Partie II - Voyage dans le temps   Chapitre V - Préhistoire   

Un Paléolithique archaïque a peut-être existé en Europe il y a 1 500 000 années. A Chilhac (Lavoûte-Chilhac) dans la Haute-Loire, on a retrouvé un outillage peu abondant mais identifiable. C’est l’époque de l’Homo habilis identifié la première fois à Olduvaï en Tanzanie.

Le paléolithique inférieur s’étend de – 1 200 000 à – 100 000 avant J.C. Il est illustré par l’Acheuléen, du nom d’un des quartiers de la ville d’Amiens, Saint-Acheul, qui est caractérisé par des bifaces en amande travaillés à l’aide de percuteurs doux. Celui-ci n’apparaît en Europe que vers – 800 000 ans alors qu’en Afrique il est déjà présent depuis 400 000 ans. L’Acheuléen récent, défini par V. Commont dans la région d’Amiens toujours, correspond au paléolithique inférieur récent et apparaît brusquement en Europe pendant l’avant-dernier épisode glaciaire, car les vestiges des périodes inter-glaciaires sont rares. Dans le sud de la France, l’abri sous roche de la Micoque (Les Eyzies-de-Tayac) illustre cette période.

Le Paléolithique inférieur est marqué par la disparition de l’Australopithèque et son remplacement par l’Homo erectus, l’apprivoisement du feu, la constitution d’abris naturels ou construits.

Le paléolithique moyen commence en – 100 000 avant J.C. avec la dernière glaciation de Würm au cours de laquelle le rivage des océans était à près de 120 mètres en  dessous de son niveau actuel. Cela pourrait placer les sommets des nonagones aujourd’hui en mer à sec. Un faciès de l’Acheuléen final est appelé Micoquien du nom de l’abri sous roche déjà mentionné. D’autres faciès existent et lui succède tels le Moustérien, du nom de l’abri du Moustier sur la commune de Payzac en Dordogne, qui devient synonyme de paléolithique moyen en Europe. Mais différents types de Moustérien ont été identifiés selon les régions et selon les époques. Ainsi à Arcy-sur-Cure, les faciès se succèdent mais dans le même ordre qu’à la Ferrassie ou ailleurs. Deux explications ont été données à la succession des faciès, l’une culturelle estimant que des groupes différents s’y sont succédés, l’autre fonctionnelle avançant que des travaux différents ont été exécutés par un même groupe dans le temps. Les hommes de cette époque sont principalement des Néanderthals qui ont aménagé leur habitat. En Ukraine une structure de cabane en os de mammouths a été retrouvée. Leurs sépultures font état de préoccupations religieuses.

Le paléolithique supérieur débute vers – 35 000, et commence alors le règne de l’Homo sapiens sapiens qui supplante les Néanderthaliens. Le climat connaît des oscillations avec des réchauffements et des refroidissements successifs. On assiste à une séquence qui voit évoluer le Châtelperronien, l’Aurignacien et le Gravettien qui est représenté à Arcy-sur-Cure et à Tursac. Les Eyzies-de-Tayac, sont le lieu de la découverte, en 1869, des squelettes des hommes de Cro-magnon par Louis Lartet, le fils d’Edouard Lartet qui s’était associé au banquier anglais Christy pour lancer une campagne de fouille dans la région. Les 5 squelettes dévoilaient un drame préhistorique : « la petite bande, une femme avec un enfant et trois hommes, avaient visiblement été assassinés, la femme au moyen d’un instrument contondant manié avec une vigueur incroyable qui lui avait défoncé le front. [1]»

Solutré est un site préhistorique découvert par A. Arcelin et H. de Ferry en 1866. D’innombrables ossements de chevaux furent exhumés au pied de la roche. Certains historiens pensent que les animaux étaient rabattus à l’extrémité du promontoire et étaient précipités dans le vide. Le site a donné son nom à une civilisation entièrement nouvelle dite le solutréen, faciès du paléolithique supérieur antérieur au magdalénien s’étendant de –18000 à –15000 avant J.C. L’industrie du solutréen se caractérise par un travail délicat de la pierre dont les retouches pouvaient produirent des lames dites en « feuille de saule ». L’aire culturelle s’étend sur une partie de l’Europe, de la mer Noire à l’Espagne, et trouve son origine soit en Hongrie, soit en Afrique du Nord.

Le Magdalénien succède au Solutréen et s’étend de –15000 à –8000 avant JC. Il est divisé en 6 périodes, dont la première correspond à un climat tempéré et humide et les autres à un refroidissement correspondant au dernier âge glaciaire. Dernière partie du paléolithique supérieur avant le néolithique, caractérisé par un important développement de l’industrie osseuse et la qualité des œuvres d’art mobilier et pariétal (Altamira, Lascaux). Cette période préhistorique doit son nom à l’abri de la Madeleine sur la commune de Tursac qui a été fouillé depuis 1863. Il comporte 357 gravures et 25 sculptures et bas-reliefs. On y a trouvé une statuette, représentative des Vénus périgordiennes dites autrefois « stéatopyges » de 9 à 15 cm de haut. Celle-ci est en calcite ambré et présente des attributs féminins opulents alors que buste, tête et jambes s’amenuisent. On peut y voir le prototype de la vierge qui va enfanter celte mais aussi de la vierge noire.

Les Eyzies-de-Tayac, sur la Vézère en Dordogne, rassemblent plusieurs grottes préhistoriques dont celle de Cro-Magnon. Celle de la Mouthe, sur les tracés, qui présente des gravures paléolithiques vraisemblablement réalisées en trois phases, aux périodes gravettienne, solutréenne et magdalénienne fut découverte par E. Rivière en 1895. Les figures de chevaux, de rennes, de mammouths et d’un beau bouquetin sont datées du magdalénien récent. La grotte des Combarelles fut découverte par Capitan, breuil et Peyrony en 1901. 8000 figurations pariétales datant de 13000 avant J.C. représentent des animaux, bisons, chevaux, mammouths, bovidés mais aussi 48 figures humaines ainsi que des formes géométriques dont la signification n’est pas connue : ovales blancs ou fendus, rectangles et triangles hachurés, lignes parallèles. Celle de Font de Gaume a été étudiée par l’abbé Breuil en 1901, ayant fait les relevés des peintures et des gravures. On peut y admirer la frise des bisons de la galerie principale, un loup au trait noir, et un très beau rhinocéros rouge.

D’autres sites magdaléniens sont à noter. Cabrerets recèle la grotte de Pech Merle qui est un haut lieu de la préhistoire. Elle renferme un ensemble de peintures magdaléniennes dont les plus remarquables sont le panneau des chevaux pommelés et la grande fresque de bisons, chevaux, aurochs et mammouths peints en noir sur la moitié de la salle principale. Commarque, près des Eyzies, rassemble sur son site un château médiéval et dans son sous-sol une grotte magdalénienne avec un beau cheval peint.

Selon l’interprétation de Leroi-Gourhan, la décoration donnait un sens à la grotte ou à l’abri qui constituait un tout organisé. Le symbolisme qui y est employé traduit une pensée religieuse. « Ce système est organisé autour de la reconnaissance d’un  double principe, masculin et féminin, dont la dualité s’exprime par l’association privilégiée de deux genres d’animaux, équidés et bovidés, et n’est pas étrangère à la dualité vie-mort. Masculin et féminin valorisent le monde extérieur, conçu essentiellement comme un univers animalier, ainsi qu’il est naturel pour une population de chasseurs, univers où l’homme prend conscience de sa propre présence dans la représentation de ce qui n’est pas lui, et tente une approche des mystères intérieurs que son la sexualité et la mort [2]».

Le Mas d’Azil est un site préhistorique fouillé par E. Piette en 1887, qui y reconnut au dessus de plusieurs niveaux magdalénien la présence de faciès épipaléolithique qu’il appela azilien et arisien. C’est une immense grotte traversée par l’Arize. L’abbé Breuil découvrit en 1903 des gravures magdaléniennes et en 1961 on mis au jour un crâne féminin dont les orbites avaient été obturées par deux rondelles d’os. Les Aziliens chassaient le petit gibier à l’aide d’armes microlithiques (de petite taille).

Au paléolithique succède le mésolithique puis le néolithique qui n’est, semble-t-il, que peu représenté sur les nonagones. A Auneau, un site préhistorique que les fouilles datent de 8000 à 3500 ans avant J.C. fut découvert en 1978 par des chasseurs qui y trouvèrent un squelette. Puis on découvrit une sépulture à la coquille Saint-Jacques, à proximité d’un tumulus et d’une zone de rejets domestiques.

Un des phénomènes caractéristiques du néolithique, avec la sédentarisation et l’agriculture, est le mégalithisme, création semble-t-il occidentale, mais les pierres dressées sont en petit nombre sur les tracés français. Au début du christianisme, les autorités ecclésiastiques qui s’expriment à travers les conciles et les synodes – Carthage en 398, Arles en 452, Tours en 567, Tolède en 681, Paris en 826 – en interdisent le culte et encouragent leur destruction. « Légion ceux qui ont disparu [3]». Saint Eloi, né à Chaptelat, se fait en son temps le « pourfendeur de ces idoles païennes [4]».

Parmi les mégalithes qui subsistent sur les tracés en dehors de la France, on peut citer Avebury qui connut aussi la folie des vandales et les "Hünensteine" de Lindern qui remontent bien entendu bien avant la venue des Huns.

Le mégalithisme trouve peut-être son origine dans le caractère collectif des coffres sépulcraux d’époque mésolithique tels ceux de l’île d’Hoédic en Morbihan. Les derniers chasseurs-cueilleurs, comme c’est le cas des premiers paysans, y constituèrent une véritable nécropole.

 


[1] Geoffrey Bibby, « L’homme de Cro-Magnon », Historia n° 200, p. 130

[2] Francis Hours, « Les civilisations du Paléolithique », PUF, p. 108

[3] Catherine Louboutin, « Au  Néolithique, les premiers paysans du monde », Gallimard, p. 75

[4] Jean-Pierre Mohen, « Les mégalithes, pierres de mémoires », Gallimard, p. 14