Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre VI - La Gaule entre dans l'Histoire   

A l’appel des Eduens, soumis par les Germains d’Arioviste, César intervient en Gaule contre les Helvètes qui ont entamé une migration vers l’ouest. César les écrase près du Mont Beuvray en juillet 58 avant J.C. La bataille a lieu sur la commune de Montmort en Saône-et-Loire. César voulait pourvoir au ravitaillement de son armée en la conduisant à Bibracte. Les Helvètes, avertis, rattrapent l’arrière-garde romaine qu’ils harcèlent. César avait contourné la colline d’Armecy pour adosser son armée à celle de Montmort. Le combat s’engage et par deux fois les Helvètes sont repoussés contre la colline d’Armecy. « Ce double combat fut long et acharné. Impuissants à soutenir notre assaut, les premiers se replient sur la colline, comme ils l’avaient fait une première fois ; les autres se retirent à l’endroit où se trouvaient leurs bagages et leurs chariots. Pendant toute la durée de la bataille, bien qu’elle ait duré de la septième heure jusqu’au soir, personne ne put voir un ennemi tourner le dos. Jusqu’à une heure avancée de la nuit, on se battit près des chariots, dont les Helvètes s’étaient fait un rempart. […] Après une longue lutte, nos soldats s’emparent du camp et des bagages. Là, ils font prisonniers la fille d’Orgétorix et l’un de ses fils [1]». En août, César occupe Besançon (Vesontio) menacé par Arioviste. La bataille de Cernay renvoie les Germains outre Rhin. En 57, César mène une rapide campagne contre une coalition de Belges coalisés contre lui. Le général romain Crassus obtient la soumission des peuples entre Loire et Seine qui rompent le traité l’année suivante sous l’impulsion des Vénètes. La flotte de ces Armoricains est détruite par César près de Le Pouliguen. Crassus repousse les aquitains Sotiates qui se réfugient dans leur citadelle de Sos, que le Romain assiège. Il obtient leur reddition, mais le chef suprême des Sotiates, Adiatuanus, tente une sortie désespérée, mais doit rentrer dans la ville. Crassus s’assure finalement la soumission de la plus grande partie de l’Aquitaine, après un dernier combat contre une coalition d’Aquitains et d’Espagnols. Tarbelles, Bigerrions, Ptianes, Vocates, Tarusates, Elusates, Gates, Ausques, Garonnes, Sibuzates, et Cocosates envoyèrent spontanément à Crassus des otages. Après avoir rejoint Crassus en Aquitaine, César monte dans le nord de la Gaule pour punir les Ménapes et les Morins de leur soutien aux Vénètes, sans réussir à les réduire à merci. Il en profite pour repousser une offensive des Germains qui seront battus en Hollande. Cette année 55, César tente un raid en Bretagne, mais sa flotte sera détruite par la tempête. Il recommence en 54 et soumet les Londini de la vallée de la Tamise. En octobre Ambiorix, chef des Eburons, soulève des tribus belges, qui vainquent et tuent les lieutenants de César, Sabinus et Cotta. Elles assiègent Quintus Cicéron dans Charleroi qui est délivré par César, parti d’Amiens (Samarobriva). Les campagnes se poursuivent en Belgique, dans le nord de la Gaule et en Germanie. En janvier 52, la Gaule septentrionale et centrale, moins les Lingons et les Rèmes, se soulève sous le commandement de Vercingétorix, qui s’était emparé de la royauté arverne, et qui s’apprête à attaquer la Province romaine. César, averti, rentre d’Italie, se rend à Narbonne vers laquelle se dirigeait le Cadurque Lucterius avec une forte troupe mais qui s’était arrêté par crainte des armées romaines concentrées chez les Helviens. César traverse les Cévennes enneigées, lançant une offensive à Brioude qui désorganise le plan gaulois. Il rejoint ensuite ses alliés Eduens et poursuit dans le centre de la Gaule où il prend Genabum (Orléans), Novidunum (Nevers) et Vellaunodunum (peut-être Montargis). Vercingétorix pour anéantir les moyens de ravitaillements des armées romaines, pratique la politique de la terre brûlée au sud de la Loire mais épargne Bourges (Avaricum) qui est prise par César en mai qui met la main sur ses stocks. Le siège de Gergovie est un échec pour les Romains qui doivent se replier. Les Eduens abandonnent l’alliance romaine et s’associent à la révolte générale gauloise. Labienus bat les Parisii à Lutèce en juin et est rejoint par César à Joigny. Les deux armées conjointes se heurtent à la cavalerie gauloise qui est écrasée. Vercingétorix s’enferme alors à Alésia dont le siège marquera la fin de l’indépendance des tribus gauloises qui se soumettront les unes après les autres non sans se rebeller dans une guérilla qui durera jusqu’en 50. Cette année Uxellodunum (Le puy d’Issolud) est détruit.

Parmi les villes gallo-romaines dont certaines remontaient à la période gauloise qui se trouvent sur les nonagones on peut citer, en employant leur nom romain : Agendicum (Sens), Augusta (Saint-Quentin), Augustonemetum (Clermont-Ferrand), Autricum (Chartres), Avaricum (Bourges), Burdigala (Bordeaux), Cameracum (Cambrai), Cossium (Bazas), Divodurum (Metz), Genava (Genève), Lugdunum (Lyon), Portus namnetum (Nantes), Rotomagus (Rouen), Samarobriva (Amiens), Tolosa (Toulouse), Vesontio (Besançon).

Lyon, fondé en 43 avant J.C. en face de la ville gauloise de Condate, par Munatius Plancus selon les plans probables de César, sera déclaré capitale des Trois Gaules en 13 avant J.C. à l’issue du troisième voyage que fit Auguste en Gaule. Il effectuera un quatrième séjour en 10, année de la naissance de Claude, fils de Drusus qui dirigeait la guerre de Germanie, à Lyon précisément. Appelé ironiquement Claude le Gaulois par Sénèque, l’empereur Claude, monté sur le trône en 41 après l’assassinat de Caligula, favorisa l’accession de natifs gaulois aux fonctions administratives de l’empire, au Sénat en 48, et aux magistratures romaines.

Bourges, ville gauloise, tire son nom du peuple des Bituriges dont leur nom signifierait « Les rois du monde ». L’historien romain Tite-Live raconte que les Bituriges dominaient l’une des trois parties de la Gaule appelée Celtique. Leur roi Ambigat, ayant à gérer la surpopulation de son peuple, chargea ses deux neveux de mener des expéditions en Allemagne et en Italie. Bellovèse franchit donc les Alpes, fonda Milan (Mediolanum), s’accrocha avec les Etrusques et arriva devant Rome qui dut son salut aux fameuses oies du Capitole.

Pendant la guerre des Gaules, Bourges implora Vercingétorix de l’épargner, se présentant comme l’ornement de toute la Gaule. Le chef gaulois se laissa fléchir. On connaît la suite. Bourges entouré de marais avait élevé un rempart fait de poutres structurant une énorme levée de terre et décrit par César dans son Commentaire. Celui-ci eut l’idée de commander la construction d’une terrasse afin de surplomber le rempart. Ce fut fait en 25 jours, du côté de l’isthme qui reliait la colline de Bourges à la terre ferme. Malgré leur héroïsme, les Gaulois doivent capituler. César parle de 40 000 victimes parmi les assiégés, chiffre sans doute exagéré, mais c’était le prix de la vengeance.

La ville ne joua pas de rôle important avant le IVème siècle lorsqu’elle devint capitale de l’Aquitania prima. Mais entre temps elle vivait de manière opulente grâce aux mines de fer des environs, des blés de sa campagne et de sa position de carrefour routier. Au IIIème siècle, entre 270 et 310, à l’exemple de Rome, la ville de Bourges bâtit un rempart avec les pierres de ses monuments publics, comme, semble-t-il, ce fut le cas de nombreuses villes de Gaule. Ses constructions répondaient à une sourde angoisse qui était apparue avec les incursions des Francs, poussés par les Vandales, Hérules et Gépides, qui commencèrent en 250. La peste se déclara en Gaule en 251, alors que les persécutions des chrétiens étaient déclenchées sous les empereurs Dèce et Valérien, tué par le roi sassanide perse Sapor Ier en 259. Le fils de Valérien, Gallien, fut contesté en Gaule par le général Posthumus qui fut déclaré empereur par ses troupes. Sans jamais faire sécession et tenter quoi que ce soit en Italie, Posthumus contint tant bien que mal les Francs sur la frontière rhénane, et fut assassiné par ses soldats en 269 pour leur avoir refusé le pillage de Mayence. En 275, les Alamans font une incursion jusqu’aux Pyrénées. La défense de la Gaule est primordiale pour celle de l’Italie. C’est pourquoi, l’empereur Constantin ne quittera pas Trèves pendant dix ans, combattant Francs et Alamans en 306, 309, et 313-315. Mais la pression barbare sera telle que les empereurs du Vème siècle devront céder des territoires de l’empire en échange de la paix. Avec Constantin, les persécutions contre les chrétiens cessent, la religion chrétienne devient licite avec l’édit de Milan de 314. Le IVème siècle est dominé par les figures de saint Hilaire (vers 300 – 367), évêque de Poitiers, qui écrira son De Trinitate, pilier de l’orthodoxie face à l’arianisme, et son disciple saint Martin. Natif de Pannonie, Martin est célèbre pour avoir partagé son manteau à Amiens avec un indigent. C’est à lui que l’on doit sans doute la création du premier ermitage en 360 à Ligugé. Martin fonde ensuite le monastère de Marmoutiers, puis deviendra évêque de Tours en 371.

Les Barbares réussissent à s’installer en Gaule. Ainsi retrouve-t-on les Wisigoths, ariens, en Aquitaine en 416 qui élisent Toulouse comme leur capitale et qui obtiennent le statut de fédérés. Leur roi Alaric Ier avait conquit Rome en 410, emportant les trésors du Temple de Jérusalem avec lui. Les Wisigoths participent, alliés aux Francs, à la bataille des Champs catalauniques en 451 contre Attila, le roi Théodoric Ier y succombant d’un coup de lance de la part d’un Goth. Son fils Théodoric II, pro-romain, sera assassiné par son frère Euric Ier qui accroît l’étendue de ses domaines jusqu’à la Loire (prise de Tours en 470 ou 471), l’Auvergne, Arles, Marseille. L’annulation du foedus en 466 qui le liait à l’empire romain, montera contre lui l’élite catholique dont il cherchera à réduire l’influence. Son fils Alaric II, dernier roi de Toulouse, apaisera le conflit plus politique que religieux par le concile d’Agde de 506, et publiera le Bréviaire d’Alaric, inspiré du Code théodosien, qui transmettait l’héritage du droit romain.

Les Francs saliens, eux,  s’installent en Germanie seconde durement éprouvée par les Saxons. Leur roi Clodion, dans la première moitié du Vème siècle, se taille un royaume en Belgique seconde en prenant Cambrai, mais dut évacuer une partie des territoires conquis. Il obtient de Aetius le statut de fédéré, gouverneur de Gaule. Tournai devient capitale, et c’est dans cette ville que fut retrouvée la tombe de Childéric Ier en 1653, avec sa boule de cristal, sa tête de taureau et ses abeilles d’or. Son fils Clovis, roi en 481, anéantira le réduit romain qui subsistait entre les villes de Soissons, Senlis et Beauvais. Clovis lancera une véritable croisade contre les Wisigoths ariens après qu’il se sera converti au catholicisme sous l’influence de sa femme Clotilde, nièce du roi burgonde Gondebaud.

A Amboise, sur l’Île d’Or, anciennement Île Saint-Jean, en raison d’une chapelle vouée à ce saint qui y était construite, Clovis reçut le roi wisigoth Alaric II en 503, pour un traité de paix éphémère. Ils se rencontreront à Vouillé lors de la célèbre bataille, en 507, au cours de laquelle le roi wisigoth meurt comme son grand-père d’un coup de lance donné par Clovis lui-même.

Les domaines conquis en Gaule, dont le nom ne sera définitivement remplacé par celui de France (Francia occidentalis) que lors du traité de Verdun en 843, par Clovis connaîtront une succession de division entre ses descendants et de réunifications. Dagobert Ier (610 – 639) seul roi partage son royaume entre ses deux fils en bas âge Clovis II, pour la Neustrie et la Bourgogne, et Sigebert III, pour l’Austrasie.

La capitale de l’Austrasie était Metz qui fut évangélisée par saint Clément, présenté comme l’envoyé de saint Pierre depuis Rome. La ville fut le lieu du mariage de Sigebert Ier avec Brunehaut, fille du roi wisigoth d’Espagne. Le demi-frère de Sigebert, Chilpéric Ier, roi de Soissons, épousera Audovère, Galswinthe, sœur de Brunehaut, puis Frédégonde, sa maîtresse, qui fit assassiner les premières, s’attirant la haine de Brunehaut. Frédégonde commanda le meurtre de Sigebert en 575 auquel succéda Chidebert II, proclamé roi à Metz. Brunehaut, veuve, épousa l’année suivante son neveu Mérovée, fils de Chilpéric Ier et d’Audovère, qui sera étranglé sur ordre de Frédégonde en 578. En 584, poursuivant son activité meurtrière, elle fait assassiner son mari et gouverne le royaume de Soissons sous la protection de Gontran, roi de Bourgogne. A la mort de Gontran, elle reprend la lutte contre Brunehaut et ses petits-fils Thibert II, roi d’Austrasie, et Thierry II, roi de Bourgogne, Paris et Orléans. Brunehaut est battu en 596, livrée par les Austrasiens à Clotaire II, roi de Soissons, fils de Frédégonde, qui la fait mourir à 80 ans, tirée par un cheval et attachée à sa queue par un pied, un bras et ses cheveux. C’est à Metz que mourra Thierry II, en 613, un an après son frère qui lui avait laissé l’Austrasie.

Baptisé par Saint Amand, pieux et pacifique, Sigebert III fonda de multiples établissements religieux, et, dans les Ardennes, Cugnon, Malmédy et Stavelot. Il ne participa qu’à une seule bataille, à l’âge de 11 ans, au cours de laquelle les troupes franques furent anéanties par celles du duc de Thuringe Raoul. Le roi Sigisbert III fut inhumé, en 656, dans l’abbaye de Saint-Martin, fondée au VIIème siècle avant 613. Cette abbaye se trouve proche d’un sommet du grand nonagone, sur la commune du Ban-Saint-Martin. Sigebert épousa Imnechilde qui lui donna un fils Dagobert II, mort assassiné le 23 décembre 679 à Stenay sur l’ordre d’Ebroïn maire du palais de Neustrie.

Sigebert III et Clovis II sont considérés comme les deux premiers rois fainéants (« faits néant »). L’extinction de la race mérovingienne prendra encore quelques années et laissera la place aux Carolingiens.

Pépin de Herstal était petit-fils de Pépin de Landen, maire du palais d’Austrasie comme lui. Il bat le maire du palais de Neustrie, Berthaire, et le roi Thierry III à Tertry, ancienne Testriacum. Pépin dirige alors les trois royaumes de Neustrie, Bourgogne et Austrasie jusqu’à sa mort en 714 sous Clovis III, Childebert III et Dagobert III. En 715, Chilpéric II est obligé de céder la couronne d’Austrasie à son cousin Clotaire IV, prête nom du maire du palais Charles Martel, fils naturel de Pépin de Herstal. Charles Martel détiendra la réalité du pouvoir jusqu’à sa mort en 741, auquel succédera Pépin le Bref qui déposera, en 751, le dernier roi mérovingien, Childéric III, relégué dans un monastère à Saint-Omer. Pépin obtient l’assentiment du pape Zacharie qui donna à la demande d’autorisation de Pépin l’augustinienne réponse suivante : « L’ordre des choses de ce monde veut, conformément à la volonté divine, que le titre aille à celui qui a su en acquérir les pouvoirs plutôt qu’à celui qui n’a pu les conserver ». Le pape rétablira pour le premier souverain carolingien l’onction du sacre à l’origine biblique que les Wisigoths avaient conservé. Pépin est sacré à Soissons par Boniface, évêque de Mayence, devant l’ensemble des évêques de la Gaule. « Par l’onction sainte, le roi devenait un personnage sacré, une sorte de représentant de Dieu. Mais en même temps, si élevé qu’il fût ainsi au-dessus de tout son peuple, le roi devenait implicitement le subordonné de celui qui seul pouvait lui conférer un tel prestige. Du coup, l’évêque de Rome, qui n’avait été jusqu’alors qu’un sujet, si éminent fût-il, de l’empereur de Byzance, devenait le premier personnage de l’Occident, le maître suprême des rois et, bientôt, de l’empereur. Il devenait enfin le Pape dans toute la force que ce terme a pris depuis lors. [2]»

Un peu plus d’un siècle plus tard, ce sera le tour des Carolingiens d’être faits néant par les Capétiens.

 


[1] Jules César, « La guerre des Gaules », traduction de Germaine Roussel, Union générale d’éditions, p. 32

[2] Jean Mathieu-Rosay, « Chronologie des papes », Marabout, p. 134