Partie XIV - Le Serpent rouge   Présentation du SR   13   
SERPENT ROUGE SCEAU DE PALAJA 13 VIRGILE ENEE SOLEIL

Pas besoin de réécrire ce qui a déjà été écrit, prenons connaissance d'extraits de l'article de Yves-Albert Dauge, Le treizième livre de l'Énéide, Astrologie et énergétique de la métamorphose. Il poursuit la recherche de Charles Baudouin, inspirateur volontaire ou non du Serpent rouge.

La mise en relation du Serpent rouge et de l'oeuvre de Virgile est vue dans (L’étoile hermétique : Alchimie et Astrologie).

Le travail d'Énée, à l'instar de celui d'Hercule, consiste à assumer l'homme tout entier pour le porter à son plus haut degré d'accomplissement. Dans le contexte qui nous occupe, il s'agit pour lui d'épuiser les potentialités de chaque signe zodiacal - considéré comme un mode d'être particulier -, de manière, à la fois, à posséder la totalité dynamique de ce cercle d'énergies et à en transcender le caractère relatif. Il y aura donc, nécessairement, parcours et sortie du zodiaque. Ce thème de la «sortie» est de toute première importance. Ainsi, selon la doctrine hermétique, l'être humain a deux «âmes», l'une venant de Dieu, l'autre de nature planétaire : or, seule, l'âme divine peut voir Dieu. «Tant que l'homme demeure sous l'influence des énergies planétaires, il est soumis aux forces inférieures du destin ; mais lorsqu'il devient pleinement conscient de sa partie divine, Nous, cet 'oracle du dieu résidant en chacun', il sort définitivement du cercle planétaire, et il est libéré de la contrainte du destin». Il en est de même, naturellement, si l'on considère le système des influx zodiacaux, dont l'homme supérieur doit s'affranchir en prenant conscience de la relativité astrologique. Car l'astrologie, dans son ensemble, représente un appareil de contraintes, et l'essentiel, pour le héros, est de s'en libérer. La littérature latine nous offre de nombreuses références à cette conception de la vocation humaine - souvent liées, comme il se doit, à l'idéologie impériale -, et pour la pensée antique - traditionnelle et chrétienne -, il ne peut y avoir de personnalité véritable que «solaire», c'est-à-dire affranchie du joug de la nature, de la tyrannie astrologique, du déterminisme psycho-matériel. Donc parcours-assimilation et sortie-libération : intégration méthodique de tous les éléments constitutifs du système, et «passage au centre» - ou au sommet, ou par-delà - permettant une fructueuse domination. Virgile avait déjà utilisé cette thématique dans sa IVe Bucolique : voulant montrer, conjointement, l'avènement de l'âge d'or et celui de l'Homme parfait, il y dessine la remontée des signes zodiacaux, de la Vierge au Bélier, jusqu'à la sortie du déterminisme cyclique, l'héliomorphose du «fils de Jupiter», et l'instauration du règne atemporel des «Agneaux». Mais c'est l'Enéide qui, par son architecture secrète et son profond symbolisme, en constitue la plus magistrale illustration. Au cceur même du poème se découvrent de nettes allusions à cet idéal, impératif pour le Romain, de maîtriser et de dépasser le zodiaque. En VI, 849 sq., dans le contexte d'une définition, donnée par Anchise, de la véritable «impérialité», il est dit que, laissant aux Grecs l'étude scientifique du mouvement des cieux, du lever des astres, du défilé des constellations zodiacales, le Romain doit viser à représenter, par sa personne et son action, le centre ou le cœur de l'univers : entendons le Soleil souverain, le Treizième et l'Un. Parler des astres ou être le Soleil : voilà toute la différence. [...]

Le symbolisme du nombre 13, loin d'être inquiétant, se révèle extrêmement riche. Il représente en effet le cœur de l'être, le foyer du dynamisme créateur, la source de la Vie et de l'Amour, l'axe des énergies en mouvement, le passage du monde phénoménal au monde essentiel, du plan des effets à celui de la cause, et principalement l'Un retrouvé. L'Antiquité en a fort justement reconnu la valeur, et l'a bien souvent exalté. Un exemple qui n'eût pas manqué de plaire à Virgile : la Vénus au miroir de la mosaïque de Boscéaz (IIIe s.). Le thème qu'illustre ce remarquable ouvrage est l'ascension de l'âme à travers les sphères célestes, les divers états ontologiques, vers l'unité divine. L'ensemble comporte 13 médaillons octogonaux : celui du centre - le treizième - est occupé par Vénus, qui figure ici la focalisation et l'irradiation des Énergies créatrices, le «lieu» de l'Amour et de l'unification, le moyen et le but de la transmutation - ce qui n'est guère éloigné du rôle de la déesse virgilienne. L'enseignement pythagoricien désignait d'ailleurs Vénus comme le «second Soleil», Sol alter, correspondant à l'aspect médiateur de l'Ame du Monde (cf. la vocation propre des Énéa- des, ainsi que celle de Rome, bien définie par Pline, n.h., 27,3). Un autre exemple significatif de de l'équivalence treize = un nous est fourni dans le récit du sacre de Romulus qu'Ennius nous a laissé. «Cependant le soleil pâlit et se retira dans les régions inférieures de la nuit. Mais bientôt, dardée en rayons, une lumière éblouissante à nouveau fusa ; venu des profondeurs du ciel, un oiseau, le plus splendide qui fut jamais, vola très haut, à gauche, au moment même où réapparut le soleil d'or. C'est alors que descendent des cieux, figures de la divinité, trois groupes de quatre oiseaux, et la disposition qu'ils adoptent révèle un destin extraordinaire et merveilleux. Romulus comprend à cet instant qu'un tel présage lui assure personnellement la souveraineté royale, la possession du trône et de la terre». Ceci n'est pas sans rappeler les 12 Adityas contenus dans le treizième ; mais l'ordre d'apparition choisi par le poète a pour fin d'insister sur la primauté de l'oiseau central, solaire, d'où sortent, pour ainsi dire, les 12 autres, et dans lequel ils doivent revenir (cf. la Sîmorgh). Il y a également les Grands Dieux de l'Olympe : ils sont à la fois 12 et 13. Fixée depuis le IIIe siècle a. C, la liste des 12 Olympiens traditionnels a été, comme il se doit, mise en relation avec la série en tant qu'expression d'un ensemble déterminé de forces cosmiques, d'influx complémentaires agissant sur la vie et sur l'histoire. Mais pour que le schéma soit complet, véridique, il est besoin d'un centre, d'un axe, d'un «Treizième dieu» d'où tout part et vers lequel tout revient, origine d'où tout part et vers lequel tout revient, origine et récapitulation de l'ensemble. Les initiés romains l'ont bien compris, qui ont voulu distinguer Apollon et le Soleil, de manière à accorder à ce dernier cette fonction unitive indispensable. Nous avons dès lors de très fortes raisons de penser que Virgile, dans son intention de faire de l'Enéide un miroir du cosmos, a superposé à la structure zodiacale déjà décrite une autre structure, attribuant à chacun des livres une divinité rectrice particulière. [...]

Quel est le but proposé par Virgile aux Romains à travers Énée ? Retrouver, par-delà le temps historique et les forces déterminées : le 12), la Source primordiale et intemporelle de la puissance (symbole : le 13). Se fixer, en esprit, dans l'éternel, de manière à maîtriser toutes les «formes» incarnées et à agir efficacement dans le temporel. Devenir semblable au «Soleil» qui, tout en étant un du temps, le transcende. «Comme Énée», dit le poète, «soyez le Soleil. Passez du monde phénoménal conditionné par le douze au plan de l'unité et de l'essence signifié par le Treize...». (Yves-Albert Dauge, Le treizième livre de l'Énéide, Astrologie et énergétique de la métamorphose. In: Pallas, 30/1983. Astres, astrologie, religions astrales dans l'Antiquité - www.persee.fr).

Le zodiaque à 13 signes replace dans un mouvement inverse le 13 dans la ronde des astres : anti-transcendant ou ouverture vers le 14 ?