Comment ne pas parler de Richelieu, puisque la cité de Richelieu se trouve sur la diagonale du grand nonagone Sommet en Manche – Rennes-le-Château.
Richelieu se constitua un véritable empire constitué de bénéfices ecclésiastiques, de possessions terriennes et de gouvernements. Ne sont cités que les lieux en relation avec les nonagones, parmi la multitude de biens qu’il possédait.
Les bénéfices ecclésiastiques
La pratique de la commende s’était développée, qui permettait à des personnes extérieures à un ordre, voire des laïcs, de devenir abbé ou prieurs de monastères et d’en percevoir les revenus.
En général, Richelieu affermait ses commendes par des contrats extrêmement détaillés, les baux. Il ne craignit pas de faire affaire avec des protestants, Tallemant et ses parents Henri de Louvigny et Olivier Bidé.
Richelieu devint abbé de l’abbaye de Redon en 1621, par la grâce de Marie de Médicis qui en avait la nomination. Lorsque la reine mère l’avait proposé à l’évêque de Luçon, le principal ministre de Louis XIII, Luynes, la réclama pour un de ses clients. Richelieu, qui n’avait pas encore assez de titres pour lui disputer, céda en échange d’autres bénéfices. Mais finalement Luynes y renonça et Richelieu devint abbé de Redon.
En même temps que Redon, Richelieu acquit l’abbaye de Moreilles qui « n’est qu’à une lieue de Luçon, meslée parmy tout mon bien ». Richelieu devint abbé de Cîteaux par un montage où chacun trouva son compte. Il céda l’abbaye de Moreilles à Emery de Bragelongne qui se désista de son évêché de Luçon en faveur l’ancien abbé de Cîteaux Nivelles.
En 1634, les moines de l’abbaye Saint-Arnoul de Metz l’élirent coadjuteur, avant qu’il n’en devienne abbé en 1638.
A sa mort, Richelieu était à la tête de 15 abbayes, quatre prieurés et du généralat de Chezal-Benoît.
Les terres
La terre de Richelieu
Richelieu doit son nom à la petite seigneurie du même nom qui se trouve au sud de Chinon, qu’il acheta dans les années 1620, poursuivant les investissements de son frère Henri du Plessis, mort en 1619 en duel. Richelieu faisait déjà partie du patrimoine familial mais avait due être mis en vente pour régler la succession paternelle. Couronnant son ascension, l’érection de la terre de Richelieu en duché-pairie en 1631 fut accordée par le roi par lettres patentes au Cardinal. Cependant il dut indemniser les officiers des tribunaux royaux affectés par la création de cette nouvelle entité administrative, dépense assumée toute sa vie et au-delà. Richelieu fut érigé en élection en 1634, et les commissaires royaux y allégèrent le poids de l’impôt. Le Cardinal voulut faire de cette cité une ville idéale, symétrique et de forme rectangulaire, et y employa comme architectes les Le Mercier. Ce projet s’inscrit parmi ceux des grands seigneurs qui mirent en chantier des villes nouvelles : Sully avec Henrichemont en 1608, et Charles de Gonzague, duc de Nevers, avec Charleville (Charleville-Mézières) en 1610. Richelieu accueille dans sa ville les prêtres de la Mission ainsi que leur fondateur, saint Vincent Depaul.
Le Cardinal décora son château avec des oeuvres de peintres français et italiens. Il fit accrocher aux murs du cabinet du Roi les scènes mythologiques de Mantegna, du Pérugin et de Lorenzo Costa qui avaient orné le studiolo d'Isabelle d'Este à ferrare. Il leur fit joindre trois (ou quatre selon Bellori) toiles de Poussin dont il connaissait la notoriété. Les trois oeuvres, réalisées vers 1635-1636 à Rome, qui existent encore sont Le Triomphe de Pan, Le Triomphe de Silène, et Le Triomphe de Bacchus. Dans Le Triomphe de Pan, on peut voir l'homme appuyé sur sa jambe gauche, attitude que l'on retrouve dans Les Bergers d'Arcadie, inspirée de Raphaël et plus avant encore d'une fontaine des Jardins Cesi à Rome. Au dessus de la cheminée du cabinet fut placée La libéralité de Titus de Jacques Stella (Lyon, 1597 - Paris, 1657). Poussin offrit à son ami Stella, en 1657 peu avant sa mort, le tableau de La Naissance de Bacchus qui juxtapose la naissance du dieu et la mort de Narcisse. Peut-on y voir la métaphore d'une évolution psycholigique ? La naissance du dieu symbolise, selon la philosophie stoïcienne à laquelle était attaché Poussin, l'apparition du Logos dans le monde. Ajoutons que, selon Félibien, Poussin peignit " quelques Bacchanales " en une loge du jardin du château de Cheverny, avant 1622.
Les villes nouvelles
En 1558 enfin, trente ans donc après l’Utopie de More, Vespasiano Gonzaga (1531 - 1591) passe à l’acte, en créant ex nihilo au sud-ouest de Mantoue la ville de Sabbioneta, destinée à devenir la nouvelle capitale de son duché et dont la réalisation s’étalera sur les quelque quarante années de son règne. Un cousin français de Vespasiano, Charles de Gonzague, importera en France le goût des villes nouvelles, en lançant en 1606 la construction de Charleville, que suivront en 1608, à l’initiative de Sully, Henrichemont, et en 1631, à l’initiative du cardinal ministre, Richelieu.
Sabbioneta s’abrite derrière une monumentale muraille hexagonale renforcée à chaque sommet par un bastion triangulaire. Son plan en étoile évoque irrésistiblement celui des places fortes imaginées par Francesco di Giorgio Martini au siècle précédent, et annonce celui qui sera donné par Scamozzi à la citadelle vénitienne de Palmanova, en 1593. Construite près d’Udine, la citadelle de Palmanova adopte un plan radioconcentrique, “le plus beau(...)de la Renaissance”(Lavedan, op. cit., p. 16.), à l’intérieur d’une fortification bastionnée en forme d’étoile à neuf branches. L’un des cinq provéditeurs chargés par le Sénat de la Sérénissime de superviser l’opération était le sénateur Marc Antonio Barbaro, frère aîné de Daniele Barbaro, lui patriarche d'Aquileia. "Ami de lettrés et d'artistes, de Bembo à Alvise Cornaro, de Varchi à Della Casa et à Sperone Speroni, peint par Véronèse, Daniele Barbaro a le mérite d'avoir publié, en dehors de la "Pratica della prospectiva" (un ouvrage sur la perspective) et d'autres écrits, la traduction et le commentaire du traité de Vitruve, aux illustrations duquel collabora Andrea Palladio" (M. Murano & Paolo Marton, Civilisation des villas vénitiennes, Mengès P. 209). Andrea Palladio devait construire pour les deux frères l'une des plus belles villas qu'il ait jamais conçues, à Maser, au nord-ouest de Trévise (Philippe Cardinali, De la cité idéale à la ville utopique, 1997).
Sabbioneta n'est pas en plan centré et l'étoile à 6 branches des fortifications n'est pas régulière, contrairement à Palma Nova.
Les règles régissant la création de l'architecture et des cités idéales aux XVe et XVIe siècles eurent rarement l'occasion de s'appliquer autrement que dans des édifices isolés ou des interventions urbaines limitées. La construction de Palmanova, près de Venise, est une exception de taille. Cette ville fortifiée fut conçue par un architecte militaire, probablement Giulio Savorgnano, avec la participation de Vincenzo Scamozzi. Malgré un certain laxisme dans les détails, son agencement en toile d'araignée est dans l'ensemble conforme aux idées de l'époque sur la ville fortifiée idéale. Constituant le premier atlas de plans de villes, les six volumes des Civitates Orbis Terrarum publiés à Cologne de 1572 à 1617 apparaissent comme le complément du premier atlas du monde, le Theatrum Orbis Terrarum édité à Anvers par Abraham Ortelius en 1570 ("Nova Palmæ civitas in patria Foroiuliensi ad maris Adriatici ostium contra Barbarorum incursum à Venetis ædificata" - Extrait de Georg Braun et Frans Hogenberg, Civitates Orbis Terrarum, vol. V, Cologne, 1598) (expositions.bnf.fr - Utopie).
Plan de Palma Nova, Georg Braun et Frans Hogenberg, Civitates Orbis Terrarum, vol. V, Cologne, 1598
Autres terres
En 1623, Richelieu acquiert le château, qu’il fit embellir à grands frais, et le comté de Limours de la famille de Hurault de Cheverny, qu’il revend à Louis XIII pour constituer un apanage à Gaston d’Orléans.
L’achat de Faye-la-Vineuse en 1626 le délia de lien de vassalité à un homme avec lequel il était en conflit permanent. Le baron Jean Gillier lui vendit pour une somme dont les deux tiers allèrent à ses créanciers. Ses acquisitions dans la région d’Anjou-Poitou ne firent alors qu’aller croissant avec les difficultés financières du duc de Roannez.
Mouy fut racheté à un seigneur mort ruiné. Claude Gallart, receveur de la cour du Châtelet à Paris, remit au cardinal un reçu de 108 000 livres en 1626 alors que celui-ci ne finit de payer que 5 ans plus tard, ne recevant une véritable quittance qu’en 1633. Cela ne l’empêcha pas de percevoir les revenus de la terre depuis la vente.
En 1628, le cardinal fait l'acquisition de Saint-Thomas-de-Conac et engagera les travaux d'asséchement des marais.
Il acheta, en 1640, la baronnie de Barbezieux pour 330 000 livres dont 280 000 servirent à rembourser les dettes de la maison de Rocheguyon. La famille la revendit en 1676 pour 260 000 livres sans doute au père de Louvois, Michel Le Tellier.
Le domaine royal
Le domaine royal présentait une grande diversité d’aspects qui intéressait vivement les investisseurs.
Richelieu acheta en 1629 les greffes du tribunal royal de Chinon alors qu’à la même époque la princesse de Conti avait de céder des terres à la couronne en échanges de biens du domaine royal, dont Chinon faisait partie. En 1630, le conseil ordonnait, pour défrayer la princesse, la vente, entre autres, de Chinon, acquis par Richelieu. Condé, son beau-frère, contesta la vente à sa mort. Richelieu ruina ses prétentions et avançait ses pions pour éliminer la famille Condé de sa province. En 1641, il vendait la plupart de ses greffes, Rouen, Caen, Pontoise, Chinon…
En 1627, Richelieu acheta le domaine royal de Brouage, qui consistait essentiellement aux droits « des quatre deniers » sur chaque muid de sel exporté de Brouage. Ces droits, avec ceux de la Rochelle, lui rapportèrent plus que toutes les terres réunies jusqu’à sa mort.
Il acheta à la duchesse d’Elbeuf en 1633 les droits du Domaine dits « la table de mer » et les droits d’entrée du port de La Rochelle. « La table de mer » était une taxe de quatre deniers sur toutes les marchandises quittant le port.
Richelieu cumula aussi les gouvernements : Brouage, La Rochelle (avec l’Aunis et Ré) ; Nantes ; Chinon ; Le Havre ; Pont de l’Arche. Son cousin La Melleraye fut gouverneur de Rouen.