Partie VI - Le carré SATOR   Chapitre XLVII - Les bergers   
LES BERGERS D'ARCADIE NICOLAS POUSSIN CARRE SATOR ET IN ARCADIA EGO

Le stoïcisme avait amené les juristes à définir un droit naturel commun à tous les hommes. L’idéal de « l’humanitas » évoquait une possibilité de droit sur terre et pouvait se combiner avec la représentation d’un lieu idéal, peut-être inatteignable, mais une fois déjà réalisé en Arcadie où régneraient l’égalité et l’innocence retrouvée. Les poètes ou les artistes pouvaient même y trouver une justification, une sorte de légitimité. « L’idéal chrétien est différent puisqu’il projette hors de la vie présente la réconciliation et l’innocence, perdue par une faute originelle. L’existence personnelle devient un drame métaphysique puisque le mal existe et que le sort de l’homme dépend d’un événement unique, la Passion du Christ [1]» L’homme a vécu avant le péché originel au Paradis, manière d’Arcadie de la culture païenne évoquée par saint Paul et saint Augustin dans une vision mystique d’un accomplissement humain irréalisable sur terre. L’Arcadie, royaume de l’innocence et du bonheur, est une promesse qui n’est pas de ce monde.

La pensée éthique de Nicolas Poussin est étroitement liée à la cosmologie du stoïcisme. « Deux principes régissent le monde : Le Logos, "le Verbe" (comme dans l'ouverture de l'Evangile selon saint Jean), qui est la Raison divine, et est conçu comme une sorte de feu ; et la matière passive, sous la forme des éléments de terre et d'eau. Lorsque le Logos, en soi éternel et immuable, descend dans ce monde et vient habiter la matière, il donne naissance à la Nature, domaine d'une existence toujours en devenir. Le déterminisme gouverne le monde naturel, mais est lui-même fondé sur le Logos ou la raison : c'est ainsi que l'esprit su sage, en appréhendant la rationalité du monde, l'acceptera avec équanimité. [2]»

Le tableau de Nicolas Poussin, Les Bergers d’Arcadie, représente trois hommes et une femme qui sont peut-être des bergers. Cette composition recoupe les trois bergers Céladon, Sylvandre, Hylas et de la bergère Astrée, personnages principaux du roman L’Astrée d’Honoré d’Urfé dont l’action se situe au temps de nos ancêtres les Gaulois, dans une Arcadie des bords du Lignon en Forez.

Astrée est premièrement, avant d’être le nom de la bergère du roman d’Urfé, la déesse, fille de Zeus et de Thémis, qui abandonna la terre où elle régnait, après que les hommes eurent inventé la guerre et mis fin à l’âge d’or. Le nom d’Astraeus et de Céladon se rencontrent aussi dans Les Métamorphoses d’Ovide, au cours de l’épisode racontant les exploits de Persée. Ce sont deux guerriers tués par le héros au cours de la bataille que déclenche Phineus, frère du roi d’Ethiopie Cepheus, pour disputer la main de sa nièce Andromède : « Puis, tandis que la Fortune guide sa main, Persée abattit Clytius et Clanis, enfants d’une même mère, diversement blessés. Car Clytius eut les deux cuisses traversées par le javelot à hampe de frêne, brandi d’un bras pesant, et les dents de Clanis mordirent le trait entré par sa bouche. Tombent à leur tour Céladon de Mendès, Astreus, de mère Palestinienne, mais dont le vrai père reste ignoré [3]» (Livre V).

On retrouve, dans l’œuvre d’Urfé, les Wisigoths qui semblent avoir inspiré Chrétien de Troyes dans Le Conte du graal. Les envahisseurs, Romains comme Barbares, ont laissé sa liberté au petit pays du Forez : « par un privilège surnaturel, explique Galathée à Céladon, nous avons été particulièrement maintenus en nos franchises, puisque tant de peuples qui, comme torrents, sont fondus dessus la Gaule, il n’y en a point eu qui nous ait troublés en notre repos ; même Alaric, roi des Wisigoths, lorsqu’il conquit avec l’Aquitaine toutes les provinces de deçà la Loire, ayant su nos statuts, en reconfirma les privilèges » (I, II). Il s’agit d’Alaric II, roi de 484 à 507. Euric et Torrismond, le père et l’oncle d’Alaric, sont aussi cités au livre XII de la troisième partie.

La mort n’est pas absente de cette pastorale. On peut y lire :

« Dessous l’horreur d’un noir tombeau

Ce que la terre eut de plus beau

Est mis en cendre

O destin trop plein de rigueur !

Pourquoi mon corps comme mon cœur

N’y peut descendre ? »

L’aspect chrétien du tableau des Bergers d’Arcadie apparaît avec la présence de la mort dans la composition. L’accomplissement individuel ne se réalise pas ici-bas. « Le fantôme du bonheur collectif se mesure à la validité des actes mais ne trouvera sa justification qu’à l’heure de la Résurrection de la chair au Jugement dernier. L’Arcadie est projetée non pas dans un passé « uchronique », mais au-delà de la mort [4]».

La présence du tombeau dans le tableau des Bergers d’Arcadie signale un cinquième personnage mort, promis à cette Arcadie christianisée, mais peut-être d’une mort qui pourrait n’être qu’alchimique symbole de l’œuvre au noir. Cela nous ferait cinq bergers. Or en Cappadoce, du IXème au XIème siècle, les termes du carré SATOR ont servi à nommer les bergers de la scène de la Nativité. En effet, trois bergers, venus adorer le Christ, peints dans la chapelle Saint-Eustathe à Gueurémé, sont appelés Sator, Arepo et Teneton. A El Nazar, on peut lire le nom de Sator, à Toqale Kilissé Arepon et Teneton. A Tavchanle Kilissé, des peintures datant de Constantin Porphyrogénète (912-959) donnent les derniers mots du carré : Tenetro ou Teneton et Perarotas. « Dans les peintures, d’un caractère différent, qui ornent certaines églises du onzième et du douzième ou treizième siècle, les bergers ne sont généralement pas nommés. Cependant, à Qaranleq Kilissé de Gueurémé, la plus ancienne du groupe (onzième siècle), on retrouve le nom de Sator : les deux autres bergers sont anonymes. Si l’on considère que ces dernières décorations sont influencées par l’art de la capitale, tandis que les plus anciennes représentent une tradition proprement anatolienne, on conclura que c’est en Asie mineure et avant le Xème siècle que l’on eut l’idée d’imposer aux bergers ces étranges noms [5]».

Les bergers représentent un type mythique. « Ils marquent effectivement la sphère frontière entre la nature et la culture, ou encore le passage de la cueillette et de la chasse à l’agriculture sédentaire : comme les chasseurs, les bergers sont encore nomade, et ils se nourrissent eux aussi de la viande des animaux ; mais ils vivent également déjà des produits de la nature (lait, fromage, laine, etc.) , et ils élèvent des bêtes comme le paysan cultive des céréales. C’est à titre de personnification de ce passage que les bergers sont les destinataires les plus adéquats du message d’un Dieu qui personnifie lui-même le pur passage, la maturation et l’accomplissement dans l’unité des contraires, le devenir de la réalité profonde de la psyché humaine, qui se construit dès le tout début. Dans le symbole des « bergers », les oppositions si déchirantes entre pulsion et intellect, sentiment et raison, système limbique et cortex cérébral, pour parler en physiologiste, trouvent leur unité vitale. Dans les « bergers », considérés comme type mythique, habitent une ouverture et une possibilité d’épanouissement, qu’ils doivent à leur proximité de la nature et cette absence de complication, qu’il faut associer psychologiquement avec l’état de berger, se présente sous une forme qui paraît n’avoir rien de rustre, et donc d’inquiétant, pas plus qu’elle ne témoigne d’un primitivisme irréfléchi. C’est pourquoi dans la forme d’existence encore relativement traditionnelle des « bergers » restent vivantes l’annonce et la promesse d’une possibilité de récupération consciente de l’unité de l’être propre de chacun [6]».

Cette maturation des oppositions concorde avec l’alchimie dans son aspect psychologique et spirituel.

La relation privilégiée que les bergers entretiennent avec le surnaturel se manifeste dans l’aventure spirituelle de Mélanie Calvat (1831-1904) et Maximin Giraud (1835-1875), deux jeunes bergers, qui firent part de l’apparition de la Vierge dont ils bénéficièrent en 1846 près du Mont Gargas, sur la montagne de la Salette dont Fallavaux est un hameau. Les secrets confiés par la Vierge transparaissent dans les rédactions successives qui seront faites de la « rencontre ». L’historien de la Salette, le père Antoine Bossan, note, en 1871, l’interview que fit Mlle Dastarac des deux enfants vers 1848. Maximin déclara : « Il y aura des combats pour la religion… ensuite toutes les religions, la protestante et toutes les autres, viendront en une seule religion (évidemment la religion catholique)… puis la fin du monde ». Ce « évidemment » semble ne pas faire partie du secret, aussi la religion unifiée pourrait être toute autre chose que la religion catholique, comme l’indiquerait le placement de Fallavaux sur les nonagones. Les voyants se montraient hostiles au gouvernement de Napoléon III. Maximin annonçait sa chute. De même il rencontra le duc de Bordeaux alors en exil à Frosdorff, pour le dissuader de prétendre au trône et lui annoncer qu’il ne sera jamais roi de France. Bossan rapporte, selon le témoignage d’une compagne de noviciat, que Mélanie n’aimait pas les rois, n’aimait pas leur vie. Aussi, au moment du ralliement de l’Eglise de France à la République, Mélanie accepte volontiers la forme de gouvernement, même si elle condamne « ses actes de barbarie », puisque nous sommes en pleine période anticléricale. Ils s’attirèrent l’hostilité de beaucoup, et même de religieux qui ne croyaient pas à la réalité de l’apparition. « Extérieurement, le monde reste absolument comme il était et, apparemment, rien n’a changé, si ce n’est ce groupe de « bergers », qui poursuivent imperturbablement le message de leurs rêves [7]».

Autre apparition de la Vierge, qui ne fut pas contestée (par les croyants), est celle de Notre-Dame-de-l'Osier. Mais elle est fort ambigüe, puisque Pierre Port-Combet qui en bénéficia, se convertit en août 1657 du calvinisme au catholicisme pour mourir 7 jours plus tard.

L’épitaphe gravée sur le tombeau ET IN ARCADIA EGO peut se lire ET IN ARCA DIA EGO : « et moi dans l’arche divine ». En latin arca désigne un coffre, une cassette, une cellule de prison ou bien un cercueil. L’arche divine peut renvoyer à l’arche de Noé ou l’arche d’alliance – coffre dans lequel étaient enfermées les tables de la Loi. Certains textes qui font partie du Zohar sont dominés par l’image du déluge « métaphore de la corruption universelle ainsi que la déréliction intérieure du fidèle à laquelle le dévot n’échappe qu’en se réfugiant dans l’arche identifiée avec le Zohar qui procure à une communauté d’élus une connaissance salvifique au milieu du chaos. [8]» Proust affirmait à l’époque des Plaisirs et les jours : « Je fus souvent malade, et pendant de longs jours je dus rester dans l’ « arche ». Je compris alors que Noé ne put si bien voir le monde que de l’arche, malgré qu’elle fût close et qu’il fît nuit sur la terre. »[9]. Le tombeau serait l’arche où, enfermé, le cinquième personnage voit le monde, la scène représentée par le tableau par nos propres yeux. Tant qu’il y aura des spectateurs de la peinture de Poussin, il vivra dans sa dimension de toile et d’huile. C’est le but de l’œuvre que de permettre la survivance de l’auteur lui-même, à condition d’être toujours pris en considération à travers les années. Il acquiert l’immortalité, mais une immortalité sécularisé, la seule permise en ce monde.

Mais Arca est aussi une ville de la Cappadoce antique, ce qui nous ramène aux bergers de la nativité peints dans les églises de cette région.

Evandre l'Arcadien qui enseigna l'art de semer aux Italiens réunit en sa personne la conjonction que je fais entre le Carré SATOR et l'ET IN ARCADIA EGO.

Sous le règne de Faunus, près de soixante ans avant la venue d'Énée en Italie, l'Arcadien Évandre, fils de Mercure, ou d'Echémos, roi de Tégée en Arcadie, et de la nymphe Carmentis, quitta la Grèce avec sa mère, en raison d'un homicide involontaire qu'il aurait commis ou d'une rebellion. Évandre entra dans les bonnes grâces de Faunus qui lui remit un territoire pour s'y s'établir. Evandre l'appela Pallanté, du nom de de sa contrée d'origine, qui devint le Palatin. L'Arcadien apporta le culte des dieux grecs en particulier celui de Pan. Il institua la fête des Lupercales au cours de laquelle les prêtres, luperques, du culte de Lupercus (de "lupus" et "arceo" : celui aui éloigne les loups), identifié à Pan, le dieu-bouc gardien et protecteur des troupeaux. Les luperques étaient appelés aussi "Crepi", mots provenant de "crepa" forme archaïque de "capra", la chèvre. Évandre enseigna aux habitants de l'Italie à lire et à écrire, la culture des céréales, l'art de semer, et fut le premier en Italie à atteler les boeufs pour labourer la terre. Evandre avait un fils, Pallas qui combattit avec Enée, qui, fuyant Troie avait gagné l'Italie, contre les Rutules. Pallas fut tué par leur chef Turnus, que n'épargna pas Enée par la suite. A Rome, ville chère à Poussin, un autel était consacré à Evandre, au pied de l'Aventin près de la Porta Trigemina et à sa mère Carmenta, au pied du Capitole, près de la Porta Carmentalis).

Jeux de lettres

En considérant les lettres communes de l’épitaphe et de celles du carré SATOR on obtient AETENAROA dont on peut tirer plusieurs anagrammes :

AA AETERNO : AA. je rends éternel ou AA éternellement

AA et amalgame

A.A. (Ana Aequales Partes en latin) est un symbole de l’amalgame en alchimie puis en chimie selon le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse en XX volumes 1970. On trouve aussi pour représenter l’amalgame AAA, ainsi qu’un quadrillage donc une grille.

Amalgamer en alchimie a un sens qui est donné par le Dictionnaire mytho-hermétique de Dom Pernety. « Faire la réunion du mercure philosophique avec le soufre ou l’or des Sages ; non pas à la manière des Chymistes vulgaires, en broyant dans un mortier ou autrement, une matière solide avec un corps liquide, mais en conduisant le feu des Philosophes, suivant le régime prescrit ; c’est-à-dire, en perfectionnant l’œuvre par la cuisson ou digestion continuée, au feu égal, sulfureux, environné et qui ne brûle pas ».

Guillaume Salmon, auteur de la Bibliothèque des Philosophes Chimiques publié en 1672, expose une phase du magistère : « Voici de quelle manière les philosophes assurent que la chose se fait. Le mercure des philosophes (qu’ils appellent femelle) étant joint et amalgamé avec l’or (qui est le mâle) bien pur et en feuilles ou en limaille est mis dans l’œuf philosophal (qui est un petit matras fait en ovale, que l’on doit sceller hermétiquement, de façon que rien de la matière ne s’exhale) ; on pose cet œuf dans une écuelle pleine de cendres, qu’on met dans le fourneau, et lors le mercure, par la chaleur de son soufre intérieur, excité par le feu que l’artiste allume au-dehors et qu’il entretient continuellement dans un degré et dans une proportion nécessaires, ce mercure, dis-je, dissout l’or sans violence et le réduit en atomes. »

Le baron de Tschoudy, auteur de L’Etoile Flamboyante, se servit pour l’écrire de deux ouvrages : Les œuvres du Cosmopolite publié en 1681 et La lumière sortant par soi-même des ténèbres publié en 1686. L’Etoile flamboyante se présente comme une série de questions réponses, reproduite dans le livre d’Oswald Wirth, Le symbolisme hermétique. On peut y lire :

« D.127. Qu’entendent les Philosophes par leur or et par leur argent ?

R. Les Philosophes donnent le nom d’or à leur soufre et celui d’argent à leur mercure.

D.128. D’où les tirent-ils ?

R. Je vous ai déjà dit qu’ils les tirent d’un corps homogène où ils se trouvent en abondance et d’où ils les savent extraire l’un et l’autre par un moyen admirable et tout à fait philosophique.

D.129. Dès que cette opération sera duement faite, que doit-on faire ensuite ?

R. On doit faire son amalgame philosophique avec une très grande industrie, lequel partant ne se peut exécuter qu’après la sublimation du mercure et sa due préparation.

D. 130. Dans quel temps unissez-vous votre matière avec l’or vif ?

R. Ce n’est que dans le temps qu’on l’amalgame, c’est-à-dire : par le moyen de cette amalgame, on introduit en lui le soufre, pour ne faire ensemble qu’une seule substance, et, par l’addition du soufre, l’ouvrage est abrégé et la teinture augmentée. »

En d’autres termes, toujours tirés de l’ouvrage d’Oswald Wirth produisant une citation du Docteur Vauréal : « Ces opérations supposées réussies, ils ont obtenu le mercure blanc ou aqua viva et le soufre qu’ils appellent Sang de la terre ou Sang du dragon ; alors se présente le nouveau travail qui consiste à conjoindre le soufre au mercure, ou l’homme rouge à la femme blanche, et c’est de cette union que provient la médecine universelle des philosophes hermétiques ».

L’amalgame (A.A.), union du soufre et du mercure produit le Rebis ou Hermaphrodite, phase à partir de laquelle s’effectue la cuisson de la matière de l’œuvre qui passera de la couleur noire, à la blanche puis à la rouge. L’élaboration de l’élixir de longue vie, à même de rendre immortel, ou bien, au niveau religieux et spirituel, à même de rendre digne de la résurrection et donc de la vie éternelle. D’où AETERNO, je rends éternel.

Rappelons que l’amalgame alchimique est symbolisé par une grille à trois lignes verticales et trois lignes horizontales (Léon Gineste, « L’alchimie expliquée par son langage »). Les différentes grilles que nous avons pu rencontrer forment une suite : le corporal avec 9 cases, l’amalgame avec 16 cases et le carré SATOR avec 25 cases.

Aleph et Aleph

AA peut avoir une autre explication. Le A sombre et le A lumineux apparaissent dans un emblème de Francis Bacon (Londres, 1561 - Londres, 1626), philosophe, hermétiste, cryptographe. L'origine de ce symbole se trouve dans le De Arte Cabalista de Johannes Reuchlin (1455-1522), surnommé le "Père de la Réforme", paru en 1517. Décrivant la Création, il dit que "le sombre Aleph se changea en brillant Aleph", ce que l'on peut rapprocher d'une transmutation. Le De Arte Cabalista est une somme d'inspiration pythagoricienne affirmant que l'étude des analogies apparaissant entre les modèles mathématiques de la musique, de la géométrie et de l'astronomie exprimant l'harmonie de l'univers, permet de percer le sens caché des choses, révélant le monde supérieur invisible (macrocosme) qui se projette dans notre monde (microcosme). Il fut précédé des Rudimenta hebraïcæ linguæ parues en 1506 à Pforzheim, exposant ses recherches sur l'hébreu, signe d'un retour aux sources hébraïques du christianisme.

Nous retrouvons Aleph et Aleph chez Nostradamus dans le quatrain X 96 :

Religion du nom des mers vaincra,

Contre la secte fils Adaluncatif,

Secte obstinee deploree craindra

Des deux blessez par Aleph & Aleph.

AA et les Jésuites

La lutte contre la Réforme est passée par le recours au secret, comme moyen ou procédé initié par un petit groupe, en raison de la reconnaissance officielle des protestants en France. Les dispositions de l'Edit de Nantes légitimaient l'Eglise réformée au sein du royaume qui rendait illicite toute lutte, ouverte, officielle, contre les disciples de Calvin. Les textes de l'Edit furent confirmés, à plusieurs reprises, par Louis XIII, Mazarin et Louis XIV lui-même. Durant toute la première moitié du XVIIème siècle, seul l'édit d'Alès de 1629 qui supprimaient les places de sûreté protestantes, remit en cause cette tolérance qui, pour certains, n'était qu'une trêve. La Congrégation pour la conversion des infidèles fut réorganisée par le pape Grégoire XV en 1622 en Sacrée Congrégation de Propaganda Fide. Le 15 janvier de la même année, " le neveu de Grégoire XV, le cardinal Secrétaire d'État Ludovisi, faisait part au Nonce de France, l'archevêque Orsini, des intentions de cette nouvelle institution. L'objectif était explicite : " conserver inviolablement " la foi catholique des fidèles et " l'espandre " parmi les infidèles dont faisaient partie les protestants. Cette lutte, à l'égard de l'hérétique, ne pouvait être synonyme de violence mais devait spécifiquement utiliser les voies plus pacifiques de la persuasion, de la démonstration et partant de là, de la pression [10]". Grégoire XV, grand admirateur des jésuites, pape de 1621 à 1623, fut le protecteur du Guerchin le peintre à qui l'on doit la première représentation picturale de l'ET IN ARCADIA EGO (1618-1623). Le 12 mars 1622, il canonise les jésuites François Xavier et Ignace de Loyola. En 1623, les jésuites, célébrant l'anniversaire de leur canonisation, invitèrent Poussin, qui fit de brèves études chez eux dans sa jeunesse, à concourir pour réaliser la peinture à la détrempe des tableaux représentant les miracles des deux saints. Le peintre français en fit six que l'ordre garda jusqu'en 1762 au moins. Rappelons que Poussin, lorsqu'il vint à Paris à 18 ans, logea au Collège de Laon tenu par les Jésuites. En 1641, alors qu'il était revenu pour une courte période à Paris à la demande expresse de Richelieu, il réalisa une toile, Le Miracle de saint François Xavier, pour le nouveau noviciat des Jésuites à Paris, aujourd'hui au Louvre, à la demande de François Sublet de Noyers. Celui-ci était traité de jésuite secret par le Cardinal de Retz. Poussin repartit pour Rome avec le prétexte d'aller chercher sa famille mais y resta finalement lorsqu'il fut délié de son obligation de rester en France par la mort de Richelieu et de Louis XIII.

" Il semble que la première Aa vit le jour au Collège des Jésuites de La Flèche " selon un récit composé en 1750 par M. Capmartin, directeur du Séminaire des Missions-Étrangères qui relate sa création sous l'égide du père Jean Bagot en 1632. " Il semble ", dit-on, car les associations d'étudiants jésuites existaient depuis fort longtemps. Le Père Bagot "dirigeait la congrégation mariale qui groupait sans aucun secret certains élèves du collège. Pour l'animer, il sucita à l'imitation de ce qui existait au collège romain des jésuites des réunions périodiques entre les plus zélés d'entre eux (1633). C'était l'Assemblée qui, pour éviter toute jalousie, demeurait secrère. En abrégé Aa.[11]". Jean Bagot (Rennes, 1591 - Paris, 1664) fut appelé à Rome en 1639. Le Général de la Compagnie lui confie la charge de reviseur des livres. Il est de retour à Paris quatre ans plus tard. Aurait-il pu rencontrer Poussin dans la ville éternelle ?

La Compagnie de Jésus avait fondé à Rome plusieurs collèges dont le principal était le Collège Romain. Les congrégations mariales, nées de l'initiative du jeune jésuite belge Jean Leunis (1535- 1584) qui avait réuni, à Rome, les meilleurs élèves de sa classe au cours de l'année scolaire 1562-1563 en " un petit cercle pour la pratique de la dévotion envers Marie et pour l'exercice de quelques oeuvres pies " avaient été approuvées officiellement le 19 novembre 1584. La dévotion à Notre-Dame était fort en honneur dans ces congrégations. La récitation du petit office de la sainte Vierge y était généralement de règle. Les heureux résultats obtenus encouragèrent les Jésuites à fonder des Congrégations dans tous les collèges dirigés par eux; et il arriva que parmi elles, se formèrent des groupes particuliers, ayant pour objet de réunir les meilleurs congréganistes, leur assurer une direction spirituelle plus suivie, les guider dans l'exercice des œuvres de charité. Pour les distinguer des Congrégations, on leur donna, dans le vocabulaire souvent mystérieux de leurs membres, le nom d'Assemblées; lorsque les membres d'une Assemblée vivaient en commun, ils formaient une maison. "

Etrangement la graphie, dans les Annales d'une Aa lyonnaise, de ce terme de aa reproduit le symbole chimique de l'ana aequales partes, un aa surligné : signe probable de la devise "cor unum et anima unum". Ces annales sont conservé par les Soeurs de Saint-Charles de Lyon. Notons que les Aas s'émanciperont de l'ordre des Jésuites, ce qui leur permettra de survivre à l'exulsion des Jésuites de France en 1762 et à leur suppression en 1773.

Les Aa étaient proches de la Compagnie du Saint Sacrement, qui aurait été dirigée par 9 membres renouvelables tous les trois mois, fondée à ce que l'on en sait par Henri de Lévis, duc de Ventadour, et seigneur entre autres de Vauvert (Gard), vers 1627. La famille des Lévis possédait aussi le château de Ventadour à Meyras (Ardèche). Il arrivait que Compagnie et Assemblée, composées en partie des mêmes personnes, tiennent leurs assises dans le même local, tout en gardant chacune leur vie propre et distincte.

Les Aa et la Compagnie du Saint Sacrement ont fortement aidé la Société des Missions Etrangères par leur dévouement et leurs subsides. Un membre de la confédération (Aa), Vincent de Meur, de La Flèche vint à Paris pour suivre ses études et fréquentait la grande congrégation des externes du collège de Clermont, collège des Jésuites deviendra le collège de Louis-le-Grand. Il s'enquit d'y établir la même confédération dans l'année 1643. A partir de 1646, c'est le père Bagot, venu aussi de La Flèche qui sera l'âme de l'Aa de Paris. C'est lui dressera la première liste de candidats à l'épiscopat pour les Missions-Étrangères, et quand il mourra le 23 août 1664, les meilleurs de ses disciples, Laval-Montigny (Montigny-sur-Avre, 1623 - Québec, 1708), qui fit passer Méobecq - dont il était abbé commanditaire depuis 1664 - sous la dépendance de son évêché de Québec, Pallu (Tours, 1626 - Mo-yang, 1684), Lambert de la Motte (La Boissière, 1624 - Juthia, 1679) avaient pris en main la direction des jeunes Églises de la Nouvelle-France, du Tonkin et de la Cochinchine. Pallu sera nommé évêque d'Hélipolis et Vicaire apostolique du Tonkin. L'enseignement des Missions sera rendu au château de la Couarde, dont une partie du parc se trouve sur la commune de Grosrouvre, en 1659/1660 [12]. Notons que le Mystère des Cathédrales de Fulcanelli est dédié aux Frères d'Héliopolis. Y-a-t-il un rapport en Fulcanelli et les Aa, sachant que ceux-ci ont perduré au moins jusqu'au XIXème siècle, par exemple à Aix-en-Provence, mais n'y étaient pas secrets, et sans doute jusqu'à aujourd'hui ?

L'enchevêtrement des associations est tel que l'influence de l'Oratoire, fondé par Pierre de Bérulle (Cérilly, 1575 - Paris, 1629), qui s'opposera aux Jésuites, se manifeste aussi. Aussi, est-ce à cette congrégation que d'autres communautés, formés sur le même plan, revendiquent leur origine : les séminaires de Saint-Lazare (Saint Vincent Depaul), de Saint-Nicolas du Chardonnet, des Eudistes (Saint Jean Eudes), de Saint-Sulpice, se sont formés sous par les conseils des supérieurs de l'Oratoire, ou ont été fondés par des prêtres qui en étaient les disciples. Ainsi Jean Eudes (Ri, 1601 - Caen, 1680) fonde vers 1643 la Congrégation du séminaire de Jésus et Marie, et quitte l'Oratoire de Caen dont il était le supérieur. Jean Eudes était aussi membre de la Compagnie du Saint-Sacrement.

Un tableau, du XVIIème, qui se trouvait dans l’église Saint-Maurice de Reims, était la propriété des Jésuites de la ville et proviendrait du Collège de Clermont à Paris. Certains ont pensé à une origine maçonnique mais Oswald Wirth y voit un exemple d'hermétisme pratiqué par des catholiques initiés comme auraient pu l'être les Jésuites. Ce tableau indiquerait l'exploration, par les Jésuites, du champ hermétique dont les oeuvres du Guerchin et de Poussin sont une illustration, le disputant aux hérétiques rosicruciens, pour leur propagande religieuse. Cette toile est décrite par Oswald Wirth dans Le symbolisme hermétique. Le personnage central du tableau est une Vierge, la tête entourée de 8 étoiles à 5 branches - une neuvième fermerait le cercle -, tenant dans sa main droite le pied d’un vase oblong au col évasé d’où s’élancent des œillets. A droite du tableau, est représenté le temple de la Sibylle de Cumes, annonciatrice chez Virgile du retour de l’âge d’or par la naissance du Sauveur, fils d’Astrée, édifice circulaire d’où passe par une fenêtre la faux de Saturne. La Sibylle est sur le seuil posant une main sur une harpe et l’autre tenant un livre ouvert où est inscrit le chiffre 9, nombre de Saturne. 9 est aussi le nombre des livres sibyllins qu’aurait écrit la Sibylle de Cumes, qui portait les noms de Hérophile, Mélankraera (tête noire), Démo ou encore Démophile. Selon Virgile, Enée la rencontra dans son antre, âgée de 7 siècles. Elle lui parla de la faveur qu’elle reçut d’Apollon qui la désirait, de vivre autant de jours qu’elle pouvait tenir de grains de sable dans sa main. Mais elle oublia de lui demander de conserver sa jeunesse. La Sibylle proposa ses 9 livres écrits sur des feuilles de palmiers à Tarquin le Superbe qui méprisa son offre par deux fois alors qu’elle en détruisait trois à chaque refus. La troisième fois, le roi de Rome accepta d’acheter les trois derniers au prix de la totalité. En 83 avant J.-C. un incendie les consuma en même temps que le temple de Zeus Capitolin. Plus tard, Auguste fit reconstituer les livres grâce aux oracles recueillis dans l’empire. En 410, Stilicon les détruisit définitivement. Leurs cendres servaient jusqu’au Moyen Âge à confectionner des chrêmes au pouvoir magique.

Un petit temple porté dans la main gauche par la Vierge présente 9 fenêtres sur son côté droit par une desquelles passe une poutre au bout de laquelle pend un fil à plomb. Sous celui-ci un personnage, prêtre d’Isis, habillé de rouge portant caducée, baguette et anneau dans une main, et dans celle de gauche un livre fermé et un couteau. A côté de lui une femme vêtue de blanc, tenant un miroir, et portant une bourse. Un navire embarque 9 personnages : un « cyclope » tombant de la hune du mât de misaine, Mercure attachant un autre à la hune d’un autre mât, un enfant-pilote, un roi couronné portant un sceptre avec les nombres 1266 et 1137 inscrits à côté de lui, un vieillard se penchant vers la mer, un autre vieillard tenant un livre ouvert où se dresse une petite maison, un homme armé portant une statue de Minerve qu’il présente au second vieillard, et enfin un jeune Hercule, à la massue et à la peau de lion. Hercule accompagnait Jason sur le navire Argo.

Les lettres AETENAROA donnent aussi l’anagramme AENEA ROTA : roue d’airain

Dans le Dictionnaire mytho-hermétique de Dom Pernety on trouve les articles se rapportant à la roue. En alchimie, c’est la suite des opérations de l’œuvre hermétique : « Tourner la roue, c’est observer le régime du feu. Faire la circulation de la roue, c’est recommencer les opérations soit pour faire la pierre, soit pour la multiplier en qualité. La roue élémentaire des Sages est la conversion des éléments philosophiques, c’est-à-dire le changement de terre en eau, puis d’eau en terre, l’eau renferme l’air, et la terre contient le feu ».

Concernant l’airain : « Airain d’Hermès : terme de chymie dont se servent les Philosophes hermétiques pour signifier le corps imparfait dont ils doivent se servir pour l’œuvre de la pierre. Ils lui donnent également ce nom, avant qu’il soit purifié de ses hétérogénéités, comme pendant la putréfaction et la décoction continuée qu’il lui faut pour le rendre soufre incombustible. Ils le nomment aussi Laiton, Orpiment, Lion vert, Arsenic et de divers autres noms […].

Airain noir : matière des philosophes pendant la putréfaction ou leur laiton qu’il faut blanchir.

Airain blanc : c’est le laiton blanchi ou la pierre au blanc.

Airain incombustible : magistère au rouge parfait, parce qu’il ne craint plus les atteintes du feu. »

Le terme « airain » accompagne les différentes phases du travail alchimique. « Roue d’airain » est une expression, bien que je ne l’aie jamais rencontrée, qui peut le symboliser.

Un synonyme d’aenea est aerea, à une lettre près. Or Aerea rota se rencontre dans l’œuvre de Virgile, premier auteur latin à parler de l’Arcadie comme paradis terrestre. Dans l’Enéide, au livre V, Enée et ses compagnons ont quitté l’Afrique et doivent relâcher en Sicile à cause d’une tempête qui semble se préparer. Ils sont reçus amicalement par Aceste. Enée annonce des jeux au terme de 9 jours et procède à un sacrifice. Un énorme serpent vient consommer les offrandes, ce que tous interprètent comme l’agrément des dieux. Les jeux se déroulent et comportent des régates.

« Et maintenant, comblés, fiers de leurs trésors, tous allaient le front ceint de bandeaux de pourpre ; au même moment, s’étant à grand peine, après bien des manœuvres, échappé du cruel rocher, avec rames perdues, une rangée hors d’usage, Sergeste, parmi les risées, poussait sans honneur son bateau. Comme un serpent, parfois, surpris sur la chaussée d’une route, une roue de bronze (aerea rota) a passé sur lui comme il venait en oblique ou bien d’un coup furieux, avec une pierre, un voyageur l’a laissé demi-mort, tout brisé. En vain, tentant de fuir, il se tord de toute sa longueur, ici plein de colère, les yeux ardents et levant haut son cou gonflé de sifflements ; l’autre part de son corps paralysée par la blessure le retient, faisant effort de ses nœuds et se pliant sur lui-même. Ainsi le navire se poussait lentement de ses rames ; cependant il met les voiles et, vent en poupe, entre au port. Enée donne à Sergeste la récompense promise, heureux que le navire ait été sauvé et les hommes ramenés à terre. Il reçoit donc une esclave experte aux travaux de Minerve, une Crétoise Pholoé, avec les deux enfants qu’elle allaite. »

En alchimie, le serpent a été pris comme symbole du Mercure. La fixation du Mercure volatil par l’artiste au moyen de la lance ou de l’acier correspond dans le texte de Virgile à la paralysie de l’animal provoquée par le passage de la roue de bronze. Le bronze était le métal associé à Mars avant l’âge du fer. Le symbole se retrouve chez Zosime, antique alchimiste grec, auteur de ce passage : « Un serpent est étendu gardant ce temple et celui qui l’a dompté ; commence par le sacrifier puis écorche-le et, après avoir pris sa chair jusqu’aux os, fais-en un marche-pied à l’entrée du temple, monte dessus et tu trouveras l’objet recherché. Car le prêtre, d’abord homme de cuivre, a changé de couleur et de nature et il est devenu un homme d’argent ; peu de jours après, si tu veux, tu le trouveras changé en homme d’or ».

Ce serpent coupé en deux se retrouve dans un caisson de la galerie haute du château de Dampierre-sur-Boutonne étudié par Fulcanelli dans ses Demeures Philosophales : « Caisson 9 - Coupé par le milieu, un serpent, malgré le caractère mortel de sa blessure, croit cependant pouvoir vivre longtemps en cet état.

.DVM.SPIRO.SPERABO.

lui fait-on dire. Tant que je respire, j'espère. Le serpent, image du mercure, exprime, par ses deux tronçons, les deux parties du métal dissous, que l'on fixera plus tard l'une à l'autre, et de l'assemblage deqsquelles il prendra sa nature nouvelle, son individualité physique, son efficacité. Car le soufre et le mercure des métaux, extraits et isolés sous l'énergie désagrégeante de notre premier agent, ou dissolvant secret, se réduisent d'eux-mêmes, par simple contact, en formule d'huile visqueuse, onctuosité grasse et coagulable, que les Anciens ont appelé humide radical métallique et mercure des sages. D'où il ressort que cette liqueur, malgré son apparente homogénéité, est réellement composée des deux éléments fondamentaux de tous les corps métalliques, et qu'elle peut être considérée logiquement comme représentant un métal liquéfié et réincrudé, c'est-à-dire artificielklement remis en un état voisin de sa forme originelle. Mais ces éléments, se trouvant simplement associés et non radicalement unis, il semble raisonnable que notre symboliste ait songé à figurer le mercure sous l'aspect d'un reptile sectionné, dont les deux parts conservent chacune leur activité, leurs vertus réciproques. Et c'est là ce qui justifie l'exclamation de confiance fixée sur l'emblème lapidaire : tant que je respire, j'espère. En cet état de simple mélange, le mercure philosophique conserve l'équilibre, la stabilité, l'énergie de ses constituants, quoique ceux-ci soient voués cependant à la mortification, à la décomposition qui préparent et réalisent leur interpénétration mutuelle et parfaite[13].

La roue d'airain peut avoir une autre signification. Il s'agit du rhombe dont l'archéologie n'a jamais trouvé trace. C'était une sorte de toupie d'airain utilisée par les sorciers grecs et romains lors de cérémonies rituelles. En tournant, cette roue crantée où s'enfilaient deux fils liés à leur extrémité faisait un vacarme strident. Sa sonorité rugissante a été comparée au son primordial à l'origine de l'univers, aux cris des dieux, imitant la voix des esprits ou des ancêtres, intercesseur entre le monde terrestre et le monde de l'au-delà. Le rhombe a servi d'épouvantail à fauves et à éléphant en Malaisie par exemple.

Le rhombe rendit à Déméter sa joie de vivre après qu'elle passa 9 jours et 9 nuits à chercher sa fille Perséphone enlévée par Aïdoneus (Hadès). Déméter dans son affliction avait refusé de donner du blé aux hommes. C'est une autre version du complot d'Ino pour détruire la récolte d'Athamas comme on l'a vu.

"Quand elle eut mis fin aux festins/pour les dieux comme pour les hommes/Zeus voulut adoucir son funeste courroux./ le deuil de la déesse pour sa fille perdue,/et vous muses, par vos chœurs et vos chants./Cypris alors, la plus belle des bienheureuses,/ fit résonner pour la première fois/le bronze grondant et le rhombe tendu de cuir./Charmée par le cri rituel,/ la déesse rit et tendit les mains/à la flûte sonore./" (Euripide, « Hélène »)

Cela se passait à Eleusis chez le roi Céléos dont Déméter voulut rendre immortel le fils, Démophon. Alors qu'elle tenait le nouveau-né au-dessus du feu, le charme fut rompu par l'entrée inopinée de la fille d'Amphictyon. Démophon mourut alors.


[1] Françoise Duvignaud, « La terre mystique, terre fantasmée : l’Arcadie », L’Harmattan, p. 68

[2] Christopher Allen, « Le Grand Siècle de la Peinture française », Thames & Hudson, p. 71

[3] Ovide, « Les métamorphoses », traduction Joseph Chamonard, Garnier-Flammarion, p. 139

[4] Françoise Duvignaud, op. cit. p. 68

[5] G. de Jerphanion, « La voix des monuments », Les éditions d’art et d’histoire

[6] Eugen Drewermann, « De la naissance des dieux à la naissance du Christ », Seuil, p. 150

[7] ibid., p.174

[8] Roland Goetschel, « La Kabbale », Puf, p. 93

[9] Jean-Marc Rodrigues, « Histoire de la littérature française », Larousse, p. 1128

[10] Céline Borello, « Le secret dans la lutte contre l'" hérésie " en Provence », in Rives nord-méditerranéennes, rives.revues.org/document539.html.

[11] Y. Poutet et J. Roubert, « Les "Assemblées" secrètes des XVIIème-XVIIIème siècles en relation avec l'Aa de Lyon »

[12] archivesmep.mepasie.org

[13] Fulcanelli, « Les demeures Philosophales », tome II, Pauvert, pp. 78-79