Si le comte de Saint-Germain nous intéresse ici, c’est qu’il intervient dans l’Histoire de France, fréquentant Versailles et le roi Louis XV, et qu’il est mort à Eckernförde dans le Schleswig, sur les tracés des nonagones allemands, à la date nonagonale du 27 février 1784, officiellement, et enterré le 2 mars. Le nom de Saint-Germain serait un pseudonyme. Il aurait confié au landgrave de Hesse qu’il était « Sanctus Germanus, le saint frère ». On connaît un peu de sa vie grâce aux témoignages de personnes qui l’on rencontré comme la femme de chambre de la marquise de Pompadour, Madame du Hausset, et de Madame de Gergy. Ne comptons pas sur les Mémoires de la comtesse d’Adhémar qui sont apocryphe et dues au faussaire Lamothe-Langon. Saint-Germain était connu en Angleterre en 1743 où il passait pour un espion. Il fut arrêté car suspecté d’être un partisan des Stuart. De 1746 à 1756, il se fixe dans ses terres en Allemagne où il se consacre à la chimie et à l’étude des colorants. On le retrouve en France en 1758. Il écrivit au frère de la marquise de Pompadour, maîtresse du roi, qu’il possédait un secret quant à la teinture des étoffes et voulait en faire profiter la France en échange d’une maison où il pourrait installer sa suite. Le marquis de Marigny, le frère de la marquise, mit à la disposition du comte le château de Chambord. Introduit à la cour, Saint-Germain gagne la confiance de Louis XV qui lui accorde des entretiens privés. Son humour et son esprit charment tandis que ses connaissances historiques alimentent la rumeur qu’il est immortel. Voltaire écrivit au roi de Prusse : « C’est un homme qui ne meurt jamais et qui sait tout ». Ce à quoi Frédéric II répond : « C’est un conte pour rire ». Madame de Gergy, qui fut ambassadrice à Venise, croit reconnaître en lui un homme qu’elle rencontra là-bas en 1700, près de soixante ans plus tôt, plus âgé qu’il ne l’est alors. Il aurait déclaré à Madame de Pompadour qu’il s’amusait, non à faire croire, mais à laisser croire qu’il avait vécu dans les temps anciens.
Ses connaissances scientifiques ne font pas de doute. Monsieur de Coblenzl, ministre plénipotentiaire de l’impératrice Marie-Thérèse, en témoigne : « J’ai trouvé en lui l’homme le plus étrange que j’aie connu de ma vie. Il possède de grandes richesses, et vit très simplement ; il est d’une probité étonnante et possède une bonté digne d’admiration. Il a une connaissance approfondie de tous les arts. Il est poète, musicien, écrivain, médecin, physicien, chimiste, mécanicien, peintre ; bref, il a une culture générale comme je n’en ai rencontrée chez aucun homme ». Il avait la réputation de faire disparaître les tâches sur les diamants. Louis XV lui confia une pierre avec un crapaud. Saint-Germain lui assura qu’un mois plus tard il l’a rapporterait sans défaut. Ce qu’il fit, faisant gagner au diamant près de 4000 livres, si c’était bien le même. Un autre jour, à Tournai où il avait créé une fabrique pour la teinture de la laine et de la soie, il reçut Casanova qui raconte dans ses Mémoires la transmutation d’une vile pièce de monnaie en or.
Louis XV lui confia par l’intermédiaire du ministre de la Guerre, le maréchal-duc de Belle-Isle, petits-fils de Fouquet, une mission diplomatique officieuse en Hollande. Il s’agissait de sonder l’ambassadeur d’Angleterre aux Pays-Bas au sujet d’une paix séparée avec la Grande-Bretagne – nous étions en pleine guerre de 7 ans. Choiseul, qui n’avait pas été tenu au courant, en tira ombrage et réussit à exiler le comte qui gagna l’Angleterre, la Russie puis l’Italie. En 1776, il est en Saxe, puis passe en Prusse. Le prince Charles de Hesse, né le 19 décembre 1744 à Kassel, lui offrit finalement l’hospitalité et se proclama disciple du comte. Il écrit dans ses Mémoires que Saint-Germain se disait fils du prince François II Rakoczi et de Charlotte Amélie de Hesse Rhein Felds. Saint-Germain meurt donc en 1784, à 93 ans selon l’âge qu’il reconnut lui-même, mais son nom apparaît, semble-t-il, dans un compte rendu d’une convention maçonnique qui se tint en 1785 et où il prit la parole. L’imaginative Madame Blavatski, puis le savant anglais Leadbater le rencontrent au Tibet respectivement fin XIXème et début XXème. Certains théosophes le considèrent comme un de leurs « maîtres invisibles ». La chanteuse Dalida le « ressuscita » dans les années 70, lui assurant une nouvelle renommée.