Partie XIII - La Croix d’Huriel   Les sommets de La Croix d’Huriel   

Fronsac - 1er mars

Le récit d'un voyage en Terre sainte par un maire de Bordeaux au XIVème siècle a pour auteur un inconnu, Thomas Brygg, probablement écuyer ou chapelain du principal personnage de la narration, Thomas de Swinburne, chevalier anglais, alors châtelain de Guines et qui devint plus tard maire de Bordeaux et châtelain de Fronsac. Partis de Guines le mardi 6 août 1392, les voyageurs s'embarquent à Venise le 2 septembre en compagnie des chevaliers allemands Hans de Hoske et Snult de Selau et de sept écuyers tchèques et allemands. Ils arrivent à Alexandrie le 20 octobre et y restent 10 jours; ils sont le 3 novembre au Caire, en repartent le 8 et arrivent au Sinaï le 19. Le 22 ils se remettent en route, passent à Gaza le 3 décembre, le 7 à Hébron, le 8 à Bethléem et rentrent le 9 à Jérusalem. Ils ne mettent que huit jours à visiter la ville et les environs et repartent le 17 décembre pour Damas, où ils parviennent le 25. Le 3 janvier 1393, ils étaient de retour à Beyrouth où ils attendirent douze jours un vaisseau en partance pour Rhodes. Tel fut le voyage tel que le résume M. le comte Riant. Un compte des dépenses des 159 jours du voyage, termine le récit et nous montre ce que pouvait coûter alors de temps et d'argent le pèlerinage de terre sainte pour un riche chevalier et sa suite. Il est remarquable que Brygg ne dise pas un mot de l'horrible drame dont la Cité Sainte avait été le théâtre l'année précédente.

De divers autres documents anglais il résulte encore que le roi Richard II avait nommé le futur pèlerin cbâlelain de Guines pour deux ans, le 8 février 1491, que Thomas devint maire de Bordeaux le 8 mars 1401, châtelain de Fronsac le 1er mars 1408, qu'en 1404 il figure au nombre des ambassadeurs anglais résidant à Calais pour les affaires de Flandre, et qu'enfin il parait avoir en 1405 cumulé les fonctions de maire de Bordeaux avec celles d'amiral. En 1392, probablement avant de partir pour la Terre-Sainte, il institua son représentant en Angleterre son parent, sir William de Swinburne, de Northumberland. Il s'intitule dans cet acte « Thomas de Swinburne, of East Mersey (Essex), lord of Gunnerton and Knaresdale ». J'ajouterai que la même année, mais six mois avant lui, un autre chevalier anglais, William de Lisle « de caméra Régis » qui figure aussi au nombre des ambassadeurs de 1404. Il parait être parti aussi pour la Terre-Sainte.

On a communiqué à M. le comte Riant deux épitaphes françaises, gravées sur deux dalles funéraires de l'église de Little Horkesley, Essex, desquelles il résulte que Thomas de Swinburne, fils de Robert de Swinburne, mourut en 1415.

La maison de Swinburne compte encore aujourd'hui d'assez nombreux représentants, parmi lesquels figure le poète éminent Algernon C. Swinburne. C'est au frère de ce dernier, M. Edward Swinburne (de Buckerell, Honiton, Devon) que l'on doit les deux épitaphes françaises (Archives de l'Orient latin, Volume 2, Société de l'Orient latin, 1884 - books.google.fr).

Algernon Charles Swinburne est un poète anglais né, dans une vieille famille aristocratique, à Grosvenor Place, Londres, le 5 avril 1837 et mort le 10 avril 1909 dans cette même ville. Persuadé que l’un de ses ancêtres avait apporté son aide généreuse à la cause perdue de Marie Stuart, personnage fatal à qui il consacra une trilogie théâtrale, il fut très attaché à la réputation héroïque ou chevaleresque de ses ancêtres ainsi qu’à leur haute noblesse. son grand-père paternel était né en France et parlait couramment notre langue. C'est grâce à lui et à sa mère que le futur poète devait apprendre très jeune le français et l'italien.

Incapable d’aimer, ou de haïr, une autre femme qu'elle, le poète ne put jamais entretenir avec les femmes que des relations imaginaires, sublimées dans des rêves de souffrances et symbolisées par son goût fétichiste pour les femmes fatales, telles Marie Stuart, Lucrèce Borgia ou Vénus, ce qui ne faisait que masquer ses tendances homosexuelles et conforter sa perversion sado-masochiste. En 1849, il partit pour Eton où il fit l’expérience de la flagellation, alors considérée comme une méthode d’éducation banale. Mais bien plus qu’une épreuve inévitable, ce fut plutôt pour lui une rencontre signifiante, abondamment décrite, avec ses affres et la jouissance qui y était liée. Entré à Oxford en 1856, Swinburne y approfondit encore sa culture littéraire. Il y fit également des rencontres déterminantes, se liant par exemple avec un patriote italien, Aurelio Saffi, ou avec les préraphaélites, Dante Gabriel Rossetti, John Everett Millais et William Holman Hunt.

D’autres lectures furent également essentielles : Baudelaire et ses Fleurs du mal, Victor Hugo et Sade, découvert en 1861, et dont la manière et la théorie satisfaisaient la perversion de Swinburne à laquelle s’ajoutait désormais une tendance à l’alcoolisme de plus en plus prononcée.

En 1868, Swinburne loua avec un ami une maison à Étretat en Normandie. Le jeune Guy de Maupassant le sauva de la noyade dans une mer mauvaise. Pour le remercier Swinburne le reçut à dîner accompagné d'un autre Anglais excentrique, nommé Powel. La rumeur prête aux Anglais des mœurs étranges, l'inscription au-dessus de la porte d'entrée proclame leurs préférences sexuelles : Chaumière de Dolmancé. Le mode de vie des habitants ne dément pas cette allusion au personnage de Sade. Maupassant en eut une forte impression : il y vit une tête de mort dans une coquille rose sur une table, des tableaux étranges, une guenon tout habillée. Un petit domestique de treize ou quatorze ans, venu d'Angleterre, fait le service. Maupassant comprit, au bout de trois visites les mœurs de la maison.

Swinburne est considéré comme un décadent et fut associé au préraphaélisme. Par leur forme ou leurs références, un grand nombre de ses poèmes évoquent la fascination victorienne pour le Moyen Âge. On peut citer à cet égard « The Leper », « Laus Veneris », et « St Dorothy ». On peut citer encore l'"Hymne à Proserpine", "Le Triomphe du Temps" et "Dolores - Notre-Dame-des-Sept-Douleurs". (swinburnearchive.indiana.edu - Algernon Charles Swinburne, www.jose-corti.fr - Swinburne, fr.wikipedia.org - Algernon Swinburne).

Michel et la pierre de dragon

Saint Michel est associé à Fronsac (Sot pécheur et Par ce signe tu le vaincras 2). Saint Michel est le combattant victorieux du Dragon, tel est-il représenté le plus souvent.

La Pierre de Dragon, ou Draconite, est une Pierre demi-transparente que quelques anciens Naturalistes ont prétendu se trouver dans la tête du dragon.

Ailleurs, la « Pierre de Dragon » se trouve dans la queue du monstre. Dans le récit archaïque gallois de la Quête du Graal, le héros Peredur (Perceval) est confronté à un énorme serpent. L'un de ses informateurs, qui est borgne, lui explique comment il a perdu un œil : « Il y a un monticule qu'on appelle le Tertre Douloureux (Cruc Galarus), et sur ce monticule il y a un carn, dans le carn un serpent, et dans la queue du serpent une pierre. La pierre a cette vertu que quiconque la tient dans une main peut avoir dans l'autre tout ce qu'il peut désirer d'or. C'est en me battant avec le serpent que j'ai perdu mon œil »

Cela est assez significatif, d'autant plus que dans le langage des Alchimistes, la queue du dragon est une image symbolique qui intervient dans le déroulement des opérations du Grand Œuvre. De plus, après avoir tué le serpent et pris la pierre, Peredur la donne à son compagnon Etlym Gleddyfcoch. Or ce compagnon est décrit comme un chevalier rouge et son surnom signifie à l'Épée rouge. On ne peut douter du rapport qui existe entre la tradition du Graal et celle des Alchimistes, même s'il est vain de rechercher dans les différents récits de la quête une recette pour obtenir la Pierre Philosophale. Et ne parlons pas de la Pierre d'Invisibilité que la mystérieuse Impératrice donne à Peredur pour lui permettre de tuer l'addanc, épreuve qui permet au héros d'atteindre la grotte où se cache le grand serpent qui détient la Pierre Philosophale. (Jean Markale, Le Mont Saint-Michel et l'énigme du dragon, 1987 - books.google.fr).

L'invisibilité et la pierre de dragon de Peredur semble être une réminiscence de l'histoire antique de Gygès, berger de Lydie, selon Platon, qui trouva un anneau qui rendait son porteur invisible et qu'il trouva sur un cadavre dans un cheval de bronze. La femme de Candaules, dont Hérodote tait le nom, s'appeloit Nyssia, selon Héphaestion. On prétend qu'elle avoit une double prunelle, et que, par le moyen d'une pierre de dragon, sa vue étoit très-perçante, en sorte qu'elle apperçut Gygès dans le temps qu'il sortoit. Quelques-uns disent qu'elle s'appeloit Tudous, quelques autres Clytia, et Abas la nomme Abro (Hérodote, Histoire, traduit par Larcher, 1802 - books.google.fr).

La Draconite est une Pierre dure & ronde qui peut se polir ; elle a le fond noir, avec des taches jaunes ou blanches, imitant la peau d'un Dragon. On la trouve en Suisse. On connaît la célèbre Pierre de dragon de Lucerne (Antoine-Joseph Dézallier d'Argenville, L'histoire naturelle éclaircie dans une de ses parties principales: l'oryctologie, qui traite des terres, des pierres, des métaux, des minéraux, et autres fossiles, 1755 - books.google.fr).

Il est curieux de trouver le dieu gallo-romain et l'archange chrétien associés dans le nom d'une bourgade de Vendée, Saint-Michel-Mont-Mercure. De même, en haut du Rigi, a été bâtie une chapelle de Saint-Michel ; au bas de la montagne s'étend le lac de Lucerne, où nous avons reconnu le culte du dieu Lug (Paul Monceaux, Le grand temple du Puy de Dôme, Revue historique, Volume 36, 1888 - books.google.fr).

Douze bailliages intérieurs, dont les baillis résident dans la ville de Lucerne, dont le canton est le premier des catholiques de Suisse où résidait le nonce apostolique, parmi ceux-là, le bailliage de St. Michel ou de Munster est administré par un baillis du petit-conseil, que l'on y établit tous les deux ans. II comprend le gros bourg de Mûnnster, sur la petite rivière de Winna, doit son origine à un couvent de Bénédictins, fondé par le comte Béron, dont les descendants prénoient le titre de comtes de Lenzbourg, & ce couvent porte aujourd'hui le nom de chapitre ou de prévôté de St. Michel.

Cysat révèle aux plus sceptiques que Lucerne conserve une autre pièce à conviction de la réalité des dragons du Pilate. Par un torride jour d'été de l'an 1421, vers midi, comme le paysan Stampfli de Rotenburg était occupé à faucher un pré, un dragon enflammé le survola, dans son trajet du Rigi au Pilate. L'animal volait à si basse altitude, que sous l'effet de la chaleur et de la puanteur, le campagnard s'évanouit. Revenu à lui, il eut le temps de voir le dragon s'éloigner dans les airs, et découvrit qu'il avait laissé tomber quelque chose. Cela ressemblait à une flaque de sang, et Stampfli, y fourrageant avec un bâton, réussit à en extraire un objet arrondi. Le paysan conserva cette « pierre de dragon ». Cysat donne une description enrichie de croquis de ce minéral. La draconite a été transmise dans la famille de son découvreur, qui lui attribuait des pouvoirs thérapeutiques. Des rois et des sénateurs de Venise tentèrent vainement de l'acquérir, pour en orner leurs cabinets de curiosités (Michel Meurger, Histoire naturelle des dragons: un animal problématique sous l'oeil de la science : essai, 2001 - books.google.fr).

Elle est ronde, à-peu-près comme une boule, partagée en 3. Compartimens, comme un globe en trois zones, dont les deux exterieurs sont bruns, ou d'une couleur noirâtre, tirant sur le rouge, & celui du milieu est blanc, tirant sur le jaune, & marqueté de diverses couleurs. Elle est du poids de neuf onces. Elle a des proprietez admirables pour guèrir diverses maladies, comme la peste, les pertes de sang, à hommes & à femmes, & toutes sortes de flux immoderez (Abraham Ruchat, Les delices de la Suisse, une des principales républiques de l'Europe, 1714 - books.google.fr).