Partie IX - Synthèse   Chapitre LXIV - Super-étoile (Superstar in english)   Île de Ré, 10 avril   

Ile de Ré, 10 avril

Le 10 avril est la fête du prophète Ezechiel.

Bon Vieillard

Ezéchiel Barbauld et son fils Théophile Barbauld s'enfuient en Hollande après la Révocation de l'Edit de Nantes et sont placés à Harlingen, en avril 1686, pour y servir l'Eglise naissante. Un autre fils Ezéchiel aurait été placé dans un tonneau alors qu'il avait 9 ans pour s'échapper de France. A Londres, le père dessert entre autres l'église de Saint-Jean, où il remplaça Damier vers 1698, et un descendant, du même nom, épousa, en 1726, Suzanne-Marie Juneau.

Ezechiel est l'auteur d'une Exercitatio Theologica ad Textum Marci cap. 3. v. 28. 29. 30. de Peccato in Spiritum Sanctum in aeternum non remittendo, 1697, exégèse du En vérité, je vous le dis, tout sera remis aux enfants des homes, les péchés et les blasphèmes tant qu'ils en auront proférés ; mais quiconque aura blasphémé contre l'Esprit Saint n'aura jamais de rémission : il est coupable d'une faute éternelle ". C'est qu'ils disaient : " Il est possédé d'un esprit impur. " (Béelzéboul : Belzebuth).

Les rassemblements avaient été interdits aux protestants de l'île de Ré par Monsieur de la Vrillière, comte de Saint-Florentin, le 25 mai 1648 et le 24 juin suivant à la demande des Capucins. Mais les réformés en avaient appelé à Mazarin. Si bien que le 23 août, Ezechiel Barbauld célèbre le culte dans une maison particulière, le temple ayant été confisqué en 1630 lors de la première interdiction sur l'île par Richelieu. Barbauld remplace définitivement les pasteurs rochelais en 1650, et sera secondé par son fils Théophile de 1668 à 1681. L'intensification de la répression à partir de 1679 conduit à la disparition du protestantisme sur l'île de Ré.

Dans son recueil de Prières pour ceux qui voyagent sur la mer, publié en 1688 à Amsterdam, le pasteur français Théophile Barbauld propose de dire alors le texte suivant :

Seigneur, hâte-toi de venir à notre aide, car nos os sont étonnez, soutiens et rassure nos âmes car elles sont dans une grande agitation et ne permets pas que l'ennemi de notre salut qui nous a jeté dans le péché nous jette encore dans le désespoir. Regarde-nous en ton Fils, car nous l'embrassons pour Notre- Seigneur. Seigneur sauve nous car nous périssons. Parle au vent et il s'apaisera. Commande à la mer et les ondes s'abaisseront. Tire nous du danger par ta bonté, délivre-nous par ta puissance. Mais, ô Dieu, si tu ne trouves pas à propos de nous exaucer en toutes choses, si tu ne veux pas nous garantir du naufrage, garantis-nous au moins de la mort, conserve-nous la vie et fais-nous la grâce, qu'étant réchappés, nous puissions encore éprouver tes faveurs sur la terre des vivants.

La tonalité de cette prière est exemplaire de ce que l'on peut trouver dans d'autres recueils d'oraison des pays de la Réforme : le recours unique au Dieu tout-puissant et, à son égard, la pleine confiance et l'abandon d'une foi totale. Il resterait à mesurer la vitesse d'adoption et le degré de pénétration de cette acculturation. Toutefois la vacuité creusée par les proscriptions dogmatiques ou provoquée par l'éradication des gestes anciens, qui ne touche pas seulement les sociétés halieutiques, fut plus d'une fois comblée par le recours aux pratiques connues. Lorsque Gdansk devint luthérienne au XVIIe siècle, les matelots du lieu n'hésitèrent pas à faire appel à leurs camarades restés catholiques pour leur demander d'intervenir en leur nom auprès des saints protecteurs traditionnels qu'il leur était interdit de prier officiellement. Au XVIIIème siècle, certains ministres de l'Eglise anglicane acceptaient encore de bénir équipages et navires en partance pour les campagnes de pêche. Plus secrètement, parce qu'habitants de la sévère Ecosse presbytérienne ou de la Zélande, les harenguiers de ces contrées continuèrent longtemps à pratiquer les ambulations clandestines autour des anciens sanctuaires en ruine, avant les départs en mer ou à leur retour. Ce besoin essentiel, à la fois de gratitude et de protection, subsista donc longtemps en pleine terre calviniste, maintenant des rites apparemment syncrétiques où la référence au catholicisme se trouvait mêlée à des pratiques bien antérieures ou à des réminiscences d'autres cultes (Alain Cabantous, Le corps introuvable. Mort et culture maritime (XVIe-XIXe siècles)).

Le fils d'Ezechiel, prénommé comme lui (1677-1755) fut appelé de Leyde à Plymouth puis fut ministre de l'Eglise de Londres de 1704 à 1755.

Un Ezechiel Barbauld fut naturalisé à New-York le 21 septembre 1728 et reçu bourgeois de la ville la même année. Peut-être était-il le fils d'Ézéchiel Barbauld, natif de Saint-Martin-de-Ré, qui fut successivement pasteur de plusieurs églises françaises de Londres ?

Théophile Louis né à Londres en 1708, et fils de l'Ezechiel de Londres, étudie à Trinity College puis entre dans l'Eglise d'Angleterre. Il se marie avec Jeanne Marguerite de Rochemont issue d'une famille bourguignone huguenote exilée à Genève, et qui partageait avant la Révolution la seigneurie de Saint-Bérain-sur-Dheune, autre sommet superstellaire, avec le duc de Chârost en particulier.

Il entretient des relations avec le duc de Brancas qui semble être un ami de la famille. Louis- Léon-Félicité de Brancas, duc de Brancas-Lauragais, (Versailles, 1733 - Paris, 1824) est un littérateur et ami des sciences (surtout de la chimie) français. Vergennes, lors de la guerre d'Indépendance américaine, utilisa les fréquents voyages que le jeune Brancas faisait à Londres ; il apparaissait comme un homme utile à la diplomatie française du fait de ses relations avec Shelburne et certains membre de l'opposition ainsi qu'avec le cercle d'Arthur Lee, qui, durant la guerre d'indépendance, rejoint Paris avec Benjamin Franklin et Silas Deane où ils arrivent enfin à obtenir un soutien militaire important de la part de la France (fr.wikipedia.org - Louis-Léon de Brancas, fr.wikipedia.org - Arthur Lee).

Un des enfants de Théophile, Rochemont, se marie avec l'auteur anglais Ann Laetitia Aikin en 1774.

Douée d'une intelligence précoce, et d'un goût très-vif pour l'étude et pour la poésie, elle décida son père, malgré le préjugé subsistant contre les femmes savantes, à lui enseigner le latin et un peu de grec. Aikin ayant été appelé à enseigner dans l'école de Warrington, Anna, qui avait alors atteint sa quinzième année, se trouva dans un cercle plus étendu, et eut occasion d'augmenter son instruction dans la société de plusieurs hommes de mérite, notamment les docteurs Enfield et Priestley. Là, ses sentiments et sa verve poétique prirent un plus grand essor; et lorsque son frère, qui venait de terminer ses études médicales, vint s'établir dans la petite ville habitée par la famille, il la pressa de faire un choix parmi les effusions de sa muse et de les retoucher; et il les livra à l'impression. Ce mince volume fut si bien reçu du public, que quatre éditions se suivirent presque immédiatement en 1775. Le succès engagea l'éditeur à réunir les morceaux en prose sortis de la plume de sa sœur et de la sienne ; et ce recueil [Miscellaneous Pièces), publié la même année, ne fut pas moins heureux que le précédent.

La fatigue et l'intérêt de sa santé obligèrent son mari, au bout de onze années d'exercice, à quitter la carrière de l'enseignement. Accompagné de sa femme, il alla faire quelque séjour en France (1783 et 1786), puis vint se fixer dans le joli village de Hampstead, comme pasteur d'une congrégation peu nombreuse. Anna comptait se borner désormais à soigner l'éducation de deux jeunes personnes; mais son frère, moins indifférent qu'elle à la gloire littéraire, vint réveiller, au nom de la liberté, la muse qui sommeillait. Elle écrivit en 1790 pour exprimer l'indignation que lui inspirait le rejet du bill pour le rappel des actes de corporation et de test. Le rejet d'un autre bill pour l'abolition du commerce des noirs lui inspira, en 1791, une épitre à Wilberforce.

Elle mourut le 9 mars 1823, dans la 82ème année de son âge. Ann Laetitia Barbauld était d'un naturel bienveillant, indulgent, exempt d'envie. En contact avec les femmes auteurs les plus distinguées de son temps, elle n'avait pour elles qu'admiration, estime, affection ; sentiments qui se montraient dans sa conversation, et que la publication de sa correspondance n'a pas démentis, comme il arrive quelquefois (Louis Moréri, Le grand dictionaire historique, 1740, William McCarthy, Anna Letitia Barbauld : voice of the enlightenment).

Jeune Mort

Jeanne-Françoise Fremiot de Chantal naquit à Dijon, en 1572, de Bénigne Fremiot, président à mortier au parlement de cette ville. La jeune Fremiot annonça dès son enfance une grande piété, et on raconte que, toute petite, elle interpella de la manière la plus vive un gentilhomme protestant qui se trouvait chez son père, et jeta au feu des bonbons qu'il lui donnait, en lui disant avec vivacité : " Monsieur, voilà comme les hérétiques brûleront dans l'enfer. ". A l'âge de vingt ans, la jeune Françoise Fremiot épousa Christophe de Rabutin, baron de Chantal, qui mourut au bout de huit années de mariage tué dans un accident de chasse par Louis d'Anlezy, seigneur de Chazelles, de Montagnerot, Clamerey etc. Nourrissant avec constance l'idée de se renfermer dans un cloître, madame de Chantal avait pourtant résolu de ne le faire qu'au jour où l'établissement de ses enfants rendrait inutile sa présence auprès d'eux. Elle rencontre François de Sales à Dijon en 1604 et découvre son destin à travers leurs conversations. Ils fondent ensemble l'ordre contemplatif de la Visitation, à Annecy. Le nouvel ordre qui répond à un besoin spirituel, est un succès et Jeanne de Chantal est en relations avec Vincent de Paul, Madame Acarie, Angélique Arnauld.

Madame de Chantal mourut à Moulins le 13 décembre 1641. Béatifiée en 1751, elle fut canonisée en 1767 ; et, depuis ce temps, l'Église catholique l'honore sous le nom de sainte Chantal.

Plusieurs fois déjà, elle avait cherché à marier Celse-Bénigne, ce fils chéri qui la charme et qui l'affole: ses succès dans le monde, à l'armée, à la cour, la flattent, quoiqu'elle en ait, mais ses galantes aventures, ses duels surtout, la tiennent en perpétuel émoi. Enfin, en 1623, elle a la grande satisfaction de lui trouver une douce et tendre compagne, selon son cœur; elle espère que les grâces ingénues de Marie de Coulanges, morte en 1633, sauront calmer la fougue du jeune homme et retenir dans ses écarts cette âme orgueilleuse et violente. Hélas ! bien souvent encore l'écho des folies du fils viendra faire trembler la mère, derrière les grilles de son couvent.

En 1625, Celse-Bénigne dont les frasques retentissantes la mettaient au supplice, perd un fils nouveau-né. Puis, en 1627, c'est la fin héroïque de Celse-Bénigne, tué à trente ans, en combattant les Anglais dans l'île de Ré. Son corps, resté aux mains de l'ennemi, fut réclamé par Toiras qui en fit réserver le cœur. Celui-ci aurait été déposé à la Visitation de Paris, avant d'être envoyé chez les Coulanges, à Soisy, avec le corps de sa femme. Le baron de Chantal fut le père de la célèbre madame de Sévigne (Emmanuel Du Jeu, Le témoignage de Jeanne de Chantal).