation spirituelle (Pierre-Louis Augereau, Hergé au pays des tarots: Une lecture symbolique, ésotérique et alchimique des aventures de Tintin, 1999 - books.google.fr, www.lasurviedupapepaulvi.com).

Adoration des bergers

Dans un chapitre de De festis B.M.V., Benoît XIV nous raconte les diverses concessions successives qui ont amené à l'état actuel la messe et l'office de la Translation de la sainte Maison de Lorette, tels qu'ils figurent au missel et au bréviaire, au 10 décembre. Ici encore, rien avant le XVIe siècle. La première concession, restreinte au Picenum, est de 1632; l'addition à la Vie leçon, ainsi que la mention au martyrologe, datent de 1699, sous Innocent XII ; enfin l'extension aux autres diocèses, sur leur demande, est accordée à partir de 1719. Mais pourquoi n'en aurait-on pas fait autant au XIVe siècle, si l'on avait alors admis la translation de Lorette ? Est-ce qu'on a attendu deux siècles pour parler des stigmates de saint François d'Assise ? Ces paroles pontificales, cette concession de l'office et de la messe propres, la mention du martyrologe ne constituent pas, est-il besoin de le dire, une preuve historique. Benoît XIV ne blâme pas les auteurs, et il en cite, qui sont d'un avis contraire au sien. Par ces concessions, l'Église se propose de favoriser le culte et la piété des fidèles, non de trancher des questions historiques; et la concession de la fête de la Translation de la Maison de Lorette n'engage pas plus son autorité que les concessions semblables pour les apparitions de Lourdes, de la Salette, de Guadalupe, ou encore pour le Saint-Suaire et les reliques du Saint-Sang, ou enfin que la fête de saint Alexis ou la mention au martyrologe des saints Barlaam et Josaphat. En résumé, le silence absolu des auteurs contemporains du prétendu miracle, l'apparition tardive de la tradition, l'embarras et les inconséquences des récits du XVIe siècle, démontrent que nous nous trouvons, ici comme en tant d'autres circonstances, en présence d'une légende controuvée, formée sur place vers la fin du XVe siècle, sans qu'on ait àincriminer la bonne foi de personne, et accueillie avec un empressement général pour le lustre singulier qu'elle donnait au sanctuaire vénéré (Revue du clergé français, 1905 - books.google.fr).

Le nom « Barlaam », vient du nom théophore syriaque Baralaha, qui a sans doute été télescopé avec le faux prophète Balaam (Philippe Escolan, Monachisme et église: le monachisme syrien du IVe au VIIe siècle : un ministère charismatique, 1999 - books.google.fr).

Barlaam est le nom du prophète du livre biblique des Nombres.

Le mont Casius, au nord de Lattaquiyé, l'ancien Mont Saint Parlier des croisés, aujourd'hui Jébel el-'Aqra. était depuis la plus haute antiquité un lieu sacré. En effet, il existait sur ce Mont au temps du royaume d'Ugarit, un célèbre haut-lieu, siège du Baal du Mont Saphon, le dieu des orages mentionné dans la Bible (Is 14,13). Dominant la ville d'Ugarit, le Mont Saphon était pour les cananéens le point de contact de la terre et des nuées orageuses. Puis, à l'époque séleucide la divinité locale fut supplantée par Zeus Casius. En 300 av. J.C. Séleucus Nicator gravit le Casius pour sacrifier à cette divinité. De la cime du Mont - qui culmine à 1.729 m. d'altitude - on pouvait, disait-on, voir le jour à l'est et la nuit à l'ouest. L'empereur Hadrien, qui voulait tenter l'experience, en fut empêché par une tempête. Julien y offrit un sacrifice à Zeus. A la période byzantine le Mont sacré fut christianisé par la présence d'un ascète célèbre: St Barlaam ou Balloum. Né dans le village de Jobia (Jusia?), sur le versant du Casius, Barlaam s'éprit de la vie monastique et reçut l'habit dans un monastère de son pays. Après un pèlerinage à Jérusalem, l'ascète s'appliqua à supprimer le culte païen en érigeant un monastère Mont Casius (Ignace Pena, Lieux de pèlerinage en Syrie, 2000 - books.google.fr).

Ce fut à Antioche que l'on fit, pour la première fois, usage du nom de Christiani. Quelquefois, pour distinguer cette ville d'Antioche de quelques autres de même nom, on la nommoit Antiochia Epi-Daphnès, ou près de Daphné, à quatre ou cinq milles. Au sud, étoit le lieu appelé Daphné célebre par son asyle & le Temple d'Apollon & de Diane. On l'a quelquefois traité de fauxbourg d'Antioche, parce qu'en effet il n'en étoit pas éloigné. C'étoit un lieu très-agréable, & qui prenoit son nom de la quantité de lauriers qui y croissoient. Les eaux abondantes & fraîches qui y entretenoient la verdure & l'agrément, lui donnent encore aujourd'hui le nom de Bett-el-ma, ou maison d'eau (Encyclopedie methodique, ou par ordre de matières: Géographie ancienne, Tome III, 1792 - books.google.fr).

Daphné, nymphe d'Arcadie, fille du fleuve Ladon, raconte Nonnos dans ses Dionysiaques, aimée d'Apollon, fut poursuivie par le dieu jusqu'aux bords de l'Oronte. La nymphe trouva refuge dans la Terre qui s'était entr'ouverte, et devint laurier. Ainsi s'expliquait le nom de Daphné, donné à un faubourg d'Antioche (Jean-Paul Rey-Coquais, Sur quelques divinités de la Syrie antique. In: Mélanges Pierre Lévêque. Tome 6 : Religion. Besançon : Université de Franche-Comté, 1992 - www.persee.fr).

Philostrate (in Vita Appolonis I,16) reconnaît à ce mythe une origine asiatique: en parlant du bois sacré de cyprès et de lauriers planté auprès du temple d'Apollon, dans le faubourg d'Antioche de Syrie, appelé Daphné, il a soin de dire que Cyparisse était un jeune Assyrien, qui passait pour avoir été changé en cyprès; et, ajoute-t-il, la beauté de l'arbre fait foi d'une telle métamorphose (Félix Lajard, Recherches sur le cyprès pyramidal, Memoires Tome 20, Académie des inscriptions & belles-lettres (France), 1854 - books.google.fr).

Socrate dit que Théodose, dont le règne avoit paru jusqu'alors assez heureux, tâchoit de reconnoître en diverses manières la bonté de celui qui le combloit de tant de biens; & que ce fut pour cela qu'il envoya sa femme Eudocie à Jérusalem, afin qu'elle s'acquittât du vœu par lequel elle s étoit obligée à ce voyage, en cas qu'elle vît sa soeur mariée. Sainte Mélanie l'avoit aussi exhortée, comme nous avons vû, à entreprendre ce voyage, & à venir prendre quelque part à la sainteté de ces lieux sacrés. [...] Eudocie passa à Antioche avant que d'arriver à Jérusalem. Elle donna de grandes sommes d'argent à la ville pour acheter du blé. On croit aussi que ce fut par ses sollicitations que Théodose aggrandit Antioche du côté de Daphné, & donna 200 livres d'or pour rebâtir un endroit des bains de l'Empereur Valens, qui avoit été gâté par le feu. Elle y fit aussi sans doute des largesses aux Eglises. [...] Sainte Mélanie sçachant qu'elle étoit à Antioche, & qu'elle venoit à Jérusalem, alla au devant d'elle, & en reçut toutes sortes de marques de respect & d'amitié ; car cette Princesse la regardoit comme sa mère (Louis Sébastien Le Nain de Tillemont, Histoire des empereurs et des autres princes qui ont régné les six premiers siècles de l'Eglise, Tome VI, 1738 - books.google.fr).

Barlaha, nom araméen de Barlaam, était fêté à Antioche le 14 août ou le 31 mai, par les synaxaires grecs le 16 ou 19 novembre avec les martyrs Romanos et Hésychios, par le martyrologe hiéronymien le 18 novembre. Il y avait à Antioche encore les saints militaires Juventin et Maximin, comploteurs contre Julien dit l'Apostat. Ils étaient fêtés par les synaxaires grecs le 9 ocotbre, par les martyrologes syriaques le 4 février (Emmanuel Soler, Le sacré et le salut à Antioche au IVe siècle apr. J.-C.: Pratiques festives et comportements religieux dans le processus de christianisation de la cité, 2015 - books.google.fr).

Dans l'Isère, MM. Gauthier-Lurty et Vincent donnent une version de la chanson de la Branche de laurier en provenance de La Salette-Fallavaux, mais sans lui attribuer le vocable «Sérénade » comme à d'autres chansons de leur recueil : "Cette nuit je me suis levé / Plus matin qu'à l'ordinaire, / Dans mon jardin je me suis promené / Pour y cueillir une branche de laurier. / Et cette branche de laurier Je l'ai portée à ma mie : / — Bien le bonjour vous soit donné, / Je vous apporte une branche de laurier. / — Pour une branche de laurier Je n'ouvrirai pas ma porte. / Venez demain, si tôt que vous voudrez, / Mais dans la nuit je tiens ma porte fermée. / Mais le galant rempli d'amour Passa la nuit à la porte. / — O ! juste Ciel ! qu'il en faut endurer / Pour une ingrate qui ne veut pas m'aimer. / Oh ! si j'avais du papier blanc Et de l'encre pour écrire, / Oh ! j'en ferais une belle chanson : Comment les filles se moquent des garçons ! (La branche de laurier, demande en mariage - refus) (Georges Delarue, Chansons populaires foréziennes : la collecte de L.-P. Gras vers 1865. In: Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d'ethnologie, n°1-2/1984 - www.persee.fr).

Finissons par ces paroles empruntées au Mandement de Mgr Augebault, Evêque d'Angers, du 20 décembre 1854, sur l'Immaculée Conception : "Et que vous dirons-nous maintenant, N. T. C. F., sinon que Marie nous rendra en bienfaits ce que nous lui offrirons en hommages ? Et dans quel moment pourrait-elle mieux payer cette dette de son cœur maternel ? L'Europe est livrée depuis du temps déjà au triple fléau de la peste, de la guerre et de la famine, ces terribles messagers de la colère de Dieu. La mort qui plane sur l'Orient répand le deuil au milieu de nous. La victoire n'a pas assez de lauriers pour cacher ces cyprès funèbres. Du milieu des orages, Marie apparaît radieuse et toujours pure; sur sa tête brille une couronne resplendissante d'une auréole nouvelle..." (J.A. Marmonnier, Triomphe de La Salette ou solution des objections les plus spécieuses contre La Salette, 1856 - books.google.fr).

A côte de l'entrée du sanctuaire de Tokali en Cappadoce (Xème siècle) se trouve encore l'image de la Vierge de tendresse, première représentation médiévale de la tendresse que Jésus témoigne à sa mère, image particulièrement évocatrice de l'humanité du Christ. Dans le récit de l'Enfance, cependant, c'est sa double nature qu'on veut illustrer lors de la Présentation au temple; en effet, tenu par sa mère, il n'est pas tendu au grand prêtre comme c'est l'habitude, mais présenté de face, tenant le rouleau, comme dans une image de théophanie on retrouve là une figuration proche d'un schéma pré-iconoclaste qui montre l'Enfant tourné vers Siméon, mais bénissant et tenant le rouleau, schéma conservé sur une mosaïque de Kalendar hani camii et dans l'église cappadocienne dite Açikel aga kilises. [...] C'est bien le Dieu fait homme qui est exalté dans la scène des Mages observant l'étoile avant d'adorer l'Enfant; tous trois tiennent en effet un rouleau inscrit rappelant la prophétie de Barlaam évoqué par Matthieu 2, 2 : « Un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d'Israël » (Nomb. 24, 1 7). D'autre part, c'est la nature divine du Christ qui est exaltée encore par le vaste développement des miracles, dont c'est la plus longue série cappadocienne (Nicole Thierry, La Bible illustrée en Cappadoce, Le Monde grec ancien et la Bible, 1984 - books.google.fr).

En Cappadoce, du IXème au XIème siècle, les termes du carré SATOR ont servi à nommer les bergers de la scène de la Nativité. En effet, trois bergers, venus adorer le Christ, peints dans la chapelle Saint-Eustathe à Gueurémé, sont appelés Sator, Arepo et Teneton. A El Nazar, on peut lire le nom de Sator, à Toqale Kilissé Arepon et Teneton. A Tavchanle Kilissé, des peintures datant de Constantin Porphyrogénète (912-959) donnent les derniers mots du carré : Tenetro ou Teneton et Perarotas. « Dans les peintures, d’un caractère différent, qui ornent certaines églises du onzième et du douzième ou treizième siècle, les bergers ne sont généralement pas nommés. Cependant, à Qaranleq Kilissé de Gueurémé, la plus ancienne du groupe (onzième siècle), on retrouve le nom de Sator : les deux autres bergers sont anonymes. Si l’on considère que ces dernières décorations sont influencées par l’art de la capitale, tandis que les plus anciennes représentent une tradition proprement anatolienne, on conclura que c’est en Asie mineure et avant le Xème siècle que l’on eut l’idée d’imposer aux bergers ces étranges noms » (G. de Jerphanion, « La voix des monuments », Les éditions d’art et d’histoire).

La relation privilégiée que les bergers entretiennent avec le surnaturel se manifeste dans l’aventure spirituelle de Mélanie Calvat (1831-1904) et Maximin Giraud (1835-1875), deux jeunes bergers, qui firent part de l’apparition de la Vierge dont ils bénéficièrent en 1846 près du Mont Gargas, sur la montagne de la Salette dont Fallavaux est un hameau. Les secrets confiés par la Vierge transparaissent dans les rédactions successives qui seront faites de la « rencontre ». L’historien de la Salette, le père Antoine Bossan, note, en 1871, l’interview que fit Mlle Dastarac des deux enfants vers 1848. Maximin déclara : « Il y aura des combats pour la religion… ensuite toutes les religions, la protestante et toutes les autres, viendront en une seule religion (évidemment la religion catholique)… puis la fin du monde ». Ce « évidemment » semble ne pas faire partie du secret, aussi la religion unifiée pourrait être toute autre chose que la religion catholique, comme l’indiquerait le placement de Fallavaux sur les nonagones. Les voyants se montraient hostiles au gouvernement de Napoléon III. Maximin annonçait sa chute. De même il rencontra le duc de Bordeaux alors en exil à Frosdorff, pour le dissuader de prétendre au trône et lui annoncer qu’il ne sera jamais roi de France. Bossan rapporte, selon le témoignage d’une compagne de noviciat, que Mélanie n’aimait pas les rois, n’aimait pas leur vie. Aussi, au moment du ralliement de l’Eglise de France à la République, Mélanie accepte volontiers la forme de gouvernement, même si elle condamne « ses actes de barbarie », puisque nous sommes en pleine période anticléricale. Ils s’attirèrent l’hostilité de beaucoup, et même de religieux qui ne croyaient pas à la réalité de l’apparition. « Extérieurement, le monde reste absolument comme il était et, apparemment, rien n’a changé, si ce n’est ce groupe de « bergers », qui poursuivent imperturbablement le message de leurs rêves » (Eugen Drewermann, « De la naissance des dieux à la naissance du Christ », Seuil) (Le carré SATOR : Les bergers).

La Bible fournit maints exemples de cette spiritualisation - cette sanctification - d'une terre. Ainsi, Jacob, lorsqu'il se souvient de la vision qu'il a eue d'une échelle reliant le ciel et la terre, veut marquer l'endroit où cette vision s'est produite durant son sommeil. Il s'exclame : « Que ce lieu est terrible ! Ce n'est rien moins qu'une maison de Dieu (Beth-El) et c'est la porte du ciel. » Le territoire est comme frappé d'un sceau. Que fait Jacob ? Il dresse une stèle. Un mémorial, pour qu'on se souvienne : Juana Coeli. Porte du ciel. « Ce sera l'un des noms de Marie, après avoir été lepithète de Bethel de Jacob, souligne Geneviève Trainar. Car Marie, la toute Sainte, enseigne ce qui doit être le vrai lieu : celui de l'inhabitation divine, c'est-à-dire, selon la formule de Cyrille d'Alexandrie au concile d'Ephèse de Celui qui est sans lieu » (Transfigurer le temps, p. 52) (François de Muizon, Un nouveau regard sur les apparitions: Le Laus, La rue du Bac, La Salette, Lourdes, Pontmain, Fatima, 2008 - books.google.fr).

Jacob reste berger alors que son neveu Lot s'urbanise à Sodome.