Partie XVI - Darmstadt   Aspects religieux et philosophiques   
DARMSTADT SCHLEIERMACHER ZIONITES PHILADELPHIA CHRISTIANOPOLIS

L'importance historique de l'œuvre de Friedrich Schleiermacher (Breslau, 1768 - Berlin, 1834) est très grande. Il n'est pas inutile d'en rappeler les principales idées. L'ouvrage dans lequel cette tendance est le plus marquée, et qui sans et qui sans doute a valu à son auteur le plus de célébrité, ce sont ses fameux Discours sur la religion. Le plus important pour nous de ces discours est le deuxième: Sur l'essence de la religion'. Selon Schleiermacher, qui a pleine conscience du caractère révolutionnaire de ce qu'il avance, la religion, prise en sa pure essence, n'a rien à voir ni avec la métaphysique, ni avec la morale. Sans doute, toutes les trois traitent des rapports de l'homme et de l'univers, mais le point de vue est tout autre: La religion ne cherche pas à déterminer des essences, à poser des natures, à se perdre dans un infini de raisons et de déductions, à chercher les suprêmes causes, à énoncer des vérités éternelles. Et de même, elle ne déduit pas des devoirs de l'univers, elle ne peut renfermer aucun code de lois. Elle n'est donc pas un mélange de notions métaphysiques et de préceptes moraux: de ce mélange d'éléments aussi hétéroclites, on ne pourrait jamais faire un composé un. Or la religion est une activité spécifique, qui a son unité irréductible. Et pas davantage, on ne saurait regarder la religion comme un moyen de moraliser. Sans doute, Schleiermacher le reconnaît : la religion se se présente toujours, chez les peuples, mêlée de métaphysique et de morale: c'est que, chez l'homme cultivé, les diverses fonctions de l'âme sont si liées, qu'aucune action n'exprime purement la nature d'une seule. Et de plus, ce mélange permet à la religion de se faire plus facilement accueillir. Mais il faut savoir dépasser les apparences, si l'on veut atteindre la pure essence de la religion, oubliée depuis si longtemps. Cette pure essence, qu'est-elle donc ? Schleiermacher va enfin nous l'apprendre: "L essence de la religion n'est pas Pensée ou Action, mais Intuition et Sentiment (lhr Wesen ist weder Denken noch Handeln, sondem Anschauung und Gefühl) (Science et esprit, Volume 20, Province du Bas-Canada. Facultés de théologie et de philosophie 1968 - books.google.fr).

Le grand-père de Friedrich Schleiermacher était Daniel Schleyermacher né à Gemünden an der Wohra dans la Hesse, fils de Henrich (1668-1739) (Schneidergeselle, Stadtschreiber, Bürgermeister in Gemünden). Gemünden an der Wohra est la patrie de Johannes Daniel Mylius, théologien, musicien et alchimiste (1585 - après 1632), à 40 kilomètres d'Alsfeld où naquit le médecin Ernst Christian Friedrich Adam Schleiermacher, père d'Andreas August Ernst (1787-1858) (www.lagis-hessen.de).

Tous ces Schleiermacher ont ils une ascendance commune ? Andreas connaissait-il le théologien Friedrich seulement de nom ? En tout cas ils sont hessois.

Daniel Schleyermacher est l'un des fondateurs des Zionites.

Philadelphia

On retrouve l'inverse de 1891 : 1681.

En 1681, le roi d’Angleterre Charles II octroya une charte à William Penn en échange de l’annulation d’une dette que le gouvernement devait à son père. Par ce document, la colonie de Pennsylvanie était officiellement fondée. William Penn (1644–1718) était un quaker anglais : il appartenait à ce groupe religieux dissident, persécuté en Angleterre, qui rejetait la hiérarchie ecclésiastique et prônait l’égalité, la tolérance, la non-violence. La Pennsylvanie devint rapidement un refuge pour tous ceux qui étaient opprimés pour leur foi. William Penn partit ainsi en Amérique en 1682 et fonda la ville de Philadelphie. Il souhaitait que cette cité servît de port et de centre politique. Même si Charles II lui en avait donné la propriété, William Penn acheta la terre aux Amérindiens afin d’établir avec eux des relations pacifiques. Il aurait signé un traité d’amitié avec le chef lenape Tamanend à Shackamaxon en 1682. Philadelphie fut aménagée selon un plan en damier, le plus ancien des États-Unis, avec des rues larges et cinq parcs. Mais surtout, William Penn voulait rendre cette ville et la Pennsylvanie plus humaines, en supprimant la peine de mort pour les vols et en garantissant la liberté de culte. Le nom de la ville, emprunté au grec « amour fraternel », reflétait cette ambition. Lorsque William Penn revint d’Angleterre en 1699 après une absence de quinze ans, il trouva une ville agrandie et qui se plaçait juste derrière Boston par sa population. De nombreux immigrants européens, anglais, néerlandais, huguenots, étaient en effet arrivés, attirés par la prospérité de la ville et sa tolérance religieuse. Un premier groupe d’Allemands s’installa en 1683 dans le quartier actuel de Germantown. William Penn donna une charte à la cité le 25 octobre 1701 afin de créer des institutions municipales : un maire, des conseillers et une assemblée (fr.wikipedia.org - Philadelphie, Autour de Rennes le Château : Les Affaires Gélis & Tournesol).

This city (founded in 1682) was not intended, in the manner of the townships of New England, to transform the American wilderness; rather, the internal structure of the city aimed to tame the urban principle itself. [...] The book “Christianopolis,” first published in 1619, is the first utopian work in the German language. The book has received a full reassessment in recent years. The “Christianopolis” is especially important as it is the mother of Pietist utopias. Like any great literature, it can be interpreted in very different ways (Douglas Shantz, A Companion to German Pietism, 1660-1800, 2014 - books.google.fr).

Hopes of salvation and a longing for redemption are especially prominent within Radical, non-church Pietism and separatism. This helped to radicalize the movement and to promote practical changes in the world. So understood, utopian expectations for the future were not merely objects of Radical Pietist longing, but a necessary element of Radical Pietism's self-understanding. This is certainly true of Philadelphian brotherhoods, in which the awakened from all denominations tried to live according to the example of the apocalyptic community of Philadelphia. “And to the angel of the church in Philadelphia write: These things saith he that is holy, he that is true, he that hath the key of David, he that openeth, and no man shutteth; and shutteth, and no man openeth.” (Rev. 3:7). The point of reference of the Philadelphians was the creation of a new Zion, Christ's eschatological kingdom of peace and the day of the restoration of all things. The identification with the concept of Philadelphia went so far that a a programmatic name “Philadelphia” was chosen, not a geographical one. [...]

The Radical Pietist community of the “Zionites” of Ronsdorf is the best example in Germany of a utopian potential leading to active intervention in the world. The Zionites believed themselves to be building the Heavenly Jerusalem. It is therefore deserving of close examination. Ronsdorf is a small sensation that has so far received insufficient attention in Pietism research. [...]

A leading Zionite, Elias Eller, was born in 1690, and had studied Jakob Böhme, Johann Conrad Dippel, and Ernst Christoph Hochmann von Hochenau. The “shephard's bag” was one of two religious texts that Eller wrote between 1726 and 1734. Texts that are rightly considered to be fragments of this “shephard's are located in the archives of the Lutheran Church of the Rhineland in Düsseldorf. More material has surfaced in recent years in Ronsdorf. Eller and his followers saw the Heavenly Jerusalem embodied in the person of Büchel in the first years of the settlement. Anna vom Büchel (1698 - 1743) was refered to at that time as “Mother Jerusalem,” “Ark of the Testament,” “House of God,” etc. A woman as the Heavenly Jerusalem may seem strange at first glance, but Pietist anthropology is better understood today. Even in Catholicism there are cases where women, through the Virgin Mary, identified themselves with the Heavenly Jerusalem. Early on, Eller showed interest in constructing his version of the city of God, Jerusalem, as a physical city in order to break away from Elberfeld, the actual home of the Zionites, and become free of Elberfeld's secular and ecclesiastical legal jurisdiction. It was not just Eller who founded the city of Ronsdorf, but Eller and Büchel together, making it one of the few cities founded by a woman. Instead of the name “Ronsdorf,” the Zionite sources employ mostly the name “New Jerusalem” or “New Zion” for the city. The enthusiastic phase of the city is limited to about thirty years, from the first prophecies of Anna vom Büchel, around 1722, until the death of Elias Eller on May 6, 1750. After the death of the two founders, the specifically Zionite character of community was largely forgotten, not least because people who later moved into the city did not share the Radical Pietist views of its founders. Initially, the Zionites did not intend to found a religious community that was completely separate from the Reformed one; rather, they were content to create an independent community within the Synod. Membership in the intimate Philadelphian society in Elberfeld was only available to a select group, and was never intended to be extended to the entire Reformed congregation. This circle, however, was influenced by Radical Pietist voices especially by Christoph Tuchtfeld and Jane Leade. Manifestations of a Heavenly Jerusalem were put into practice in their own community and also, and even more clearly, in Ronsdorf. This motif had already taken shape in the Philadelphian Society and could subsequently be implemented in the shape of the city of Ronsdorf. Accordingly, as far as the external features of the city were concerned, it was layed out in the shape of a square, and there were communal buildings and a “tabernacle.” The theocratic exercise of authority and the giving of a new name (after Rev 2:17) were the internal features of a concept which was inspired by the idea of a Heavenly Jerusalem. The idea of a new Jerusalem was called upon to create a sense of identity in the use of language, in architecture, in theology and in everyday social life until the mid-eighteenth century. Here was the key to success in establishing settlements, which would not have had such a spectacular development had they been founded “normally.” (Douglas Shantz, A Companion to German Pietism, 1660-1800, 2014 - books.google.fr).

Schleiermacher et piétisme

Frédéric Schleiermacher (1768-1834) a une importance capitale parce qu'il exprime le dualisme du XVIIIe siècle, qui se manifeste dans le piétisme et dans le rationalisme. Chez lui s'unissent le criticisme de Kant et le romantisme religieux de Herder ; car sa pensée se forme alors que prédomine le Sturm und Drang (c'est en 1774 que paraissent Les souffrances du jeune Werther) (André Encrevé, Protestants français au milieu du XIXe siècle: les réformés de 1848 à 1870, 1986 - books.google.fr).

Il ne s'agit pas d'une conscience épidermique, telle celle mise en scène par le vicomte de Chateaubriand, dans cet ouvrage de circonstance qu'était le Génie du Christianisme. Les Discours sur la Religion, de Schleiermacher (1799), précèdent de peu le Génie, paru en 1802 ; mais le livre du jeune théologien de l'Athenaum n'a rien de commun avec l'apologétique superficielle que pratique le brillant écrivain français. renoncer à se prendre pour un père de l'Église, s'il s'était jamais considéré comme tel. Schleiermacher, destiné à une longue vie (1768-1834), devait, sur les fondements romantiques des Discours sur la Religion, interprétation en profondeur de la subjectivité religieuse, construire une théologie et une dogmatique, qui auront une influence considérable sur les destinées de la pensée réformée au XIXe siècle et au-delà. Schleiermacher et Novalis, comme plus tard Kierkegaard, s'inscrivent dans la lignée du piétisme, conversion de l'être à la révélation de l'intériorité, par opposition au conformisme massif des églises. La voie romantique, recours aux profondeurs religieuses, sera une attitude d'adhésion fervente à une réalité qui appelle l'âme humaine, du dehors et du dedans, et l'absorbe dans son unité. Les théologiens dogmatiques, prompts à fabriquer des hérésies, détecteront des menaces d'immanentisme, de panthéisme; ils verront dans ce subjectivisme religieux la marque d'une anarchie du sentiment, rebelle à l'autorité de Dieu, dont dont les représentants qualifiés sont l'église instituée et ses prêtres selon l'ordre de la hiérarchie. Dans le romantisme allemand, l'inspiration religieuse est éclatante et la marque piétiste indiscutable; les adversaires du romantisme seront soit des esprits irréligieux, anticléricaux résolus, qui soupçonnent partout les machinations des curés, soit encore des cléricaux intégristes, défenseurs de l'orthodoxie, aux yeux desquels le romantisme est une maladie de la foi, un délire non respectueux des articulations intellectuelles de la saine théologie. une dérive du piétisme vers l'ordre, du protestantisme vers le catholicisme, marquée par des conversions retentissantes, dont celles de Frédéric Schlegel et de sa femme, celle de Zacharias Werner, ou l'évolution de Clemens Brentano. Le passage d'une obédience à une autre manifeste l'importance accordée à la profession rigoureuse de la foi. Ces conversions répondent à un besoin de sécurité chez des êtres faibles et incertains, incapables de supporter, à la longue, cette tension extrême entre le fini et l'infini, que décrivait Schleiermacher. Frédéric Schlegel, Clemens Brentano, romantiques profonds, découvrent que le romantisme est une maladie mortelle; de cette maladie, ils essaient de guérir en entrant dans le sein de l'Église romaine, qui les délivrera d'eux-mêmes et ensemble les sauvera du romantisme (Georges Gusdorf, Le romantisme: Le savoir romantique, 1993 - books.google.fr, Autour de Rennes le Château : Les Affaires Gélis & Tournesol).

Le prince Frédéric-Auguste-Charles, troisième fils du grand-duc de Hesse-Darmstadt, né le 4 mai 1788. Pour le féliciter de son retour à l'Église catholique, et répondre en même temps aux lettres qu'il en avait reçues, notre saint-père le pape Pie VII lui adressa, le 6 janvier 1818, un bref plein d'une tendresse paternelle (René François Rohrbacher, Histoire Universelle de l'Esglise Catholique, Tome 28, 1859 - books.google.fr).

Il n'est pas évident aux yeux de Schleiermacher que l'unité visible, comme nous dirions aujourd'hui, soit pour ici-bas. Du moins l'Église une dont il rêve et qu'il a aidé d'ailleurs à mettre en œuvre lors de la réalisation de l'Église évangélique unie de Prusse, est une Église très pluraliste, très ouverte aux différences doctrinales, liturgiques, juridiques. De toute manière, il ne peut y avoir d'unité doctrinale dans la mesure où il ne peut y avoir de confession qui lie, car ce serait fixer une fois pour toutes une interprétation authentique de l'Écriture sainte. Mais, quelle que soit la possibilité, souhaitable en soi, d'une unité plus grande des Églises, une chose est absolument nécessaire dans l'optique de Schleiermacher, c'est la communion des chrétiens et des Églises entre eux. Rien n'est davantage chrétien que la tendance d'entrer en communion avec tous les chrétiens (Die christliche Sitte). Et la Foi chrétienne affirme que « la suppression totale de la communion entre les différentes parties de l'Église visible est contraire au christianisme ». Là donc où une communauté s'affirme chrétienne en confessant le Christ, toutes les autres communautés chrétiennes ont le devoir de rechercher une relation quelconque avec elle (Die christliche Sitte). Il y a plusieurs degrés dans cette relation, le minimum étant que les étant que les deux partis dialoguent « sur la base d'une reconnaissance mutuelle » (Die christliche Sitte) (Marc Lienhard, Identité confessionnelle et quête de l'unité: Catholiques et protestants face à l'exigence oecuménique, 2007 - books.google.fr).

Le Piétisme renforce le Luthéranisme originel par une intensification de la dimension personnelle du christianisme.