Partie VI - Le carré SATOR   Chapitre XLIV - Perceval   

Le carré SATOR a servi à nommer les cinq clous de la crucifixion du Christ. En effet une prière copte attribuée à la Vierge y fait mention :

Je vous en prie, ô mon Fils bien aimé, par votre merveilleuse naissance,

Je vous le demande par les cinq clous

qui traversèrent votre corps sur la croix glorieuse et sont :

SADÔR, ‘ALADOR, DANAT, ‘ADERA, RÔDAS,

Je vous en prie par les quatre animaux

qui portent le trône de votre majesté et dont les noms sont

‘ALFA, LÊWON, KUANA, et ‘AYAR[1]

Que les clous soient au nombre de cinq est étonnant ; c’est plutôt le nombre des plaies du Christ. Dès le Vème siècle on commence à voir en Occident des Christ en croix, mais comme Dieu vivant et triomphant. Au VIème siècle, Grégoire de Tours s’offusquera du crucifix de Saint Géniès de Narbonne, ce qui montre la nouveauté de la chose. A partir du XIème siècle, une évolution de la dévotion amène un changement dans la représentation. Le crucifié est alors mort, dans une attitude plus réaliste. On compte 4 clous au haut moyen âge, puis 3 généralement à partir du XIIIème. Le cinquième clou peut être celui qui servit à fixé le panneau sur lequel était inscrit l’INRI. Cependant la prière parle des 5 clous qui traversèrent le corps. Le cinquième reste donc bien mystérieux. On trouve chez Philostrate, la figure mythologique grecque d’Ixion supplicié attaché par le « quintuple lien », les deux chevilles, les deux poignets et le cou liés les uns aux autres, comme le héros irlandais Cuchulain et l’Egyptien Osiris du livre des morts[2].

5 sont aussi les dénominations ou voces, identifiées à partir de l’œuvre d’Aristote par le philosophe phénicien du IIIème siècle Porphyre, qui deviendront les universaux dont la « réalité » sera discutée durant tout le Moyen Âge : le genre, l’espèce, la différence, le propre et l’accident. L’universel est l’attribut essentiel applicable à une pluralité de choses différant entre elles spécifiquement, comme l’animal par exemple. Le genre est « ce sous quoi est rangée l’espèce ». L’espèce est ce qui est rangé sous le genre et ce à quoi le genre est attribué essentiellement. L’espèce spécialissime est l’attribut qui s’applique essentiellement à une pluralité de termes différant entre eux numériquement. La différence fait les individus de qualité autre mais aussi un être autre. Les différences divisent le genre supérieur et constituent les espèces inférieures, chaque espèce, sauf la spécialissime, étant genre pour les espèces subalternes. Le propre est ce qui appartient à une seule espèce, à toute, et toujours. L’accident est « ce qui se produit et disparaît sans entraîner la disparition du sujet ».[3]

 


[1] Cité par G. de Jerphanion, « La voix des monuments », Les éditions d’art et d’histoire, p. 51

[2] Robert Graves, « Les mythes grecs », tome I, Hachette, p. 226

[3] Alain de Libera, « La querelle des universaux, de Platon  à la fin du Moyen Âge », Seuil, p. 42-47