Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre XXIV - Une traversée du siècle   

Né à Jarnac le 26 octobre 1916, année de la bataille de Verdun qui fit 700 000 morts, Allemands et Français confondus, François Mitterrand est issu d’une famille de fervents catholiques. Son père, cheminot puis vinaigrier en succédant à son beau-père, était membre de la Conférence Saint-Vincent-de-Paul qui secourait les pauvres. Sa mère, « pieuse et ascète [1]», n’impose cependant pas ses convictions à ses enfants, 2 garçons et 4 filles. Interne au collège religieux Saint-Paul à Angoulême jusqu’à son bac, il monte à Paris pour faire des études de droit et de sciences politiques. Proche de l’Action française, il publie son premier article dans le journal de droite L’Echo de Paris. En 1934, il adhère aux Volontaires nationaux, mouvement de droite de jeunesse de la Ligue des Croix-de-Feu, fondée par le colonel de la Rocque. Celui-ci respecta toujours la légalité républicaine et fonda après 1940 un réseau de résistance militaire. Il sera déporté en Allemagne. On lui refusera la carte de déporté à la Libération, ce pourquoi, en 1961, le gouvernement présentera ses excuses à sa veuve. Diplômé en juin 1937, Mitterrand commence son service militaire en septembre. Mobilisé, il est blessé et fait prisonnier par les Allemands en juin 1940. Son internement dans un stalag dont il réussira à s’évader au bout de la troisième tentative fin 1941, semble provoquer chez lui un affaiblissement de la foi de sa jeunesse. Il écrira, à l’occasion de la mort d’un codétenu :

« Qui et-tu, jeune mort ?

Ta face, humble trésor

Se défait à mesure

Qu’on gagne une encolure

Sur le chemin si long

Que tes trois compagnons

Ne pensent plus déjà

Qu’au tranquille au-delà

Qui les ramènera

Au royaume des rats »

De retour en France, il trouve un emploi à Vichy grâce à un ami de sa mère en janvier 1942. Il rédige des fiches sur les « antinationaux » gaullistes et communistes à la Légion des combattants.  Le régime de Vichy fut installé par le vote de l’Assemblée du 9 juillet 1940. Le maréchal Pétain, né à Cauchy-à-la-Tour en 1856 et mort en l’Île d’Yeu en 1951, avait succédé à Paul Reynaud (Barcelonnette, 1878 – 1966), démissionnaire alors que le gouvernement s’était replié sur Bordeaux, à la présidence du Conseil, le 17 juin. Il devenait chef de l’Etat français le 10 juillet.

C’est en février 1942 que débute le procès de Riom au cours duquel sera jugé en particulier Léon Blum pour  qui Mitterrand éprouvera de l’admiration des années plus tard.


[1] Franz-Olivier Gisbert, « François Mitterrand ou la tentation de l’histoire », Seuil, p. 15